Poèmes choisis (Cadou)/Lettre d’avril

La bibliothèque libre.

LETTRE D’AVRIL

Quand on revient sur la fin de l’hiver d’une très longue et monacale maladie
Ah ! c’en est trop de ce silence abrupt et de la défection finale des amis !
Et comment me traiterez-vous demain moi qui vous hèle d’une voix tendre
Si je n’ai que l’infime bégaiement de mes mains pour me faire comprendre ?
Le temps de poésie s’achève et j’ai beau rappeler
Au-dessus de ma vie comme un oiseau blessé
Nul ami ne viendra au secours de mes ailes
Cependant je pensais à toi mon cher Michel
Te sachant familier des fortes houles et des courants
Dans ma pensée tu me servais de brise-vent
Je repartais lancé de nouveau vers les astres
Quelques brouillons de vers agitant la surface
Mais tu as craint de te perdre avec moi sur cet océan de tristesse
Où les épaules vous pleuvent le long du corps en coups de fouet
Comme une averse !