Poèmes antiques et modernes/Paris

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Poèmes antiques et modernes, Texte établi par Edmond Estève, Hachette (p. 230-242).


PARIS

élévation[1]


Le poème est précédée dans O de la note suivante :

Ce poëme, sorte de rêve symbolique, est détaché d’un recueil, incomplet encore, intitulé : Élévations. Le temps emporte si vite les événemens, les impressions, les pressentimens qu’ils font naître, qu’il peut être bon de donner sa date à la moindre chose, quoique cette feuille soit du nombre de celles que le vent emporte, sans qu’on les ait vues passer.

Sous-titre : O, Élévation XIe.


« Prends ma main, Voyageur, et montons sur la tour[2]. —
Regarde tout en bas, et regarde à l’entour.
Regarde jusqu’au bout de l’horizon, regarde
Du nord au sud. Partout où ton œil se hasarde,

Qu’il s’attache avec feu, comme l’œil du serpent
Qui pompe du regard ce qu’il suit en rampant,
Tourne sur le donjon qu’un parapet prolonge,
D’où la vue à loisir sur tous les points se plonge
Et règne, du zénith, sur un monde mouvant
Comme l’éclair, l’oiseau, le nuage et le vent.
Que vois-tu dans la nuit, à nos pieds, dans l’espace.
Et partout où mon doigt tourne, passe et repasse[3] ?



— « Je vois un cercle noir, si large et si profond
» Que je n’en aperçois ni le bout ni le fond.
» Des collines, au loin, me semblent sa ceinture,
» Et pourtant je ne vois nulle part la nature,
» Mais partout la main d’homme et l’angle que sa main
» Impose à la matière en tout travail humain.
» Je vois ces angles noirs et luisants qui, dans l’ombre,
» L’un sur l’autre entassés, sans ordre ni sans nombre,
» Coupent des murs blanchis pareils à des tombeaux.
» — Je vois fumer, brûler, éclater des flambeaux,
» Brillants sur cet abime où l’air pénètre à peine

» Comme des diamants incrustés dans l’ébène.
» — Un fleuve y dort sans bruit, replié dans son cours,
» Comme dans un buisson la couleuvre aux cent tours.
» Des ombres de palais, de dômes et d’aiguilles,
» De tours et de donjons, de clochers, de bastilles,
» De châteaux forts, de kiosks et d’aigus minarets ;
» De formes de remparts, de jardins, de forêts,
» De spirales, d’arceaux, de parcs, de colonnades,
» D’obélisques, de ponts, de portes et d’arcades,
» Tout fourmille et grandit, se cramponne en montant,
» Se courbe, se replie, ou se creuse ou s’étend[4].
» — Dans un brouillard de feu je crois voir ce grand rêve.
» La tour où nous voilà dans le cercle s’élève.
» En le traçant jadis, c’est ici, n’est-ce pas,
» Que Dieu même a posé le centre du compas ?
» Le vertige m’enivre, et sur mes yeux il pèse.
» Vois-je une Roue ardente, ou bien une Fournaise[5] ? »



— Oui, c’est bien une Roue ; et c’est la main de Dieu
Qui tient et fait mouvoir son invisible essieu.

Vers le but inconnu sans cesse elle s’avance.
On la nomme Paris, le pivot de la France.
Quand la vivante Roue hésite dans ses tours,
Tout hésite et s’étonne, et recule en son cours,
Les rayons effrayés disent au cercle : Arrête.
Il le dit à son tour aux cercles dont la crête
S’enchâsse dans la sienne et tourne sous sa loi.
L’un le redit à l’autre ; et l’impassible roi,
Paris, l’axe immortel, Paris, l’axe du monde,
Puise ses mouvements dans sa vigueur profonde,
Les communique à tous, les imprime à chacun,
Les impose de force, et n’en reçoit aucun[6].
Il se meut : tout s’ébranle, et tournoie et circule ;
Le cœur du ressort bat, et pousse la bascule ;
L’aiguille tremble et court à grand pas ; le levier
Monte et baisse en sa ligne, et n’ose dévier.
Tous marchent leur chemin, et chacun d’eux écoute
Le pas régulateur qui leur creuse la route.
Il leur faut écouter et suivre ; il le faut bien :
Car lorsqu’il arriva, dans un temps plus ancien,
Qu’un rouage isola son mouvement diurne,
Dans le bruit du travail demeura taciturne,
Et brisa, par orgueil, sa chaîne et son ressort,

Comme un bras que l’on coupe, il fut frappé de mort[7].
Car Paris l’éternel de leurs efforts se joue,
Et le moyeu divin tournerait sans la Roue ;
Quand même tout voudrait revenir sur ses pas,
Seul il irait : lui seul ne s’arrêterait pas,
Et tu verrais la force et l’union ravie
Aux rayons qui partaient de son centre de vie[8].
— C’est donc bien, Voyageur, une Roue en effet.
Le vertige parfois est prophétique. — Il fait
Qu’une Fournaise ardente éblouit ta paupière ?
C’est la Fournaise aussi que tu vois. — Sa lumière
Teint de rouge les bords du ciel noir et profond ;
C’est un feu sous un dôme obscur, large et sans fond ;
Là, dans les nuits d’hiver et d’été, quand les heures
Font du bruit en sonnant sur le toit des demeures,
Parce que l’homme y dort, là veillent des Esprits[9],
Grands ouvriers d’une œuvre et sans nom et sans prix.
La nuit, leur lampe brûle, et, le jour, elle fume ;
Le jour, elle a fumé, le soir, elle s’allume,
Et toujours et sans cesse alimente les feux
De la Fournaise d’or que nous voyons tous deux,
Et qui, se reflétant sur la sainte coupole,
Est du globe endormi la céleste auréole.
Chacun d’eux courbe un front pâle, il prie, il écrit,
Il désespère, il pleure ; il espère, il sourit ;

Il arrache son sein et ses cheveux, s’enfonce
Dans l’énigme sans fin dont Dieu sait la réponse,
Et dont l’humanité, demandant son décret,
Tous les mille ans rejette et cherche le secret.
Chacun d’eux pousse un cri d’amour vers une idée.
L’un[10] soutient en pleurant la croix dépossédée[11],
S’assied près du sépulcre et seul, comme un banni[12],
Il se frappe en disant : Lamma Sabacthani ;
Dans son sang, dans ses pleurs, il baigne, il noie, il plonge
La couronne d’épine et la lance et l’éponge,
Baise le corps du Christ, le soulève, et lui dit :
« Reparais, Roi des Juifs, ainsi qu’il est prédit ;
Viens, ressuscite encore aux yeux du seul apôtre.
L’Église meurt : renais dans sa cendre et la nôtre,
Règne, et sur les débris des schismes expiés,
Renverse tes gardiens des lueurs de tes pieds. »
— Rien. Le corps du Dieu ploie aux mains du dernier homme,
Prêtre pauvre et puissant pour Rome et malgré Rome.
Le cadavre adoré de ses clous immortels
Ne laisse plus tomber de sang pour ses autels ;
— Rien. Il n’ouvrira pas son oreille endormie
Aux lamentations du nouveau Jérémie[13],
Et le laissera seul, mais d’une habile main,
Retremper la tiare en l’alliage humain.
— Liberté ! crie un autre[14], et soudain la tristesse
Comme un taureau le tue aux pieds de sa déesse[15].

Parce qu’ayant en vain quarante ans combattu,
Il ne peut rien construire où tout est abattu.
N’importe ! Autour de lui des travailleurs sans nombre,
Aveugles inquiets, cherchent à travers l’ombre
Je ne sais quels chemins qu’ils ne connaissent pas[16],
Réglant et mesurant, sans règle et sans compas,
L’un sur l’autre semant des arbres sans racines,
Et mettant au hasard l’ordre dans les ruines.
Et, comme il est écrit que chacun porte en soi
Le mal qui le tuera, regarde en bas, et voi.
Derrière eux s’est groupée une famille forte[17][18]
Qui les ronge et du pied pile leur œuvre morte,
Écrase les débris qu’a faits la Liberté,
Y roule le niveau qu’on nomme Égalité,
Et veut les mettre en cendre, afin que pour sa tête
L’homme n’ait d’autre abri que celui qu’elle apprête :
Et c’est un Temple. Un Temple immense, universel[19],
Où l’homme n’offrira ni l’encens, ni le sel,
Ni le sang, ni le pain, ni le vin, ni l’hostie,
Mais son temps et sa vie en œuvre convertie,
Mais son amour de tous, son abnégation
De lui, de l’héritage et de la nation ;
Seul, sans père et sans fils, soumis à la parole,
L’union est son but et le travail son rôle,
Et selon celui-là qui parle après Jésus,
Tous seront appelés et tous seront élus.
— Ainsi tout est osé ! Tu vois, pas de statue[20]

D’homme, de roi, de Dieu, qui ne soit abattue[21],
Mutilée à la pierre et rayée au couteau,
Démembrée à la hache et broyée au marteau !
Or ou plomb, tout métal est plongé dans la braise,
Et jeté pour refondre en l’ardente fournaise.
Tout brûle, craque, fume et coule ; tout cela
Se tord, s’unit, se fend, tombe là, sort de là ;
Cela siffle et murmure ou gémit ; cela crie,
Cela chante, cela sonne, se parle et prie ;
Cela reluit, cela flambe et glisse dans l’air,
Éclate en pluie ardente ou serpente en éclair.
Œuvre, ouvriers, tout brûle ; au feu tout se féconde :
Salamandres partout[22] ! — Enfer ! Éden du monde !
Paris ! principe et fin ! Paris ! ombre et flambeau[23] !
— Je ne sais si c’est mal, tout cela ; mais c’est beau[24] !
Mais c’est grand ! mais on sent jusqu’au fond de son âme

Qu’un monde tout nouveau se forge à cette flamme,
Ou soleil, ou comète, on sent bien qu’il sera ;
Qu’il brûle ou qu’il éclaire, on sent qu’il tournera,
Qu’il surgira brillant à travers la fumée,
Qu’il vêtira pour tous quelque forme animée,
Symbolique, imprévue et pure, on ne sait quoi,
Qui sera pour chacun le signe d’une foi,
Couvrira, devant Dieu, la terre comme un voile,
Ou de son avenir sera comme l’étoile,
Et, dans des flots d’amour et d’union, enfin
Guidera la famille humaine vers sa fin ;
Mais que peut-être aussi, brûlant, pareil au glaive
Dont le feu dessécha les pleurs dans les yeux d’Eve[25],
Il ira labourant le globe comme un champ,
Et semant la douleur du levant au couchant ;
Rasant l’œuvre de l’homme et des temps comme l’herbe
Dont un vaste incendie emporte chaque gerbe,
En laissant le désert, qui suit son large cours[26]
Comme un géant vainqueur, s’étendre pour toujours.
Peut-être que, partout où se verra sa flamme,
Dans tout corps s’éteindra le cœur, dans tout cœur l’âme,
Que rois et nations, se jetant à genoux,

Aux rochers ébranlés crîront : « Écrasez-nous !
» Car voilà que Paris encore nous envoie
» Une perdition qui brise notre voie ! »
— Que fais-tu donc, Paris, dans ton ardent foyer ?
Que jetteras-tu donc dans ton moule d’acier ?
Ton ouvrage est sans forme, et se pétrit encore
Sous la main ouvrière et le marteau sonore ;
Il s’étend, se resserre, et s’engloutit souvent
Dans le jeu des ressorts et du travail savant,
Et voilà que déjà l’impatient esclave
Se meut dans la Fournaise, et, sous les flots de lave,
Il nous montre une tête énorme, et des regards
Portant l’ombre et le jour dans leurs rayons hagards.



Je cessai de parler, car, dans le grand silence,
Le sourd mugissement du centre de la France
Monta jusqu’à la tour où nous étions placés,
Apporté par le vent des nuages glacés.
— Comme l’illusion de la raison se joue !
Je crus sentir mes pieds tourner avec la roue,
Et le feu du brasier qui montait vers les cieux
M’éblouit tellement que je fermai les yeux.



— « Ah ! dit le Voyageur, la hauteur où nous sommes[27]
» De corps et d’âme est trop pour la force des hommes.
» La tête a ses faux pas comme le pied les siens ;
» Vous m’avez soutenu, c’est moi qui vous soutiens,
» Et je chancelle encor, n’osant plus sur la terre

» Contempler votre ville et son double mystère.
» Mais je crains bien pour elle et pour vous, car voilà
» Quelque chose de noir, de lourd, de vaste, là,
» Au plus haut point du ciel, où ne sauraient atteindre
» Les feux dont l’horizon ne cesse de se teindre ;
» Et je crois entrevoir ce rocher ténébreux
» Qu’annoncèrent jadis les prophètes hébreux.
» Lorsqu’une meule énorme, ont-ils dit… — Il me semble
» La voir. — … apparaîtra sur la cité…[28] — Je tremble
» Que ce ne soit Paris. — … dont les enfants auront
» Effacé Jésus-Christ du cœur comme du front…
» Vous l’avez fait. — … alors que la ville, enivrée[29]
» D’elle-même, aux plaisirs du sang sera livrée…[30]
» Qu’en pensez-vous ? — … alors l’Ange la rayera
» Du monde, et le rocher du ciel l’écrasera[31]. »


Je souris tristement : — « Il se peut bien, lui dis-je,
Que cela nous arrive avec ou sans prodige ;
Le ciel est noir sur nous ; mais il faudrait alors
Qu’ailleurs, pour l’avenir, il fût d’autres trésors,
Et je n’en connais pas. Si la force divine
Est en ceux dont l’esprit sent, prévoit et devine,
Elle est ici. — Le Ciel la révère. — Et sur nous[32]
L’ange exterminateur frapperait à genoux[33],
Et sa main, à la fois flamboyante et timide,
Tremblerait de commettre un second déicide.
Mais abaissons nos yeux, et n’allons pas chercher
Si ce que nous voyons est nuage ou rocher.
Descendons et quittons cette imposante cime
D’où l’esprit voit un rêve et le corps un abîme.
— Je ne sais d’assurés, dans le chaos du sort.
Que deux points seulement, la Souffrance et la Mort[34].
Tous les hommes y vont avec toutes les villes.
Mais les cendres, je crois, ne sont jamais stériles.
Si celles de Paris un jour sur ton chemin
Se trouvent, pèse-les, et prends-nous dans ta main,
Et, voyant à la place une rase campagne,
Dis : Le volcan a fait éclater sa montagne !
Pense au triple labeur que je t’ai révélé,
Et songe qu’au-dessus de ceux dont j’ai parlé
Il en fut de meilleurs et de plus purs encore,
Rares parmi tous ceux dont leur temps se décore,

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Que la foule admirait et blâmait à moitié, Des hommes pleins d’amour, de doute et de pitié, Qui disaient : Je ne sais, des choses de la vie, Dont le pouvoir ou l’or ne fut jamais l’envie, Et qui, par dévoûment, sans détourner les yeux, Burent jusqu’à la lie un calice odieux. — Ensuite, Voyageur, tu quitteras l’enceinte, Tu jetteras auvent cette poussière éteinte, Puis, levant seul ta voix dans le désert sans bruit, Tu crîras : « Pour longtemps le monde est dans la nuit ! » }}


Écrit le 16 janvier 1831, à Paris.
  1. Pour ce sous-titre, voir p. 223, n. 2.
  2. Le cadre de ce poème visionnaire, où passent des réminiscences certaines de l’Apocalypse (voyez v. 215-221) a peut-être été suggéré par ce verset de la « Révélation » de Saint-Jean (XXI, 10) : « Et il [l’Ange] me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra la ville, la sainte Jérusalem, qui descendait du ciel, venant de Dieu… » Le poète y a mis les pensées qui lui venaient à l’esprit, quand au cours de quelque promenade solitaire, il « contemplait d’en haut » la grande ville : « L’autre jour, je montai à Montmartre. Ce qui m’attrista le plus fut le silence de Paris quand on le contemple d’en haut. Cette grande ville, cette immense cité ne fait donc aucun bruit, et que de choses s’y disent ! que de cris s’y poussent ! que de plaintes au ciel ! Et l’amas de pierres semble muet. Un peu plus haut, que serait cette ville, que serait cette terre 1 Que sommes-nous pour Dieu ? » (Journal d’un Poète, 1835). Il semble qu’il ait songé de bonne heure à faire de méditations analogues la matière d’un poème, si on en juge par cette note du Conservateur littéraire (26e livr., déc. 1820, t. II, p. 246), où il paraît bien qu’il est clairement désigné : « Parmi ce peu de personnes que les convulsions politiques ont laissées sensibles aux charmes de la littérature, on parle beaucoup d’un petit poème, d’une composition tout à fait originale, intitulé : Montmartre. Si nous ne craignions de commettre une indiscrétion, nous ferions connaître le nom de l’auteur, jeune officier qui remplit déjà toutes les espérances qu’il a fait concevoir à ses amis, et dont la réputation naissante ne tardera pas à devenir de la célébrité. Nous n’osons donner notre opinion sur ses ouvrages ; ce n’est pas notre habitude de louer sans mesure, et nous nous contentons de prédire qu’on y trouvera la poésie d’André Chénier et l’originalité de Lord Byron. » Dans la même livraison se trouvait l’article signé A. de V. sur les Œuvres complètes de Lord Biron, qui est la première trace de la collaboration de Vigny au Conservateur.
  3. Entre les vers 12 et 13 : D, ni blanc ni filet.
  4. Il ne semble pas qu’il y ait ici autre chose qu’une rencontre avec le fameux chapitre de Notre-Dame de Paris, Paris à vol d’oiseau « vu du haut des tours de Notre-Dame » (l. III, ch. 2) — (Le roman de Victor-Hugo a paru le 17 Mars 1831 ; le poème de Vigny environ un mois plus tard) : Pour le spectateur qui arrivait essoufflé sur ce faîte, c’était d’abord un éblouissement de toits, de cheminées, de rues, de ponts, de plans, de flèches, de clochers. Tout vous prenait aux yeux à la fois, le pignon taillé, la toiture aiguë, la tourelle suspendue aux angles des murs, la pyramide de pierre du onzième siècle, l’obélisque d’ardoise du quinzième, la tour ronde et nue du donjon, la tour carrée et brodée de l’église, le grand, le petit, le massif, l’aérien. Le regard se perdait longtemps à toute profondeur dans ce labyrinthe…
  5. Entre les vers 40 et 41, D, ni blanc ni filet.
  6. Shakespeare, Hamlet, III, 3, trad. Guizot (Rosencrantz expose au roi Claudius qu’il doit veiller soigneusement à la conservation de sa vie) : La vie isolée et privée est sujette à ce devoir d’employer la force et l’armure entière de l’esprit pour se préserver de toute atteinte ; mais bien plus encore cette âme au salut de laquelle se rattachent et se fient les vies de beaucoup d’autres. Le décès d’une majesté n’est pas une mort unique ; mais comme un gouffre, elle entraine avec elle tout ce qui est près d’elle. C’est une roue encore fixée au sommet de la plus haute montagne ; dans ses vastes rayons sont enchaînées et engagées dix mille menues pièces ; lorsqu’elle tombe, chaque petite accessoire, conséquence chétive, la suit dans sa bruyante ruine. Jamais ne sont seuls les soupirs du roi, mais toujours avec un gémissement public.
  7. A. de Vigny, lettre à Mlle  Camilla Maunoir, 21 décembre 1838 : « Oui, Lyon pourrait être un exemple de ces rouages brisés, mais lorsque j’écrivis Paris, en 1831, cette révolte [il s’agit de l’insurrection des canuts de Lyon, 21 novembre 1831] n’avait pas éclaté. Je pensais alors aux Girondins fédéralistes, qui voulurent inutilement séparer le mouvement des provinces de celui de Paris. Cette centralisation n’a fait que croitre et se fortifier depuis. »
  8. Voir ci-dessus, p. 233, n. 1.
  9. Var : O, B-C3, esprits,
  10. M. l’abbé de Lamennais.
  11. Var : O, B, C1, la note manque.
  12. Var : D, S’assied près d’un sépulcre,
  13. Var : O, B-C2, Rien. — Il n’ouvrira pas
  14. Benjamin Constant.
  15. Var : O, B-C1, la note manque.
  16. Var : O, je ne sais quel chemin
  17. L’école saint-simonienne.
  18. Var : O, B, C1, la note manque.
  19. Var : B-C3, Et c’est un temple. Un temple immense, universel,
  20. Var : O, B, Tu vois ? Pas de statue
  21. Var : O, de dieu,
  22. Gœthe, Faust, Nuit de Sabbat (trad. Albert Stapfer, 1823) : Faust : De quelles étranges lueurs brillent ces vallées, comme éclairées d’un triste crépuscule ! Elles pénètrent jusqu’aux profondeurs les plus reculées de l’abîme. Là s’élève une vapeur ; plus loin voltige un lambeau de nuage ; ici brille une flamme ardente à travers le crêpe des brouillards ; et tantôt elle serpente comme un étroit sentier tantôt elle jaillit comme une source limpide… Près de nous des milliers d’étincelles tombent sur la terre, qui semble couverte d’une poussière d’or… Méphistophélès (après le chœur des Sorciers) : Cela se pousse et se presse, cela s’élance et frémit, cela siffle et grouille, cela marche et jacasse, cela reluit, étincelle, et pue, et flambe. Véritable élément de sorcières !
  23. A. de Vigny, lettre à Mlle  Camilla Maunoir, 26 novembre 1839 : « Voyez, mademoiselle, quelle est l’influence de cette fournaise dont je peignais l’ardeur en 1851 ! C’était alors que l’école Saint-Simonienne, bientôt après divisée en trois écoles, poussant sciemment l’application de ses idées jusqu’au ridicule, répandait ses maximes et ses formules, qui sont devenues populaires en peu de temps : l’organisation des travailleurs, l’amélioration du sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ; tout à la capacité, etc… Peu après, la révolte de Lyon ! Tant le centre de la roue a donné le mouvement aux rayons ! Les ouvriers, en marchant sur la mitraille, portaient sur les drapeaux : Vivre en travaillant ou mourir en combattant… Je n’ai point ces exagérations patriotiques que pouvaient indiquer ces mots de : Paris, axe du monde, etc. Mais ce peuple français si homogène, si ramassé dans son unité, si centralisé dans sa capitale, a une furie de prosélytisme, et une vitesse d’application des idées, si ardentes à l’action, que le mouvement vient toujours de lui… Trop souvent cela le mène à la destruction et au mal, il le sent, et détruit son œuvre aussi vite et à ses dépens, mais il a fait l’épreuve.»
  24. Var : O, Pas de tiret devant Je ne sais.
  25. Genèse, III, 24 : [Le Seigneur ayant chassé Adam du Paradis Terrestre] mit des Chérubins devant le jardin des délices, qui faisaient étinceler une épée de feu pour garder le chemin qui conduisait à l’arbre de vie.
  26. Var : O, B-C3, le Désert,
  27. Var : O, B, le voyageur.
  28. Apocalypse, XVIII, 21 : Alors un ange fort leva en haut une pierre semblable à une grande meule de moulin, et la jeta dans la mer, en disant ; C’est ainsi que Babylone, cette grande ville, sera précipitée avec impétuosité, en sorte qu’elle ne se trouvera plus…
  29. Var v. 219-220 : D, les virgules manquent.
  30. Apocalypse, XVII, 5-6 : Et, m’ayant transporté dans le désert, je vis une femme assise sur une bête de couleur d’écarlate… Et sur son front ce nom était écrit : Mystère : la grande Babylone, mère des fornications et des abominations de la terre. Et je vis cette femme enivrée du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus… — XVIII, 24 : On a trouvé dans cette grande ville le sang des Prophètes et des Saints, et de tous ceux qui ont été tués sur la terre.
  31. Voir ci-dessus, note 1, et Apocalypse, XXII, 19 : Et si quelqu’un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu l’effacera du livre de vie… — Il est curieux de noter que l’Avenir, que Vigny lisait certainement puisqu’il y collabora, annonçait dans son numéro du 30 octobre 1830 l’ouvrage suivant : La fin prochaine du monde, ou explication, prophéties et commentaires de certains passages de l’Apocalypse et des livres saints sur la fin des temps, par un membre de l’association catholique, Toulouse, Senac, 1830.
  32. Var : O, B-C2, Le ciel
  33. Exode, XII, 25 : Le Seigneur passera en frappant de mort les Égyptiens, et lorsqu’il verra ce sang sur le haut de vos portes et sur les deux poteaux, il passera la porte de votre maison, et il ne permettra pas à l’ange exterminateur d’entrer dans vos maisons ni de vous frapper.
  34. Var : O, Que deux points seulement, la souffrance et la mort.