Poèmes incongrus/Marche des Scolaires

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Poèmes Incongrus : suite aux Poèmes mobilesLéon Vanier, bibliopole (p. 60-63).

MARCHE DES SCOLAIRES


Air : Il était une fois quatr’ hommes.


Il était un’ fois quat’ mioches
Conduits par un caporal.
C’était l’bataillon sans r’proches
Des scolaires de Bougival.
L’un mangeait du pain d’épice,
Le deuxièm’du chocolat,
L’troisième suçait du réglisse
Et l’quatrièm’ son p’tit doigt.

Et moi, les mains dans mes poches,
Je m’disais en voyant ça :
Oh ! la ! la !
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches !
Oh ! la ! la !
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là !


Soudain la troupe héroïque
Voit un bout de cigare éteint
Qui gisait, mélancolique.
Abandonné du destin.

Tous quatre avec frénésie
Tomb’ dessus comm’ des vautours.
L’premier dit : « Pas de jalousie,
On l’fum’ra chacun son tour. »

Et moi, les mains, etc.


Tout en faisant d’la fumée.
Ils entrent chez l’mastroquet,
L’deuxièm’ dit : « C’est ma tournée,
Moi j’m’enfile un perroquet ! »
« Patron, servez-nous du raide, »
Fait l’troisième, un p’tit pâlot ;
L’quatrièm’ dit : « J’intercède
Pour un verr’ de picolo ! »

Et moi, les mains, etc.


Les voilà près d’la boutique
Au grand épicier du coin,
Qui faisait d’la politique
À cent pas d’son magasin.
Tout à coup l’premier s’écrie,
En montrant un grand baquet :
« C’est d’la mélass’, je l’parie,
Mince c’qu’on va s’en flanquer ! »

Et moi, les mains, etc.



Saisissant l’moment propice,
Ils font semblant d’se cogner
Pour fair’ sauver la police
Qui commence à les lorgner.
Le plus grand, l’ivress’ dans l’âme.
Plong’ son sabre dans l’tonneau,
Y en a deux qui suc’ la lame
Et deux qui suc’ le fourreau.

Et moi, les mains, etc.


« Sapristi, j’ai la colique,
Fait l’quatrièm’ tout d’un coup ;
Faut qu’on s’soit trompé d’barrique,
C’était pas sucré du tout ! »
« Et moi j’ai l’feu dans la tête,
J’crois qu’c’était du savon noir ;
Faut-il que l’épicier soit bête,
Nous allons mourir ce soir ! »

Et moi, les mains, etc.


Vint à passer Déroulède,
Il aperçut les gamins
Qui criaient tous quatre : « À l’aide ! »
En s’tordant l’ventre à plein’ mains.
D’un geste patriotique
Les réchauffant sur son cœur,

Il dit : « Viv’ la République,
J’ai sauvé quatr’ z’électeurs ! »

Et moi, les mains dans mes poches,
Je m’disais en voyant ça :
Oh ! la ! la !
Qu’est-c’qui mouch’ra tous ces mioches !
Oh ! la ! la !
Qu’est-c’qui mouch’ra ces mioch’-là !