Poèmes antiques et modernes/Éloa, ou la Sœur des Anges/Chant Troisième, Chute

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Poèmes antiques et modernes/Éloa, ou la Sœur des Anges
Poèmes antiques et modernes, Texte établi par Edmond Estève, Hachette (p. 57-73).

CHANT TROISIÈME

chute[1]

D’où venez-vous, Pudeur, noble crainte, ô Mystère,
Qu’au temps de son enfance a vu naître la terre,
Fleur de ses premiers jours qui germez parmi nous,
Rose du Paradis ! Pudeur, d’où venez-vous[2] ?
Vous pouvez seule encor remplacer l’innocence,
Mais l’arbre défendu vous a donné naissance ;
Au charme des vertus votre charme est égal.
Mais vous êtes aussi le premier pas du mal ;
D’un chaste vêtement votre sein se décore[3],
Ève avant le serpent n’en avait pas encore ;
Et si le voile pur orne votre maintien[4].
C’est un voile toujours, et le crime a le sien[5] ;
Tout vous trouble, un regard blesse votre paupière[6].
Mais l’enfant ne craint rien, et cherche la lumière.

Sous ce pouvoir nouveau, la Vierge fléchissait[7],
Elle tombait déjà, car elle rougissait[8] ;
Déjà presque soumise au joug de l’Esprit sombre[9][10],
Elle descend, remonte, et redescend dans l’ombre[11].
Telle on voit la perdrix voltiger et planer
Sur des épis brisés qu’elle voudrait glaner.
Car tout son nid l’attend ; si son vol se hasarde[12],
Son regard ne peut fuir celui qui la regarde[13]
Et c’est le chien d’arrêt qui, sombre surveillant,
La suit, la suit toujours d’un œil fixe et brillant[14].



Ô des instants d’amour ineffable délire !
Le cœur répond au cœur comme l’air à la lyre.
Ainsi qu’un jeune amant, interprète adoré,
Explique le désir par lui-même inspiré,
Et contre la pudeur aidant sa bien-aimée,
Entraînant dans ses bras sa faiblesse charmée,
Tout enivré d’espoir, plus qu’à demi vainqueur.
Prononce les serments qu’elle fait dans son cœur,
Le prince des Esprits, d’une voix oppressée[15],
De la Vierge timide expliquait la pensée.
Éloa, sans parler, disait : Je suis à toi ;
Et l’Antye ténébreux dit tout haut : Sois à moi !



« Sois à moi, sois ma sœur ; je t’appartiens moi-même ;
» Je t’ai bien méritée, et dès longtemps je t’aime,
» Car je t’ai vue un jour. Parmi les fais de l’air
» Je me mêlais, voilé comme un soleil d’hiver[16][17].
» Je revis une fois l’ineffable contrée,
» Des peuples lumineux la patrie azurée,
» Et n’eus pas un regret d’avoir quitté ces lieux
» Où la crainte toujours siège parmi les Dieux[18].
» Toi seule m’apparus comme une jeune étoile
» Qui de la vaste nuit perce à l’écart le voile[19][20] ;
» Toi seule me parus ce qu’on cherche toujours,
» Ce que l’homme poursuit dans l’ombre de ses jours,
» Le Dieu qui du bonheur connaît seul le mystère,
» Et la Reine qu’attend mon trône solitaire.
» Enfin, par ta présence, habile à me charmer,
» Il me fut révélé que je pouvais aimer.



« Soit que tes yeux, voilés d’une ombre de tristesse,
» Aient entendu les miens qui les cherchaient sans cesse,
» Soit que ton origine, aussi douce que toi,
» T’ait fait une patrie un peu plus près de moi.

» Je ne sais, mais depuis l’heure qui te vit naître,
» Dans tout être créé j’ai cru te reconnaître[21] ;
» J’ai trois fois en pleurant passé dans l’Univers[22],
» Je te cherchais partout, dans un souffle des airs.
» Dans un rayon tombe du disque de la lune,
» Dans l’étoile qui fuit le ciel qui l’importune,
» Dans l’arc-en-ciel, passage aux Anges familier[23].
» Ou sur le lit moelleux des neiges du glacier ;
» Des parfums de ton vol je respirais la trace ;
» En vain j’interrogeai les globes de l’espace.
» Du char des astres purs j’obscurcis les essieux[24],
» Je voilai leurs rayons pour attirer tes yeux,
» J’osai même, enhardi par mon nouveau délire[25],
» Toucher les fibres d’or de la céleste lyre.
» Mais tu n’entendis rien, mais tu ne me vis pas.
» Je revins à la Terre, et je glissai mes pas
» Sous les abris de l’homme où tu reçus naissance.
» Je croyais t’y trouver protégeant l’innocence,
» Au berceau balancé d’un enfant endormi[26].
» Rafraîchissant sa lèvre avec un souffle ami ;
» Ou bien comme un rideau développant ton aile,

» Et gardant contre moi, timide sentinelle[27],
» Le sommeil de la Vierge aux côtés de sa sœur[28],
» Qui, rêvant, sur son sein la presse avec douceur[29].
» Mais seul je retournai sous ma belle demeure[30],
» J’y pleurai comme ici, j’y gémis, jusqu’à l’heure
» Où le son de ton vol m’émut, me fit trembler[31],
» Comme un prêtre qui sent que son Dieu va parler. »



Il disait ; et bientôt comme une jeune Reine[32],
Qui rougit de plaisir au nom de souveraine.
Et fait à ses sujets un geste gracieux[33],
Ou donne à leurs transports un regard de ses yeux,
Éloa, soulevant le voile de sa tête,
Avec un doux sourire à lui parler s’apprête,
Descend plus près de lui, se penche, et mollement
Contemple avec orgueil son immortel amant.
Son beau sein, comme un flot qui sur la rive expire,
Pour la première fois se soulève et soupire ;
Son bras, comme un lis blanc sur le lac suspendu[34],

S’approche sans effroi lentement étendu[35] ;
Sa bouche parfumée en s’ouvrant semble éclore,
Comme la jeune rose aux faveurs de l’aurore[36],
Quand le matin lui verse une fraîche liqueur,
Et qu’un rayon du jour entre jusqu’à son cœur.
Elle parle, et sa voix dans un beau son rassemble
Ce que les plus doux bruits auraient de grâce ensemble ;
Et la lyre accordée aux flûtes dans les bois.
Et l’oiseau qui se plaint pour la première fois,
Et la mer quand ses flots apportent sur la grève
Les chants du soir aux pieds du voyageur qui rêve[37],
Et le vent qui se joue aux cloches des hameaux,
Ou fait gémir les joncs de la fuite des eaux :



« Puisque vous êtes beau, vous êtes bon, sans doute ;
» Car, sitôt que des Cieux une âme prend la route,
» Comme un saint vêtement, nous voyons sa bonté[38]
» Lui donner en entrant l’éternelle beauté[39].
» Mais pourquoi vos discours m’inspirent-ils la crainte ?
» Pourquoi sur votre front tant de douleur empreinte[40] ?

» Comment avez-vous pu descendre du saint lieu ?
» Et comment m’aimez-vous, si vous n’aimez pas Dieu ? »



Le trouble des regards, grâce de la décence[41][42],
Accompagnait ces mots, forts comme l’innocence ;
Ils tombaient de sa bouche, aussi doux, aussi purs,
Que la neige en hiver sur les coteaux obscurs[43][44] ;
Et comme, tout nourris de l’essence première.
Les Anges ont au cœur des sources de lumière.
Tandis qu’elle parlait, ses ailes à l’entour.
Et son sein et ses bras répandirent le jour[45][46] :
Ainsi le diamant luit au milieu des ombres[47][48].
L’Archange s’en effraie, et sous ses cheveux sombres

Cherche un épais refuge à ses yeux éblouis[49] ;
Il pense qu’à la fin des Temps évanouis,
Il lui faudra de même envisager son maître,
Et qu’un regard de Dieu le brisera peut-être[50] ;
Il se rappelle aussi tout ce qu’il a souffert
Après avoir tenté Jésus dans le désert.
Il tremble ; sur son cœur où l’enfer recommence[51],
Comme un sombre manteau jette son aile immense,
Et veut fuir. La terreur réveillait tous ses maux[52].



Sur la neige des monts, couronne des hameaux,
L’Espagnol a blessé l’aigle des Asturies[53],
Dont le vol menaçait ses blanches bergeries ;
Hérissé, l’oiseau part et fait pleuvoir le sang,
Monte aussi vite au ciel que l’éclair en descend[54] ;
Regarde son Soleil, d’un bec ouvert l’aspire[55],
Croit reprendre la vie au flamboyant empire[56] ;

Dans un fluide d’or il nage puissamment[57],
Et parmi les rayons se balance un moment :
Mais l’homme l’a frappé d’une atteinte trop sûre ;
Il sent le plomb chasseur fondre dans sa blessure[58] ;
Son aile se dépouille, et son royal manteau
Vole comme un duvet qu’arrache le couteau.
Dépossédé des airs, son poids le précipite ;
Dans la neige du mont il s’enfonce et palpite,
Et la glace terrestre a d’un pesant sommeil
Fermé cet œil puissant respecté du Soleil.



Tel retrouvant ses maux au fond de sa mémoire,
L’Ange maudit pencha sa chevelure noire[59],
Et se dit, pénétré d’un chagrin infernal :
« — Triste amour du péché ! sombres désirs du mal !
» De l’orgueil, du savoir gigantesques pensées !
» Comment ai-je connu vos ardeurs insensées ?
» Maudit soit le moment où j’ai mesuré Dieu[60] !
» Simplicité du cœur ! à qui j’ai dit adieu,
» Je tremble devant toi, mais pourtant je t’adore ;
» Je suis moins criminel puisque je t’aime encore ?
» Mais dans mon sein flétri tu ne reviendras pas[61] !

» Loin de ce que j’étais, quoi ! j’ai fait tant de pas !
» Et de moi-même à moi si grande est la distance,
» Que je ne comprends plus ce que dit l’innocence ;
» Je souffre, et mon esprit, par le mal abattu,
» Ne peut plus remonter jusqu’à tant de vertu[62].



» Qu’êtes-vous devenus, jours de paix, jours célestes ?
» Quand j’allais, le premier de ces Anges modestes,
» Prier à deux genoux devant l’antique loi[63],
» Et ne pensais jamais au delà de la foi[64] ?
» L’éternité pour moi s’ouvrait comme une tête[65] ;
» Et, des fleurs dans mes mains, des rayons sur ma tête[66],



Le Tentateur lui-même était presque charmé,
Il avait oublié son art et sa victime.
Et son cœur un moment se reposa du crime[67].
Il répétait tout bas, et le front dans ses mains :
« Si je vous connaissais, ô larmes des humains ! »


Ah ! si dans ce moment la Vierge eût pu l’entendre.
Si la céleste main qu’elle eût osé lui tendre[68]
L’eût saisi repentant, docile à remonter[69]
Qui sait ? le mal peut-être eût cessé d’exister[70][71].
Mais, sitôt qu’elle vit sur sa tête pensive[72]
De l’Enfer décelé la douleur convulsive[73].
Étonnée et tremblante, elle éleva ses yeux[74],
Plus forte, elle parut se souvenir des Cieux[75],
Et souleva deux fois ses ailes argentées[76],
Entr’ouvrant pour gémir ses lèvres enchantées ;

Ainsi qu’un jeune enfant, s’attachant aux roseaux,
Tente de faibles cris étouffés sous les eaux[77],
Il la vit prête à fuir vers les cieux de lumière[78].
Comme un tigre éveillé bondit dans la poussière.
Aussitôt en lui-même, et plus fort désormais.
Retrouvant cet esprit qui ne fléchit jamais,
Ce noir esprit du mal qu’irrite l’innocence.
Il rougit d’avoir pu douter de sa puissance.
Il rétablit la paix sur son front radieux,
Rallume tout à coup l’audace de ses yeux.
Et longtemps en silence il regarde et contemple
La victime du Ciel qu’il destine à son temple ;
Comme pour lui montrer qu’elle résiste en vain.
Et s’endurcir lui-même à ce regard divin.
Sans amour, sans remords, au fond d’un cœur de glace.
Des coups qu’il va porter il médite la place[79].
Et, pareil au guerrier qui, tranquille à dessein,
Dans les défauts du fer cherche à frapper le sein.
Il compose ses traits sur les désirs de l’Ange ;
Son air, sa voix, son geste et son maintien, tout change,
Sans venir de son cœur, des pleurs fallacieux
Paraissent tout à coup sur le bord de ses yeux.
La Vierge dans le Ciel n’avait pas vu de larmes[80],
Et s’arrête ; un soupir augmente ses alarmes[81].
Il pleure amèrement comme un homme exilé,

Comme une veuve auprès de son fils immolé[82] ;
Ses cheveux dénoués sont épars ; rien n’arrête
Les sanglots de son sein qui soulèvent sa tête.
Éloa vient et pleure ; ils se parlent ainsi[83] :



« Que vous ai-je donc fait ? Qu’avez-vous ? me voici.
— Tu cherches à me fuir, et pour toujours peut-être[84].
Combien tu me punis de m’être fait connaître !
— J’aimerais mieux rester ; mais le Seigneur m’attend.
Je veux parler pour vous, souvent il nous entend[85].
— Il ne peut rien sur moi, jamais mon sort ne change[86],
Et toi seule es le Dieu qui peut sauver un Ange.
— Que puis-je faire ? hélas ! dites, faut-il rester[87] ?
— Oui, descends jusqu’à moi, car je ne puis monter.
— Mais quel don voulez-vous ? — Le plus beau, c’est nous-mêmes[88]
Viens. — M’exiler du Ciel ? — Qu’importe, si tu m’aimes[89] ?
Touche ma main. Bientôt dans un mépris égal[90]

Se confondront pour nous et le bien et le mal[91].
Tu n’as jamais compris ce qu’on trouve de charmes
À présenter son sein pour y cacher des larmes[92].
Viens, il est un bonheur que moi seul t’apprendrai ;
Tu m’ouvriras ton âme, et je l’y répandrai.
Comme l’aube et la lune au couchant reposée
Confondent leurs rayons, ou comme la rosée
Dans une perle seule unit deux de ses pleurs
Pour s’empreindre du baume exhalé par les fleurs[93].
Comme un double flambeau réunit ses deux flammes,
Non moins étroitement nous unirons nos âmes.
— Je t’aime et je descends. Mais que diront les Cieux[94] ? »



En ce moment passa dans l’air, loin de leurs yeux,
Un des célestes chœurs, où, parmi les louanges[95].
On entendit ces mots que répétaient des Anges[96] :
« Gloire dans l’Univers, dans les Temps, à celui[97]

» Qui s’immole à jamais pour le salut d’autrui[98]. »
Les Cieux semblaient parler. C’en était trop pour elle[99].



Deux fois encor levant sa paupière infidèle,
Promenant des regards encore irrésolus,
Elle chercha ses Cieux qu’elle ne voyait plus.



Des Anges au Chaos allaient puiser des mondes[100].
Passant avec terreur dans ses plaines profondes,
Tandis qu’ils remplissaient les messages de Dieu,
Ils ont tous vu tomber un nuage de feu.
Des plaintes de douleur, des réponses cruelles,
Se mêlaient dans la flamme au battement des ailes.



Où me conduisez-vous, bel Ange ? — Viens toujours.
— Que votre voix est triste, et quel sombre discours[101] !
N’est-ce pas Éloa qui soulève ta chaîne ?
J’ai cru t’avoir sauvé. — Non, c’est moi qui t’entraîne.
— Si nous sommes unis, peu m’importe en quel lieu[102] !

Nomme-moi donc encore ou ta Sœur ou ton Dieu[103] !
— J’enlève mon esclave et je tiens ma victime.
— Tu paraissais si bon ! Oh ! qu’ai-je fait ? — Un crime.
— Seras-tu plus heureux, du moins, es-tu content[104][105] ?
— Plus triste que jamais. — Qui donc es-tu ? — Satan.


Écrit en 1823, dans les Vosges[106].

    ne puis répondre à l’être immortel qui se tient devant moi ; je ne puis en avoir horreur ; je le contemple avec une crainte mêlée de plaisir, et je ne m’enfuis pas ; dans son regard il y a une attraction puissante qui fixe mes yeux vacillants sur les siens ; mon cœur bat vite ; il m’épouvante, et pourtant il m’attire, il m’attire de plus en plus. — La première rédaction de Vigny était une réminiscence de Chateaubriand, Martyrs, l. XIII : Ainsi lorsqu’un serpent d’or et d’azur roule au sein d’un pré ses écailles changeantes, il lève une crête de pourpre au milieu des fleurs, darde une triple langue de feu, et lance des regards étincelants ; la colombe qui l’aperçoit du haut des airs, fascinée par le brillant reptile, abaisse peu à peu son vol, s’abat sur un arbre voisin, et descendant de branche en branche, se livre au pouvoir magique qui la fait tomber des voûtes du ciel.

  1. Titre : M1, La Chute.
  2. Millevoye, Les adieux d’Hélène (ce vers est inspiré lui-même d’une épigramme de Sapho) :
    Ô Pudeur ! où fuis-tu quand tu nous as quittée ?
  3. Var : M1, Des longs plis d’un lin pur (corr. : texte actuel.)
  4. Var : M1, Et si le voile blanc (corr. : Et si l’ombre d’un voile)
  5. Milton, P. P., IV, 312 : Ces mystérieuses parties [du corps d’Adam et d’Ève] n’étaient point cachées alors ; il n’y avait point alors de honte coupable. Honte déshonnête des œuvres de la nature, honneur déshonorant, produit du péché, comme vous avez troublé toute l’humanité avec ces apparences, ces seules apparences de pureté, et banni de la vie de l’homme le plus grand bonheur de sa vie, la simplicité et l’immaculée innocence. Ils allaient donc, nus…
  6. Var : M1, un regard baisse (1er  corr. : trouble 2e corr. : blesse)
  7. Var : M’, 1er  main, Sous le pouvoir magique (corr. : Ô pudeur ! c’est par vous qu’) Éloa fléchissait, 2e main, C’est ce pouvoir caché qu’Éloa subissait, 3e main, Ô terrestre pouvoir qu’un ange subissait !
  8. Moore, A. d. A., p. 29 : L’ange déchu inclina sa tête de honte, honte qui eût seule révélé de quelle immense hauteur il était tombé !… cette sainte honte qui ne laisse pas oublier le pur honneur qu’en a perdu, dont la rougeur reste, après que la vertu s’enfuit, pour marquer du moins son passage.
  9. Var : O, A-C3, esprit
  10. Var v. 17-24 : M2 fournit de ce passage une rédaction plus ancienne : Dans les prés inconnus l’alouette imprudente | Vient du miroir trompeur (corr. : tournant) voir la facette ardente. | Des mines de la terre élancé promptement | Le fer emprunte une âme aux ordres de l’aimant. | 1er  main, Le tourtereau privé de sa compagne blanche, 2e main, : La tourterelle en vain dressant sa plume blanche, | Aux regards du serpent tombe de branche en branche. | 1er  main, Tels s’étaient réunis (corr. : rapprochés) les habitants des cieux. 2e main, Telle elle descendait l’habitante des cieux. | Les yeux pleins (corr. : lourds) de langueur recherchèrent (corr. : regardèrent) les yeux,

    M3, donne l’esquisse en prose de la version définitive : Elle rougit et devina la pudeur, premier effet du mal. Alors elle descendit, remonta, descendit encore ; ainsi une perdrix qui veut recueillir du bled pour ses petits descend, remonte et descend encore, car elle aperçoit le chien d’arrêt qui la regarde avec des yeux fixes et brillants.

  11. Var : M1, vers l’ombre.
  12. Var : M1, Car ses petits ont faim ; corr. : texte actuel).
  13. Var : M1, Elle reste devant (corr. : texte actuel.)
  14. Byron, Giaour : Et comme l’oiseau dont les ailes battent, mais ne peuvent fuir le serpent qui le fixe, les autres se troublent sous son regard [celui du Giaour], et ils n’évitent pas le coup d’œil qu’ils peuvent à peine soutenir. — Caïn, I, 1 (Adah parle de Lucifer) : Je
  15. Var v. 33-36 : M1, Le prince des esprits de la céleste belle (corr. : d’une voix oppressée) | 1er  main, Expliquait le discours qui n’était plus rebelle. 2e main, De la Vierge timide expliquait la pensée. | Éloa se disait presque : Je suis à toi ; | Et l’ange ténébreux dit tout haut : Sois à moi. | 1er  main, Sois à moi, mon amour a mérité la tienne, | Pour moi de te chérir la coutume est ancienne, (corr. : Je n’ai de l’avenir rien qui ne t’appartienne.) 2e main, texte actuel.

    M2 fournit des quatre premiers vers une rédaction plus ancienne : Le prince des esprits de la céleste belle | Entendait (en surcharge : expliquait) le discours, qui n’était plus rebelle. | Éloa se disait tout bas : Je suis à toi, | Et l’Ange ténébreux dit tout haut : Sois à moi. D, tout bas

  16. Milton, P. P., I, 594 : Comme lorsque le soleil, nouvellement levé, chauve de rayons, regarde à travers la brume de l’horizon…
  17. Var : M1, Où je pensais (corr. : je me mêlais) O, A, Soleil
  18. Var : M, O, A, parmi des Dieux.
  19. Moore, A. d. A., p. 48 : Les nuages d’automne qui retiennent les éclairs prêts à s’échapper de leurs flancs, pour laisser briller une jeune étoile…
  20. Var : M1, 1er  main, Qui d’un nuage errant 2e main, texte actuel.
  21. Var : M’, (J’ai biffé) Dans tout être créé j’ai cru revoir ton être ; (corr. : te reconnaître ; )
  22. Moore, A. d. A., p. 35 : Je parcourais soir et matin les lignes radieuses qui s’étendent comme des réseaux d’or entre les étoiles et le soleil, déliant tous ces rayons de lumière…
  23. Var : O, anges
  24. Var : M1, 1er  main, Aux constellations j’apportai d’autres cieux, 2e main, texte actuel.
  25. Var v. 69-70 : M’, J’osai même (long biffé) toucher dans (corr. : enhardi par) mon nouveau délire, | Toucher les fibres lumineux (corr. : d’or) de la céleste lyre.
  26. Var : M1, Dans les cheveux bouclés d’un enfant endormi,
  27. Var : M1, Sentinelle céleste, (corr. : timide sentinelle,)
  28. Var : O, vierge
  29. Var : O, A, Qui, rêvant sur son sein, le presse avec douceur. B-C2, Qui, rêvant, sur son sein le presse avec douceur (sic).
  30. Var : M1, Si triste (corr. : Mais seul)
  31. Var : M1, où le bruit (corr. : son)
  32. Var : M1, Il parlait (corr. : Il disait)
  33. Var : M1, (Ou leur donne au retour biffé) Ou jette (corr. : donne) à leurs transports un regard de ses yeux,
  34. Moore, Le Paradis et la Péri (trad. de Bruguière de Sorsum, Lycée Français, 1820, t. III, p. 410) : Ces lys virginaux s’inclinant sur l’onde du lac, afin de se redresser plus frais et plus brillants au retour de leur soleil bien-aimé…
  35. Var : M1, Se présente aux baisers (corrections successivement essayées : S’incline S’étend Tombe et s’ét correction définitive : S’approche sans effroi)
  36. Var : M1, Comme la jeune rose aux baisers (1er  corr. : au lever biffé 2e corr. : aux soupirs biffé)
  37. Moore, A. d. A., p. 76 : Ce fut pendant le crépuscule du soir, sur le rivage de la mer tranquille, qu’il entendit pour la première fois les sons du luth et la voix de celle qu’il aima glisser sur les eaux argentées.
  38. Var : M1, 1er  main, Comme un bandeau royal, sur son front la bonté 2e main, Pure comme un matin des mondes, sa bonté 3e main, Comme un prix à des (corr. : pour ses) jours sans fautes (corr. : taches), sa bonté
  39. Var : M1, Lui donne en arrivant l’éternelle beauté.
  40. Var : M1, Cette (corr. : tant de) douleur empreinte ?
  41. Var : O, Ce trouble
  42. Var v. 117-118 : M1, 1er  main, Ainsi pleine de grâce et pleine de décence | Éloa dit ces mots, 2e main, Un incarnat sacré, couleur (corr. : charme) de la décence, | accompagnait ces mots, 2e main, texte actuel.
  43. A. Chénier, L’Aveugle, 260 : Les trois enfants… admiraient…

    De sa bouche abonder les paroles divines
    Comme en hiver la neige au sommet des collines.

    L’image est empruntée à Homère, Iliade, III, 220 :

    ὰλλʹ ὄ δή ῤʹ ὄπα τε μεγάλην ἐϰ στήθεος ἵει
    ϰαὶ ἔπεα νιφάδεσσιν ἐοιϰότα χειμερίησιν.

  44. Entre 120 et 121 : C1-D, un blanc.
  45. Moore, A. d. A., p. 30 : Quoique le jour eût disparu, ses ailes diaprées étincelaient de mille feux qu’animées de l’éclat d’Éden, elles ne tiraient que d’elles-mêmes.
  46. Var : D, et son bras
  47. Moore, A. d. A., p. 51 : Les diamants, semblables à des yeux qui brillent au milieu des ténèbres, furent surpris dans leur retraite obscure.
  48. Var : M1, Ainsi le diamant reluit parmi (corr. : luit au milieu) des ombres.
  49. Moore, A d. A., p. 75 : Souvent, quand du front du Très-Haut s’échappait un éclair trop vif pour le supporter, et que tous les Séraphins se voilaient le visage de leurs ailes et n’osaient en contempler l’éclat…
  50. Milton, P. P., IV, 23 : Maintenant la conscience éveille [dans le cœur de Satan] le désespoir assoupi ; elle éveille l’amer souvenir de ce qu’il fut, de ce qu’il est, et pis encore, de ce qu’il lui faudra être : de pires actions doivent s’ensuivre de pires souffrances.
  51. Milton, P. P., IV, 18 : L’horreur et l’incertitude bouleversent son esprit troublé, et jusqu’au fond elles remuent l’enfer au-dedans de lui, car en lui, et tout autour de lui, il porte l’enfer.
  52. Var : M1, réveille
  53. Var : O, l’Aigle
  54. Milton, Comus : Aussi rapide que l’éclair du scintillement d’une étoile, je descendis du ciel.
  55. Moore, A. d. A., p. 62 : Encore l’amour et ses soins caressants pouvaient-ils lui apprendre à supporter cet éclat, comme les jeunes aigles supportent celui du soleil.
  56. Var : M1, à son magique (corr. : au flamboyant) empire ;
  57. Chateaubriand, René : Quand le soir était venu, reprenant le chemin de ma retraite, je m’arrêtais sur les ponts pour voir se coucher le soleil. L’astre, enflammant les vapeurs de la cité, semblait osciller lentement dans un fluide d’or.
  58. Var : M1, Il sent le plomb chasseur brûler (corr. : fondre dans sa blessure)
  59. Var : M1, 1er  main, Le prince ténébreux courba sa tête noire, 2e main, texte actuel.
  60. Milton, P. P., IV, 40 : L’orgueil et l’ambition pire m’ont précipité ; j’ai porté la guerre dans le ciel contre le roi du ciel, qui n’a pas de rival.
  61. Var : M1, Mais dans moi-même, hélas ! (corr. : texte actuel.)
  62. Entre 168 et 169 : M1, pas d’intervalle.
  63. Var : M1, Loi,
  64. Milton, P. P., IV, 58 : Oh ! que son puissant destin ne fit-il de moi quelque ange inférieur ! je serais demeuré heureux ; un espoir sans bornes n’eût pas exalté mon ambition.
  65. Var : M1, L’Éternité
  66. A. Chénier, Hylas : Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête…
  67. Var : M1, 1er  main, Et la mélancolie avait banni le crime. 2e main, Le remords (corr. : Et son cœur) un moment se reposa du crime.
  68. Var : D, sa céleste main
  69. Var : M1, L’eût conduit (corr. : saisi)
  70. Milton, P. P., IV, I : Oh ! que ne se fît-elle entendre, cette voix prophétique que le voyant de l’Apocalypse entendit résonner dans le ciel, quand le Dragon, mis une seconde fois en déroute, accourut furieux se venger sur les hommes : « Malheur aux habitants de la terre ! » Ah ! si, quand il en était temps encore, nos premiers parents avaient été avertis de la venue de leur secret ennemi ! ils eussent échappé peut-être à son piège mortel.
  71. Var : O, A, docile à remonter…,
  72. Var : M1, Mais (de l’enfer biffé) sitôt
  73. Var : M1, De l’enfer révolte
  74. Var v. 187 et suivants : M3, donne une ébauche de ce développement commencée en vers et continuée en prose : Et la pure Éloa, prête à se dérober | Au formidable attrait qui la faisait tomber, | Commençait à lever ses ailes engourdies, | Entr’ouvrant pour crier des lèvres enhardies, | (Comme un m inachevé) ainsi qu’un jeune enfant étouffé sous les eaux (corr. : s’attachant aux roseaux) | Se noie avec des (corr. : Tente de faibles) cris étouffés sous les eaux. | Il sentit son danger (1er  corr. : son péril 2e corr. : Il la vit prête à fuir) et répandit des larmes ; | 1er  main, Ce sont, il le savait, les plus puissantes armes. 2e main, Ô pur amour, ainsi le mal te prend ses armes ! | Il pleura longuement, comme un homme exilé, | Comme une veuve aux pieds de son fils immolé, | Comme un amant qui rêve à sa fureur jalouse, | Après qu’il a (1er  corr. : Mourant d’avoir 2e corr. : Triste d’avoir) frappé son adultère épouse. — La voyant tombée il sourit tout à coup, et s’écrie avec les feux du soleil dans ses yeux…
  75. Var : O, cieux
  76. Var v. 189-190 : M1, Et souleva deux fois ses ailes engourdies (corr. : argentées) | Entr’ouvrant pour crier des lèvres enhardies (corr. : pour gémir ses lèvres enchantées).
  77. A. Chènier, Hylas (texte de 1819) :

    Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix,
    Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine,
    Lui répond d’une voix inentendue et vaine.

  78. Var : M1, 1er  main, et vit sa faute entière 2e main, jusqu’où luit la (corr. : vers les cieux de) lumière O, A, B, cieux.
  79. Var : M1, il médite (corr. : désigne)
  80. Var : B-C2, ciel
  81. Var : M1, 1er  main, S’arrête et son silence augmente ses alarmes 2e main, S’arrête, un long soupir augmente ses alarmes 3e main, texte actuel.
  82. Amos, VIII, 10 : Je plongerai Israël dans les larmes, comme une mère qui pleure son fils unique.
  83. Var : M1, Éloa se décide (1er  corr. : se rapproche 2e corr. : lui revient 3e corr. : vient et pleure),
  84. Var : M1, Hélas ! tu veux (corr. : tu cherches à) me fuir,
  85. Var : M1, Je parlerai (corr. : Je veux parler) pour vous, toujours il nous entend.
  86. Var : M1, 1er  main, Il ne peut rien, crois moi, pour que mon destin change, 2e main, texte actuel.
  87. Var : O, A, due puis-je faire, hélas 1 dites, faut-il rester ?
  88. Var : M1, 1er  main, Mais je t’appartiendrai. — Je t’appartiens moi-même, 2e main, texte actuel.
  89. Var : M1, Mais je ferai bien (corr. : Mais aurai-je fait) mal ? O, ciel
  90. Var v. 251-232 : M1, Dis : je t’aime, et (corr. : Touche ma main) bientôt sous (corr. : dans) un mépris égal | S’effaceront (corr. : Se confondront) pour nous
  91. Byron, Caïn, II, 2 (Lucifer à Caïn) : Le bien et le mal sont tels par leur propre essence, et ne sont pas rendus bon ou mauvais par celui qui les dispense ; mais si ce qu’il vous donne est bon, appelez-Le bon ; si le mal sort de Lui, ne me l’attribuez pas, avant de mieux connaître sa véritable source ; jugez non pas sur des paroles prononcées par des esprits, mais sur les fruits de votre existence, telle qu’elle doit être.
  92. Var : M1, pour recevoir (corr. : pour y cacher) des larmes.
  93. Var : M1, 1er  main, Pour savourer l’encens qui s’exhale des fleurs, 2e main, texte actuel.
  94. Var : M1, 1er  main, Mais nous voit-on des Cieux ? 2e main, mais que diront (pensent biffé) les cieux ?
  95. Var : M1, 1er  main, Un nuage, où, parmi des chants et des louanges, 2e main, Un de ces chœurs divins, où, parmi les louanges, 3e main, texte actuel.
  96. Var : M1, On entendait
  97. Var : M1, Gloire dans l’Univers, gloire au Ciel, à celui O, A-C3, temps,
  98. Var : M1, Les cieux parlaient ainsi (corr. : semblaient parler) : — Trois vers biffés, qui semblent avoir amorcé un développement non poursuivi : Cependant aussitôt qu’en boucles vagabondes | Des cheveux blonds tressés s’écoulèrent les ondes | Ainsi qu’au front d’un Roi s’unit l’ébène à l’or
  99. Entre 249 et 250 : O, ni blanc ni filet.
  100. Milton, P. P., VII, 364 : Là (dans l’orbe du Soleil), comme à leur source, les autres astres se réparent ; ils puisent la lumière dans leurs urnes d’or ; et c’est là que la planète du matin dore sa corne.
  101. Var : M1, Que votre voix est sombre, et quel sombre discours !
  102. Moore, A. d. A., p. 47 : Transporte-moi à l’ombre de tes ailes dans ta sphère lumineuse, dans ton ciel, ou… oui, même avec toi !
  103. Var : M1, 1er  main, Tu ne m’appelles plus ou ta Reine ou ton Dieu. 2e main, Nomme-moi donc encore ou ta sœur ou ton Dieu !
  104. Byron, Manfred, II, 4 (Manfred à Astarlé) : « Dis-moi que tu ne me détestes pas, que je suis seul puni pour tous les deux, que tu seras reçue au nombre des bienheureux… » — Caïn, I, 1 (Caïn à Lucifer) : « Et vous autres ? — Nous sommes immortels. — Êtes-vous heureux ? — Nous sommes puissants. — Êtes-vous heureux ? — Non… »
  105. Var : M1, 1er  main, Seras-tu plus heureux du moins, es-tu content ?
  106. La date manque dans M1-M3, O.