Poèmes antiques et modernes/Éloa, ou la Sœur des Anges/Chant Deuxième, Séduction

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Poèmes antiques et modernes/Éloa, ou la Sœur des Anges
Poèmes antiques et modernes, Texte établi par Edmond Estève, Hachette (p. 42-56).

CHANT DEUXIÈME

séduction[1]

Souvent parmi les monts qui dominent la terre
S’ouvre un puits naturel, profond et solitaire ;
L’eau qui tombe du ciel s’y garde, obscur miroir
Où, dans le jour, on voit les étoiles du soir[2].
Là, quand la villageoise a, sous la corde agile,
De l’urne, au fond des eaux, plongé la frêle argile,
Elle y demeure oisive, et contemple longtemps
Ce magique tableau des astres éclatants.
Qui semble orner son front, dans l’onde souterraine[3],
D’un bandeau qu’envîraient les cheveux d’une Reine.
Telle, au fond du Chaos qu’observaient ses beaux ; yeux,
La Vierge, en se penchant, croyait voir d’autres Cieux[4].

Ses regards, éblouis par des Soleils sans nombre,
N’apercevaient d’abord qu’un abîme et que l’ombre,
Mais elle y vit bientôt des feux errants et bleus
Tels que des froids marais les éclairs onduleux[5][6] ;
Ils fuyaient, revenaient, puis s’échappaient encore ;
Chaque étoile semblait poursuivre un météore[7] ;
Et l’Ange, souriant au spectacle étranger,
Suivait des 5’eux leur vol circulaire et léger[8].
Bientôt il lui sembla qu’une pure harmonie
Sortait de chaque flamme à l’autre flamme unie[9] :
Tel est le choc plaintif et le son vague et clair[10]
Des cristaux suspendus au passage de l’air,
Pour que, dans son palais, la jeune Italienne
S’endorme en écoutant la harpe-Éolienne[11].
Ce bruit lointain devint un chant surnaturel[12],
Qui parut s’approcher de la fille du Ciel[13] ;
Et ces feux réunis furent comme l’aurore
D’un jour inespéré qui semblait près d’éclore[14].

À sa lueur de rose un nuage embaumé
Montait en longs détours dans un air enflammé,
Puis lentement forma sa couche d’ambroisie,
Pareille à ces divans où dort la molle Asie[15].
Là, comme un Ange assis, jeune, triste et charmant[16].
Une forme céleste apparut vaguement[17].



Quelquefois un enfant de la Clyde écumeuse[18][19],
En bondissant parcourt sa montagne brumeuse[20].
Et chasse un daim léger que son cor étonna,
Des glaciers de l’Arven aux brouillards du Crona[21][22],

Franchit les rocs moussus, dans les gouffres s’élance[23],
Pour passer le torrent aux arbres se balance,
Tombe avec un pied sûr, et s’ouvre des chemins[24]
Jusqu’à la neige encor vierge des pas humains.
Mais bientôt, s’égarant au milieu des nuages[25].
Il cherche les sentiers voilés par les orages[26] ;
Là, sous un arc-en-ciel qui couronne les eaux[27],
S’il a vu, dans la nue et ses vagues réseaux[28].
Passer le plaid léger d’une Écossaise errante,
Et s’il entend sa voix dans les échos mourante.
Il s’arrête enchanté, car il croit que ses yeux
Viennent d’apercevoir la sœur de ses aïeux.
Qui va faire frémir, ombre encore amoureuse,
Sous ses doigts transparents la harpe vaporeuse[29] ;

Il cherche alors comment Ossian la nomma,
Et, debout sur sa roche, appelle Evir-Coma[30][31].



Non moins belle apparut, mais non moins incertaine,
De l’Ange ténébreux la forme encor lointaine,
Et des enchantements non moins délicieux
De la Vierge céleste occupèrent les yeux[32][33].
Comme un cygne endormi, qui seul, loin de la rive.
Livre son aile blanche à l’onde fugitive[34],
Le jeune homme inconnu mollement s’appuyait
Sur ce lit de vapeurs qui sous ses bras fuyait.
Sa robe était de pourpre, et, flamboyante ou pâle[35],
Enchantait les regards des teintes de l’opale[36].

Ses cheveux étaient noirs, mais pressés d’un bandeau ;
C’était une couronne ou peut-être un fardeau :
L’or en était vivant comme ces feux mystiques
Qui, tournoyants, brûlaient sur les trépieds antiques.
Son aile était ployée, et sa faible couleur
De la brume des soirs imitait la pâleur[37].
Des diamants nombreux rayonnent avec grâce
Sur ses pieds délicats qu’un cercle d’or embrasse[38] ;
Mollement entourés d’anneaux mystérieux.
Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux[39].
Il agite sa main d’un sceptre d’or armée[40],
Comme un roi qui d’un mont voit passer son armée[41],
Et, craignant que ses vœux ne s’accomplissent pas,
D’un geste impatient accuse tous ses pas.
Son front est inquiet ; mais son regard s’abaisse,

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Soit que sachant des yeux la force enchanteresse, Il veuille ne montrer d’abord que par degrés Leurs rayons caressants encor mal assurés, Soit qu’il redoute aussi l’involontaire flamme Qui dans un seul regard révèle l’âme à l’âme[42]. Tel que dans la forêt le doux vent du matin[43] Commence ses soupirs par un bruit incertain Qui réveille la terre et fait palpiter l’onde ; Élevant lentement sa voix douce et profonde, Et prenant un accent triste comme un adieu, Voici les mots qu’il dit à la fille de Dieu :


» D’où viens-tu, bel Archange ? où vas-tu ? quelle voie[44] » Suit ton aile d’argent qui dans l’air se déploie[45] ? » Vas-tu, te reposant au centre d’un Soleil, » Guider l’ardent foyer de son cercle vermeil[46] ; » Ou, troublant les amants d’une crainte idéale, » Leur montrer dans la nuit l’Aurore boréale[47] ; » Partager la rosée aux calices des fleurs, }} {{#tag :poem| » Ou courber sur les monts l’écharpe aux sept couleurs[48][49] ? » Tes soins ne sont-ils pas de surveiller les âmes[50], » Et de parler, le soir, au cœur des jeunes femmes ; » De venir comme un rêve en leurs bras te poser, » Et de leur apporter un fils dans un baiser[51][52] ? » Tels sont tes doux emplois, si du moins j’en veux croire[53] » Ta beauté merveilleuse et tes rayons de gloire. » Mais plutôt n’es-tu pas un ennemi naissant[54] » Qu’instruit à me haïr mon rival trop puissant ? » Ah ! peut-être est-ce toi qui, m’offensant moi-même, » Conduiras mes Païens sous les eaux du baptême[55] ; » Car toujours l’ennemi m’oppose triomphant » Le regard d’une vierge ou la voix d’un enfant[56]. » Je suis un exilé que tu cherchais peut-être[57] :

}}

» Mais s’il est vrai, prends garde au Dieu jaloux ton maître ;
» C’est pour avoir aimé, c’est pour avoir sauvé,
» Que je suis malheureux, que je suis réprouvé.
» Chaste beauté ! viens-tu me combattre ou m’absoudre[58] ?
» Tu descends de ce Ciel qui m’envoya la foudre,
» Mais si douce à mes yeux, que je ne sais pourquoi
» Tu viens aussi d’en haut, bel Ange, contre moi[59]. »



Ainsi l’Esprit parlait. À sa voix caressante[60],
Prestige préparé contre une âme innocente,
À ces douces lueurs, au magique appareil
De cet Ange si doux, à ses frères pareil[61],
L’habitante des Cieux, de son aile voilée.
Montait en reculant sur sa route étoilée[62],
Comme on voit la baigneuse au milieu des roseaux[63]

Fuir un jeune nageur qu’elle a vu sous les eaux[64].
Mais en vain ses deux pieds s’éloignaient du nuage,
Autant que la colombe en deux jours de voyage
Peut s’éloigner d’Alep et de la blanche tour[65]
D’où la sultane envoie une lettre d’amour[66] :
Sous l’éclair d’un regard sa force fut brisée[67] ;
Et, dès qu’il vit ployer son aile maîtrisée[68],
L’ennemi séducteur continua tout bas :



« Je suis celui qu’on aime et qu’on ne connaît pas.
» Sur l’homme j’ai fondé mon empire de flamme,
» Dans les désirs du cœur, dans les rêves de l’âme,
» Dans les liens des corps, attraits mystérieux,
» Dans les trésors du sang, dans les regards des yeux[69].
» C’est moi qui fais parler l’épouse dans ses songes ;

» La jeune fille heureuse apprend d’heureux mensonges ;
» Je leur donne des nuits qui consolent des jours,
» Je suis le Roi secret des secrètes amours[70].
» J’unis les cœurs, je romps les chaînes rigoureuses[71],
» Comme le papillon sur ses ailes poudreuses[72]
» Porte aux gazons émus des peuplades de fleurs[73],
» Et leur fait des amours sans périls et sans pleurs[74].
» J’ai pris au Créateur sa faible créature ;
» Nous avons, malgré lui, partagé la Nature[75] :
» Je le laisse, orgueilleux des bruits du jour vermeil,
» Cacher des astres d’or sous l’éclat d’un Soleil[76] ;
» Moi, j’ai l’ombre muette, et je donne à la terre
» La volupté des soirs et les biens du mystère.



» Es-tu venue, avec quelques Anges des cieux[77],
» Admirer de mes nuits le cours délicieux ?

» As-tu vu leurs trésors ? Sais-tu quelles merveilles
» Des Anges ténébreux accompagnent les veilles ?



» Sitôt que, balancé sous le pâle horizon[78],
» Le soleil rougissant a quitté le gazon[79],
» Innombrables Esprits, nous volons dans les ombres[80]
» En secouant dans l’air nos chevelures sombres[81] :
» L’odorante rosée alors jusqu’au matin
» Pleut sur les orangers, les lilas et le thym[82].
» La Nature attentive aux lois de mon empire[83]
» M’accueille avec amour, m’écoute et me respire ;
» Je redeviens son âme, et pour mes doux projets,
» Du fond des éléments j’évoque mes sujets.
» Convive accoutumé de ma nocturne fête,
» Chacun d’eux en chantant à s’y rendre s’apprête.
» Vers le ciel étoile, dans l’orgueil de son vol[84],
» S’élance, le premier, l’éloquent rossignol[85] ;
» Sa voix sonore, à l’onde, à la terre, à la nue,

» De mon heure chérie annonce la venue[86] ;
’75 » Il vante mon approche aux pâles alisiers,
» Il la redit encore aux humides rosiers ;
» Héraut harmonieux, partout il me proclame ;
» Tous les oiseaux de l’ombre ouvrent leurs yeux de flamme.
» Le vermisseau reluit ; son front de diamant
» Répète auprès des fleurs les feux du firmament,
» Et lutte de clartés avec le météore[87]
» Qui rôde sur les eaux comme une pâle aurore.
» L’étoile des marais, que détache ma main,
» Tombe et trace dans l’air un lumineux chemin[88][89].



» Dédaignant le remords et sa triste chimère[90],
» Si la Vierge a quitté la couche de sa mère,

» Ces flambeaux naturels s’allument sous ses pas[91],
» Et leur feu clair la guide et ne la trahit pas.
» Si sa lèvre s’altère et vient près du rivage
» Chercher comme une coupe un profond coquillage,
» L’eau soupire et bouillonne, et devant ses pieds nus
» Jette aux bords sablonneux la Conque de Vénus[92].
» Des Esprits lui font voir de merveilleuses choses,
» Sous des bosquets remplis de la senteur des roses ;
» Elle aperçoit sur l’herbe, où leur main la conduit,
» Ces fleurs dont la beauté ne s’ouvre que la nuit,
» Pour qui l’aube du jour aussi sera cruelle[93],
» Et dont le sein modeste a des amours comme elle[94].
» Le silence la suit ; tout dort profondément.
» L’ombre écoute un mystère avec recueillement[95] ;
» Les vents, des prés voisins, apportent l’ambroisie
» Sur la couche des bois que l’amant a choisie[96].
» Bientôt deux jeunes voix murmurent des propos
« Qui des bocages sourds animent le repos.
» Au fond de l’orme épais dont l’abri les accueille,
» L’oiseau réveillé chante et bruït sous la feuille.
» L’hymne de volupté fait tressaillir les airs[97],
» Les arbres ont leurs chants, les buissons leurs concerts,
» Et, sur les bords d’une eau qui gémit et s’écoule,
» La colombe de nuit languissamment roucoule[98][99].



» La voilà sous tes yeux l’œuvre du Malfaiteur[100] ;
» Ce méchant qu’on accuse est un Consolateur[101]
» Qui pleure sur l’esclave et le dérobe au maître[102],
» Le sauve par l’amour des chagrins de son être[103],
» Et, dans le mal commun lui-même enseveli[104],
» Lui donne un peu de charme et quelquefois l’oubli[105]. »
Trois fois, durant ces mots, de l’Archange naissante,
La rougeur colora la joue adolescente,
Et, luttant par trois fois contre un regard impur,
Une paupière d’or voila ses yeux d’azur.

  1. Var : M, 1er main, L’Enfer en surcharge : Les TénèbresDans le coin supérieur de gauche, ces deux mots jetés en marge : Séduction et un peu au-dessous : Véronèse. — O, Chant Second.
  2. Chateaubriand, Génie du Christ., 1er partie, l. V, ch. 10 : On trouve au pied des monts Apalaches, dans les Florides, des fontaines qu’on appelle puits naturels. Chaque puits est creusé au centre d’un monticule planté d’orangers, de chênes-verts et de catalpas. Ce monticule s’ouvre en forme de croissant du côté de la savane, et un courant d’eau sort du puits par cette ouverture. Les arbres, en s’inclinant sur la fontaine, rendent sa surface toute noire au-dessous ; mais à l’endroit où le courant d’eau s’échappe de la base du cône, un rayon du jour, pénétrant par le lit du canal, tombe sur un seul point du miroir de la fontaine, qui imite l’effet de la glace dans la chambre obscure du peintre.
  3. Var : M, dans l’ombre souterraine
  4. Milton, P. P., IV, 457 : Je me couchai [c’est Ève qui parle] sur la rive verdoyante, pour plonger mes regards dans le lac clair et lisse, qui me semblait un autre ciel. Comme je me penchais pour voir, juste en face de moi une forme apparut dans le miroir liquide, se penchant aussi pour me voir…
  5. Moore, A. d. A., p. 25 : Les feux livides qui rampent à la surface de la terre dés que le jour a disparu…
  6. Var : M, éclairs surcharge un mot illisible.
  7. Moore, A. d. A., p. 56 : Je suivais quelque comète voyageuse se dirigeant de loin vers des points lumineux.
  8. Var v. 19-20 : M, 1er main, Et l’ange curieux (corr. : curieuse) | Souriait à leur vol et les suivait des yeux. (corr. : et des yeux les suivait.) 2e main, Et l’ange, à voir (corr. : ces) doux jeux d’un royaume étranger, (corr. : en souriant au spectacle étranger,) | Souriait à (corr. : Suivait des yeux) leur vol circulaire et léger.
  9. Moore, A. d. A., p. 36 : En vain je prêtais l’oreille à la musique jadis si mélodieuse qui retentissait autour de mes sphères favorites.
  10. Var : M, Telle est la voix plaintive (corr. : Tel est le choc plaintif)
  11. Var : M, la harpe Éolienne. O, la Harpe-Éolienne. A-C3, la harpe éolienne.
  12. Var : M, un chant mystérieux
  13. Var : M, de l’ange curieux ; O, de la fille du ciel ;
  14. Var : M, prêt d’éclore.
  15. Var : M, Ainsi qu’un des divans
  16. Var : M, 1er main, homme en surcharge : ange
  17. Lewis, Le Moine, ch. VII (Matilda, en présence d’Ambrosio, évoque Satan dans les souterrains du monastère de Sainte-Claire) : « Il vient ! » s’écria Matilda avec un accent de joie. Ambrosio tressaillit, et attendit le démon avec terreur. Quelle fut sa surprise quand, le tonnerre cessant de rouler, les larges accords d’une mélodieuse musique firent résonner l’air ! En même temps, le nuage disparut, et il aperçut une figure plus belle que n’en dessina jamais le crayon de la fantaisie. C’était un jeune homme qui paraissait avoir dix-huit ans environ : ses formes et son visage étaient d’une perfection incomparable… Son corps resplendissait d’une clarté éblouissante : il était entouré de nuages de lumière couleur de rose, et au moment qu’il apparut, une brise rafraîchissante exhala ses parfums dans la caverne.
  18. Il est fréquemment question dans les poèmes ossianiques de la Clutha ou Cluath « ancien nom du Clyde ou de la Clyd » (Trad. de Le Tourneur, 1777, t. I, p. lxxi).
  19. Var : Ce vers commence la page 28 du manuscrit ; en haut de cette page, dans le coin de gauche, en travers : (l’esprit ténébreux) ; ces mots ont été biffés ; au verso du feuillet, dans le coin supérieur de gauche, ces indications : Le chasseur écossais et, au-dessous : La baigneuse.
  20. Var : M, 1er main, sa en surcharge : son
  21. L’Arven est une montagne de Calédonie ; le Crona, une colline et un torrent. Ces deux noms sont souvent rapprochés l’un de l’autre. Voir notamment le poème de Comala : On n’entend plus sur l’Arven que le bruit du torrent. Fille de Morni, viens des rives de Crona. (Le Tourneur, t. II, p. 124). — Lève-toi, brouillard du sombre Crona, enveloppe le chasseur dans tes voiles… (p. 126). — Quel héros est tombé sur les bords du Carron ?… Était-il blanc comme la neige d’Arven, éclatant comme l’arc de la pluie ? (p. 127).
  22. Var : M, glaciers surcharge un mot illisible.
  23. Var : B-D, mousseux
  24. Var : M, 1er main, Tombe sur (corr. : avec) un pied sûr, et (corr. : ou) s’ouvre des chemins
  25. Var : M, 1er main, Mais dès que sur le mont où l’ombre le retarde, 2e main, Mais si dans les vapeurs dont l’ombre le retarde, 3e main, Mais dépassant l’éclair que d’en haut il regarde, 4e main, texte actuel.
  26. Var : M, 1er main, Dans un nuage obscur (corr. : Si parmi les vapeurs) marche le (corr. : ce) fils du Barde, 2e main, texte actuel.
  27. Var : M, Si (corr. : Et) sous un arc-en-ciel
  28. Var : M, S’il a vu dans la brume (corr. : nue) et ses vagues (1er corr. : brumeux, 2e corr. : vagues) réseaux
  29. Entre autres innombrables apparitions de fantômes que Vigny avait pu retenir de la lecture d’Ossian, noter dans le poème de Carrictura les chants qui célèbrent les amours de Vinvela et de Shilric. « Vinvela : Mon Amant erre sans cesse sur la montagne, il poursuit le chevreuil léger. Ses dogues haletants l’environnent, et la corde de son arc résonne dans l’air. Te reposes-tu, cher Amant, au bord de la source du rocher, ou prés du torrent de la montagne ? Le vent balance les joncs, et fait voler le brouillard par-dessus les collines. Je vais, sans être aperçue, m’approcher de mon Amant, et le voir du haut du rocher. Que tu me parus aimable, ô Shilric, quand je te vis pour la première fois, etc. [Mais Shilric, en revenant de la guerre, ne retrouve plus dans sa patrie sa chère Vinvela] : Je suis assis au sommet de la colline sur la mousse qui borde le torrent ; le feuillage d’un arbre antique frémit sur ma tête… Il est midi ; tout est calme ; je suis seul, et la tristesse s’empare de mes pensées ? Est-ce toi, Vinvela, que j’entrevois à peine sur cette bruyère ? Tes longs cheveux flottent sur tes épaules ; ton sein d’albâtre s’élève et s’abaisse en exhalant de profonds soupirs : tes beaux yeux sont remplis de larmes… Elle parle : que le son de sa voix est faible ! C’est le murmure du zéphyr entre les roseaux. Mais pourquoi restes-tu seule sur cette colline déserte ? — Vinvela : Oui, je suis seule, ô Shilric, seule dans la sombre et froide demeure. Je suis morte de douleur pour toi, Shilric, je suis dans la tombe. (Le Tourneur, I, p. 187-192.)
  30. Il est question d’Évir-Coma dans le chant III du poème de Temora : Quelle est celle qui vient de Strumon, les cheveux épars ? Elle marche d’un air triste et lève ses yeux sur Erin. Évir-Coma, pourquoi cette tristesse ? Qui peut égaler la gloire de ton époux ? Que Gaul était terrible dans le combat ! Il revient couvert de gloire : il a levé sou épée, et les ennemis ont fui. — Voir encore ch. V, p. 159.
  31. Entre 56 et 57 : O, ni filet ni blanc.
  32. Var : M, enchantèrent
  33. Entre 60 et 61 : O, un liane et un filet.
  34. Var : M, Plonge une aile d’argent dans (corr. : Livre son aile blanche à) l’onde fugitive,
  35. Var : M, 1er main, La pourpre de sa robe était longue et brillante, 2e main, Sa robe était de pourpre, et tantôt rouge ou pâle,
  36. Var : M, 1er main, Mais ainsi que l’opale en reflets vacillante. 2e main, Qui changeait aux regards comme change l’opale. 3e main, texte actuel.
  37. Var : M, 1er main, D’un brouillard tran (le vers est resté en suspens) 2e main, texte actuel.
  38. Var v. 73-74 : M, 1er main, Le diamant en feu dans l’or pur étincelle | (mots illisibles) des pieds que la pourpre décèle ; 2e main, Des diamants nombreux rayonnent avec grâce | Sur chacun de ses pieds qu’un cercle d’or surmonte (corr. : enlace) ;
  39. Var v. 75-76 : M, 1er main, Tous ses doigts et ses bras (blancs biffé) souples et gracieux | Brillent environnés d’anneaux mystérieux. 2e main, Ses bras et tous ses doigts éblouissent les yeux, | Et brillent entourés d’anneaux mystérieux.
  40. Lewis, Le Moine, ch. VII (portrait de Satan) : Il était entièrement nu : une étoile brillante étincelait sur son front, deux ailes cramoisies se déployaient de ses épaules, et ses boucles soyeuses étaient pressées par un bandeau de mille feux colorés, qui se jouaient autour de sa tête, prenaient toutes les formes, et resplendissaient d’un éclat bien supérieur à celui des pierres précieuses. Des anneaux de diamant entouraient ses bras et ses chevilles, et, dans la main droite, il tenait un rameau d argent en forme de myrte... Enchanté d’une vision si contraire à son attente, Ambrosio contemplait l’esprit avec ravissement et surprise ; mais, si belle que fût cette figure, il ne put s’empêcher de remarquer un égarement dans les regards du démon, et une mystérieuse mélancolie imprimée sur ses traits, qui trahissaient l’ange déchu, et inspiraient aux spectateurs une frayeur secrète.
  41. Var : O, Roi M, qui d’en haut O, Armée,
  42. Var : M, 1er main, Qui remplit un regard de la couleur de l’âme. 2e main, Qui par les yeux aux yeux révèle l’âme à l’âme. 3e main, texte actuel.
  43. Var v. 87-92 : M, Une première rédaction de ce passage, au verso du feuillet, ne donne que ces deux vers : Sa voix semble gémir et faire un doux adieu | Dans ces mots qu’il adresse à la fille de Dieu. La seconde rédaction, au recto, donne les cinq vers dans leur teneur actuelle, sauf le 1er hémistiche du vers 87 : Comme dans la forêt et le vers 91 : Comme s’il, s’affligeait et faisait quelque adieu.
  44. Var : M, 1er main, bel Archange, M, 2e main, O, A-C2, belle Archange, — En haut de la page du manuscrit qui commence par le vers 93, ces indications jetées : (demandes) quelle M. Vauquet.
  45. Var : M, Suivra en surcharge : Suit
  46. Var : M, au-dessus de Guider, Rallumer biffé.
  47. Var : M, 1er main ; Porter aux sombres nuits 2e main, Leur montrer dans la nuit
  48. Chateaubriand, Martyrs, III : C’est dans les parvis de la cité sainte et dans les champs qui l’environnent que sont à la fois réunis ou partagés les chœurs des chérubins et des séraphins, des anges et des archanges, des trônes et des dominations ; tous sont les ministres des ouvrages et des volontés de l’Éternel : à ceux-ci a été donné tout pouvoir sur le feu, l’air, la terre et l’eau ; à ceux-là appartient la direction des saisons, des vents et des tempêtes ; ils font mûrir les moissons, ils élèvent la jeune fleur, ils courbent le vieil arbre vers la terre. Ce sont eux qui soupirent dans les antiques forêts, qui parlent dans les flots de la mer, et qui versent les fleuves du haut des montagnes.
  49. Entre 100 et 101, les deux vers suivants sont biffés sur le manuscrit : Tes soins sont-ils d’aller de tes mains enfantines | Balancer les grelots des cloches argentines ?
  50. Var : M, O, A, de surveiller des âmes.
  51. Chateaubriand, Atala, Épilogue : Âme de mon fils, âme charmante, ton père t’a créée jadis sur mes lèvres par un baiser.
  52. Entre 104 et 105, les deux vers suivants sont biffes sur le manuscrit : Ne vas-tu pas souvent, ô blanche messagère, | Dis-le moi, dans la nuit conduire (corr. : éclairer) la bergère ?
  53. Var : M, 1er main, j’en dois 2e main, j’en peux
  54. Var : M, n’es-tu pas (quel biffé) un ennemi
  55. Var : M, payens O, A-C3, païens
  56. Var : B-C2, Vierge
  57. Var v. 113-116 : Ces quatre vers manquent dans le manuscrit.
  58. Var v. 117-119 : M, 1er main, Hélas ! il sait si bien que moi je suis sans armes. | Sur qui se défend mal et ne sait que ses larmes | La victoire est facile, et je ne sais pourquoi 2e main, Chaste beauté ! veux-tu (corr. : viens-tu) me défaire (corr. : combattre) ou m’absoudre | Toi qui descends d’un (corr. : Tu viens du même) ciel qui m’envoya la foudre, | Mais si douce à mes yeux que je ne sais pourquoi

    Dans l’interligne du vers 117 au vers 118, cette indication jetée : Ne verrai-je jamais venir du ciel que des ennemis ?

  59. Var : M, O, A-C2, belle Ange,
  60. Var v. 121-122 : M, 1er main, Ainsi parlait l’Esprit. À ces mots, à sa vue, | À ces aveux trompeurs d’une voix imprévue 2e main, Ainsi l’Esprit parlait. À sa voix caressante, | Prestige dédaigné par une âme innocente,

    En haut de la page du manuscrit qui commence au vers 121, cette note : Elle recula comme l’Italienne qui se baigne.

  61. Var : M, 1er main, De cet ange étranger, à ses anges pareil, 2e main, Du nouvel immortel, à ceux d’en haut pareil, 3e main, De cet ange si doux, à ceux d’en haut pareil,
  62. Var : M, 1er main, Sur un fleuve de lait (le vers, resté en suspens, a été biffé) ; 2e main, texte actuel.
  63. Var : M, Telle on voit
  64. Les mots jetés à la première page du manuscrit : Séduction. Vèronése, et la note inscrite sur le feuillet même qui contient les v. 127-128 : Elle recula comme l’Italienne qui se baigne, font supposer que Vigny avait dans l’esprit quelque tableau de l’école italienne, d’après lequel ces deux vers auraient été conçus. Il n’existe pas, à ma connaissance, de scène analogue dans l’œuvre du Véronèse.
  65. Var : M, 1er main, S’éloigne (illisible) et de la (illisible) tour 2e main, texte actuel.
  66. Var : M, 1er main, Où l’on mit sous son aile 2e main, D’où la sultane attache (corr. : envoie) O, A, Sultane
  67. Moore, A. d. A., p. 14 : Semblable à l’oiseau qui abandonne son nid élevé, fasciné par des yeux séducteurs…
  68. Var : M, 1er main, Dès qu’il vit se ployer 2e main, texte actuel.

    Au bas de la page du manuscrit dont le vers 1)4 est la dernière ligne, cette note : J’ai entendu qu’on t’envoyait porter le bonheur à la terre. Eh ! ne le lui ai-je pas donné ? — En haut de la page suivante, dans le coin de droite : (la nuit terrestre).

  69. Moore, A. d. A., p. 43 : Là habitent tant d’innombrables choses qui nourrissent l’ardeur des jeunes cœurs, les désirs vagues, les tendres illusions, les rêves d’amour encore sans objet, les espérances légères et ailées qui obéissent au désir,… et les passions cachées sous des pensées virginales.
  70. Var : M, B-C3, roi.
  71. Var : M, 1er main, Pour lier tous (corr. : enchaîner) ces nœuds j’ai des mains taciturnes, 2e main, Ma main dans l’ombre unit deux mains aventureuses, 3e main, J’unis les cœurs, malgré (corr. : je romps) les chaines rigoureuses,
  72. Var : M, Comme le papillon sur ses ailes nocturnes (en surcharge : poudreuses),
  73. Var : M, Porte aux gazons naissans (corr. : émus)

    Au bas de la page du manuscrit dont le vers 148 est la dernière ligne, cette note : Quelques vers dans le voyage d’Éloa où elle voie la terre et s’arrête à y penser : j’y suis née, ils ont l’air triste.

  74. Chateaubriand, Génie, 1er partie, 1. V, ch. 11 : Le narcisse livre aux ruisseaux sa race virginale, la violette confie aux zéphyrs sa modeste postérité ; une abeille cueille du miel de fleurs en fleurs, et, sans le savoir, féconde toute une prairie : un papillon porte un peuple entier sur son aile. Cependant les amours des plantes ne sont pas également tranquilles ; il en est d’orageuses comme celles des hommes…
  75. Var : M, O, A-C3, nature :
  76. Var : M, Cacher les feux du jour (en surcharge : des astres d’or) dans (en surcharge : sous) l’éclat d’un soleil,
  77. Var : O, A, Cieux,
  78. Var : M, 1er main, Sitôt que se cachant sous le paie horizon. 2e main, Sitôt que balancé (derrière biffé) sous le pale horizon.
  79. Var : M, 1er main, Le soleil a quitté les cimes (corr. : pointes) du gazon, 2e main, Le soleil a cessé de dorer le gazon, 3e main, Le soleil a cessé d’éclairer le gazon, 3e main, texte actuel. O, A-C3, Soleil
  80. Var : M, O, A, B, esprits
  81. Chateaubriand, Atala : Le Génie des airs secouait sa chevelure bleue, embaumée de la senteur des pins.
  82. Var : M, Tombe (en surcharge Pleut) sur les orangers C3, D, le lilas
  83. Var : M, O, A-C3, nature
  84. Var : À la page du manuscrit qui contient les vers 171 à 184, cette note jetée en travers de la marge : 3. 33. M. Vauquet.
  85. Chateaubriand, Génie, 1er partie, l. V, ch. 5 : [Le rossignol] attend l’heure du recueillement et du repos, et se charge de cette partie de la fête qui se doit célébrer dans les ombres. Lorsque les premiers silences de la nuit et les derniers murmures du jour luttent sur les coteaux, au bord des fleuves, dans les bois et dans les vallées ; lorsque les forêts se taisent par degrés, que pas une feuille, pas une mousse ne soupire, que la lune est dans le ciel, que l’oreille de l’homme est attentive, le premier chantre de la création entonne ses hymnes à l’Éternel.
  86. Milton, P. P., V, 35 : Il me semblait que, me parlant à l’oreille, quelqu’un m’invitait à la promenade avec une douce voix. Cette voix disait : « Pourquoi dors-tu, Ève ? Voici l’heure enchanteresse, l’heure fraîche, l’heure silencieuse, sauf là où le silence se retire devant l’oiseau mélodieux des nuits, qui, maintenant éveillé, module très doucement son chant inspiré par l’amour ; maintenant, dans son plein, règne la lune ;… le ciel ouvre tous ses yeux ».
  87. Var : M, Et lutte près des eaux (1er corr. : par l’éclat 2e corr. : de clartés) avec le météore
  88. Byron, Manfred, I, 1 : Quand la lune sera sur la vague, et le verluisant dans le gazon, et le météore sur le tombeau, et le feu-follet sur le marais, quand tomberont les étoiles filantes, quand les hiboux se répondront en huant…
  89. Var v. 183-184 : M, 1er main, L’étoile des marais que détachent mes mains | Tombe (sur biffé) et s’ouvre dans l’air de rapides chemins. 2e main, texte actuel.
  90. Var : M, 1er main, Soulevant du devoir la chaîne trop amère, 2e main, texte actuel.
  91. Var : M, Les (en surcharge : Ces) flambeaux.
  92. Var : M, la conque de Vénus. O, A, la Conque-de-Vénus. B, la Conque de vénus.
  93. Var : M, doit être aussi cruelle,
  94. Var : M, Et dont le sein (fécond biffé) modeste
  95. Var : M, 1er main, L’herbe écoute ses pas 2e main, texte actuel.
  96. Var : M, qu’un (en surcharge : que l’) amant
  97. Var : M, tressaille dans (corr. : fait tressaillir) les airs,
  98. Chateaubriand, Martyrs, XIII : Aussitôt le démon delà Volupté se revêt de tous ses charmes. Il prend à la main une torche odorante, et traverse les bois de l’Arcadie. Les zéphyrs agitent doucement la lumière du flambeau. Le fantôme magique fait naître sous ses pas une foule de prestiges. La nature semble se ranimer à sa présence, la colombe gémit, le rossignol soupire, le cerf suit en bondissant sa légère compagne… On entend des voix mystérieuses dans la cime des arbres.
  99. Var : M, La colombe en fuyant (corr : de nuit) languissamment roucoule.
  100. Var : M, La voilà, (tu le vois biffé) sous tes yeux, l’œuvre du malfaiteur ; — Au mot malfaiteur un renvoi à la note suivante, inscrite au bas de la page : Car sans doute on t’aura dit de te méfier de moi.
  101. Var : M, libérateur (en surcharge : consolateur) O, A-C2, consolateur.
  102. Var : M, Qui gémit sur l’esclave
  103. Var : M, 1er main, du désespoir de l’être, 2e main, du désespoir de naître, 3e main, texte actuel.
  104. Var) : M, Et dans ce mal
  105. Entre 216 et 217, un hémistiche, amorce d’un développement qui n’a pas été poursuivi : Tendre et faible Éloa (biffé).