Poèmes (Pozzi)/Ave

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PoèmesMesures (p. 8-9).
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AVE


Très haut amour, s’il se peut que je meure
 Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
En quel passé votre temps, en quelle heure
 Je vous aimais,

 Très haut amour qui passez la mémoire,
Feu sans foyer dont j’ai fait tout mon jour,
 En quel destin vous traciez mon histoire,
 En quel sommeil se voyait votre gloire,
 Ô mon séjour…

 Quand je serai pour moi-même perdue
 Et divisée à l’abîme infini,
 Infiniment, quand je serai rompue,
 Quand le présent dont je suis revêtue
 Aura trahi,

 Par l’univers en mille corps brisée,
 De mille instants non rassemblés encor,
De cendre aux cieux jusqu’au néant vannée,
 Vous referez pour une étrange année
 Un seul trésor


Vous referez mon nom et mon image
De mille corps emportés par le jour,
Vive unité sans nom et sans visage,
Cœur de l’esprit, ô centre du mirage
 Très haut amour.