Poètes et romanciers modernes de l’Allemagne - Louis de Chamisso

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POÈTES
ET
ROMANCIERS MODERNES
DE L’ALLEMAGNE.

I.
CHAMISSO.

En 1827, je me trouvais à Berlin. Des amis me conduisirent dans une réunion littéraire qui se tenait tous les mercredis au milieu d’un jardin, sous de beaux arbres, et portait le nom sans prétention de Société du Mercredi. Une idée originale avait présidé à sa fondation : on devait s’occuper de toutes les productions littéraires à mesure qu’elles paraîtraient ; les ouvrages des membres du club étaient seuls exceptés, il ne pouvait jamais en être question. Les fondateurs avaient voulu éviter les préoccupations égoïstes et les querelles vaniteuses qui troublent trop souvent les associations de ce genre et les corrompent. La pensée d’une institution si désintéressée d’amour-propre ne pouvait guère être conçue qu’en Allemagne, et encore je crois que la Société du Mercredi n’existe plus.

J’étais donc un mercredi dans le jardin où l’on se rassemblait chaque semaine. Là se trouvaient plusieurs hommes, jeunes la plupart, et ayant déjà presque tous un nom dans les lettres : le poète tragique Raupach, Stieglitz, Holtei, Willibald Alexis, qui venait de tromper le public à une imitation de Walter Scott, et dont la renommée devait grandir encore ; Uchteritz, auteur d’Alexandre et Darius ; et près d’eux des amis plus mûrs, Varnhagen, homme du monde, homme de goût, mari de la célèbre Rahel ; Hitzig, le docte criminaliste, et le biographe populaire de Werner et de Hoffman. Ce dernier me mit en rapport avec un de ses amis qui, plus que personne dans la société, avait ce que nous appelons en France une tournure allemande ; il était grand et mince, de longs cheveux descendaient et flottaient sur ses épaules, son visage offrait une singulière expression de candeur et de fermeté, quelque chose de doux et de fort, de paresseux et d’ardent. La conversation s’engagea entre nous en allemand ; mon interlocuteur parlait avec une énergie d’expression remarquable, mais, à ce qu’il me semblait, avec un peu d’effort et un accent nouveau pour moi[1]. Moi, je construisais à la sueur de mon front ces laborieuses périodes allemandes dont chacune ressemble aux pyramides vivantes que forment, en s’entassant les uns sur les autres, les divers membres d’une famille d’équilibristes, les petits mots expressifs, les particules qui déterminent le sens, se juchant au sommet de la période, comme les enfans sont hissés à la pointe de la pyramide. Tout à coup un de ceux qui assistaient à notre dialogue partit d’un éclat de rire, et nous dit : Messieurs, mettez-vous à l’aise, et parlez français. — Le personnage au long corps et aux longs cheveux était mon compatriote ; c’était l’homme excellent, singulièrement doué par la nature et long-temps persécuté par le sort, dont je vais retracer la vie agitée ; c’était un émigré picard et un officier prussien, un gentilhomme et un libéral, un poète et un botaniste, qui avait fait un roman fantastique et le tour du monde ; c’était un Allemand né en France, c’était Chamisso.

Louis-Charles-Adélaïde de Chamisso, qui remplaça le second de ses prénoms par celui d’Adelbert, naquit au commencement de l’année 1781, en Champagne, au château de Boncourt, d’une famille noble et originaire de la Lorraine. Cette famille s’était alliée à plusieurs maisons régnantes ; on y conservait l’épée que le maréchal de Villars avait donnée au grand-père de Chamisso, âgé de quinze ans ; on y conservait aussi une autre épée à laquelle se rattachait un touchant souvenir de vaillance et de fidélité. Le 10 août, les deux frères aînés de Chamisso, Hippolyte et Charles, se trouvaient auprès de Louis XVI. Charles, blessé en défendant le roi, fut sauvé par un homme du peuple ; peu de temps après, il reçut une épée qu’avait portée l’infortuné monarque, et un billet ainsi conçu :

« Je recommande à mon frère M. de Chamisso, un de mes fidèles serviteurs ; il a plusieurs fois exposé sa vie pour moi.

« Louis. »


Telle fut l’origine de celui à qui sont consacrées ces pages : un manoir champenois, une famille antique et dévouée aux vieux souvenirs. Cette origine n’annonçait point la carrière qu’il devait parcourir. On ne se doutait pas à Boncourt, en 1781, que le gentilhomme qui venait d’y naître serait un poète et un prosateur allemand distingué, et traduirait dans la langue de Goethe les chansons de Béranger.

Chamisso, dans son enfance, était habituellement pensif et silencieux. Lui-même nous apprend qu’il avait déjà les goûts du naturaliste et les rêveries du poète. « J’observais les insectes, je cherchais de nouvelles plantes, je passais les nuits orageuses devant une fenêtre ouverte, à contempler et à réfléchir. » La révolution détruisit Boncourt et fit sortir de France Chamisso avec sa famille ; il avait alors neuf ans. À treize ans, il étudiait le dessin et la miniature à Wurtzbourg. À quinze ans, après avoir été quelque temps élève peintre à la manufacture royale de porcelaine de Berlin, il devint page de la reine de Prusse. À dix-sept ans, il entra au service : trois ans après (1801), il était lieutenant, et sa famille revenait en France. La première occupation du jeune officier prussien fut d’apprendre à fond l’allemand, car celui qui devait s’illustrer dans cette langue ne la savait pas encore très bien à l’âge de vingt ans. C’est ce que prouve un essai de tragédie en prose (le Comte de Comminge), qui remonte à cette époque. Mais en même temps on y sent, dit M. Hitzig, biographe et ami de Chamisso, « une certaine habileté d’expression et un entraînement involontaire vers le rhythme. La prose, sans que l’auteur s’en aperçoive, passe au vers. » Chamisso n’était pas encore écrivain ; il était déjà poète.

C’est qu’il était amoureux, amoureux d’une jeune veuve française nommée Cerès Duvernay. Les vers qu’il composa dans cette langue, pour l’objet de sa passion, sont aussi mauvais et aussi exaltés qu’il convient à un premier amour. Un jour, Mme Cerès Duvernay ayant laissé tomber un bouquet de pensées, Chamisso voulut le lui rendre ; on le lui donna. Cet incident, peu extraordinaire, lui inspira les vers suivans, qui le sont beaucoup. Je ne les cite que pour montrer à quel point notre compatriote était déjà Allemand par le tour de l’imagination, même dans ses vers français.

Bientôt je sentis cette fleur
Devenir graine dans mon cœur,
Et cette graine se répandre,
Lever, et croître, et me surprendre,
Remplir le jardin de mon cœur.
Depuis ce jour mille pensées
Malgré moi troublent mes journées,
Fleurissent pendant mon sommeil,
Se flétrissent à mon réveil,
Renaissent avec ton image…

Ce fantastique madrigal semble traduit de l’allemand. Chamisso faisait passer dans cette langue les vers coquets et assez plats que lui adressait en français Mme Cerès Duvernay. Sa langue adoptive était donc comme l’idiome naturel de son imagination et de son cœur. Il s’y sentait dès-lors plus à l’aise que dans sa langue maternelle.

Bientôt il se trouva faire partie d’un petit cercle de jeunes poètes alors obscurs, et qui la plupart sont devenus des hommes distingués dans divers genres. Parmi eux étaient Robert, Varnhagen, Koreff, Delafoye, aujourd’hui professeur de chimie à Caen, et enfin le plus fidèle ami de Chamisso, celui qui a publié ses lettres et sa biographie, Hitzig. Les jeunes amis entreprirent de concert un Almanach des Muses, publication qui leur semblait d’une grande importance et qui leur procura bientôt l’ineffable bonheur d’avoir des admirateurs, des admiratrices et des ennemis. Les fondateurs du Livre Vert (c’était le nom du recueil) furent séparés par la divergence de leurs carrières. Chamisso, resté seul à Berlin, leur écrivait souvent, et ce commerce, surtout avec les plus chers, ne fut jamais interrompu à travers les phases d’une vie errante.

La guerre allait commencer contre la France, et Chamisso exprime ainsi le vague besoin d’action qui tourmentait le jeune lieutenant « Je me frapperais du poing ; être un gars de vingt-quatre ans, et n’avoir pas vécu, et n’avoir rien fait, rien souffert, rien goûté, n’être rien et n’avoir rien acquis, absolument rien dans ce misérable, misérable monde. » En attendant une occupation plus sérieuse, le Livre Vert l’absorbait tout entier. Il avait aussi des projets d’étude et d’université. Le savant futur et le futur poète s’annonçaient de loin par des instincts confus. Mais ces projets n’étaient point du goût de la famille de Chamisso. Voici ce que lui écrivait sa mère, femme, du reste, d’un grand sens et d’une admirable tendresse pour ses enfans :

« Rêvez-vous quand vous parlez des universités de Saxe ? La science est sans doute une fort belle chose, mais c’est lorsqu’elle peut nous être utile ; et, je vous en prie, à quoi pourraient vous servir tous les us de l’univers ou pour votre bonheur ou pour votre utilité ? Craignez-vous de ne pas rencontrer assez de tableaux de mauvaises mœurs et d’irréligion pour désirer aller dans la réunion complète de l’un et de l’autre en admirer les merveilleux effets ? Donnez-vous à la littérature, elle amuse l’esprit, et c’est de cela surtout que vous avez besoin : elle l’orne et donne des passe-temps agréables ; mais, pour l’esprit de l’école, je trouve que ce qu’on peut faire de mieux est de l’oublier et d’y renoncer bien vite quand on en sort ; ce n’est donc pas la peine de l’aller acheter si chèrement. »

L’ouverture de la campagne mit fin aux irrésolutions de Chamisso, mais il conserva toujours ses goûts littéraires ; durant des marches pénibles, il était constamment occupé du cher Almanach vert. Son Homère ne le quittait point, et il entremêlait, dans ses lettres, des phrases grecques aux effusions de l’amitié. Les grands évènemens du jour tiennent peu de place dans cette correspondance ; Chamisso vit uniquement avec son imagination, ses souvenirs, ses rêveries et le peu de livres qu’il peut se procurer. « Je lis, dit-il, l’Écriture avec soin et avec une grande édification ; j’ai lu l’évangile de saint Matthieu, et je le compare avec l’évangile de saint Jean. Les versets 14, 22 et suivans de saint Matthieu m’ont frappé. Si nous prenons ici nos quartiers d’hiver, je deviendrai théologien. J’ai une espérance, une espérance charmante, je pourrai peut-être faire venir des livres de la bibliothèque de Goettingue. » J’imagine qu’il n’y avait pas dans l’armée française un lieutenant dont la correspondance ressemblât à celle de Chamisso. Courier pourrait faire exception pour Homère, mais Courier ne lisait point saint Matthieu.

La carrière militaire de Chamisso fut terminée par un évènement qui lui causa une profonde affliction. Il serait peut-être trop sévère de lui faire un reproche d’avoir consenti à porter les armes contre les Français. On doit se rappeler qu’il avait quitté la France à neuf ans, que la reconnaissance et l’honneur l’attachaient au pays qui lui avait donné du pain et une épée[2]. Mais quelque jugement que l’on porte sur le parti qu’avait pris Chamisso, ou plutôt que la destinée avait pris pour lui, on doit rendre justice à la noble douleur dont il fit preuve lors de la reddition trop prompte d’une place (Hameln), qu’il eût voulu défendre. Dans une longue lettre, il raconte et déplore une faiblesse contre laquelle il proteste énergiquement ; il voit, dans cette honte qu’il subit avec rage et désespoir, une punition du rôle qu’il avait accepté, après bien des combats, avec répugnance et avec un sombre pressentiment.

Chamisso obtint un passeport pour la France, où était sa famille ; mais, avant de partir, il écrivait à Hitzig : « Je suis Allemand dans le cœur et pour la vie. » Et il disait vrai. Jamais il ne fut indifférent au sort de la France ; mais par sa nature intime il appartenait à l’Allemagne. Sa candeur, sa naïveté, la gaucherie de ses manières, sa disposition à la fois studieuse et rêveuse, le goût des voyages ou d’une vie paisible dans un petit cercle d’amis, l’originalité de ses idées toujours un peu enveloppées d’une expression forte, mais pénible, tout en lui, jusqu’à l’aspect de sa personne, était allemand plus que français. Devait-il cette empreinte germanique à l’origine lorraine de sa famille ? Je ne sais ; mais vraiment il semblait prédestiné au rôle qu’il a rempli. Le hasard l’a rendu plutôt que donné à l’Allemagne. Cette fois, la nature avait préparé l’ouvrage du sort.

Arraché à sa patrie de choix, et ne pouvant jeter racine dans l’autre, Chamisso passa plusieurs années dans cette situation maladive de l’ame que traversent les hommes d’imagination dont les circonstances ou une vocation impérieuse n’ont pas encore déterminé la carrière. Durant ces jours remplis par des projets sans suite, des tentatives sans résultats, des travaux entrepris et interrompus, germait silencieusement le poète. Les années qui semblent complètement perdues sont souvent celles qui laissent le plus de traces dans l’ame. Alors elle vit en elle et pour elle-même, plus tard elle vit au dehors et pour le bruit ; beaucoup ne se sont mis à écrire que quand ils ont eu fini de vivre ; et ce que le monde a admiré dans leurs ouvrages, c’étaient les débris, et, si j’osais le dire, les rognures de leur vie intérieure aux époques ignorées.

La famille de Chamisso voulait le fixer en France, il fut même question de mariage ; il parle d’une aimable jeune fille avec force biens au soleil. Mais son heure n’était pas venue, son inquiétude ne pouvait encore se fixer et s’asseoir, il avait besoin de faire le tour du monde pour gagner l’appétit du repos. D’ailleurs, son ame se tournait toujours du côté de l’Allemagne, où étaient les amis de son premier âge, ses souvenirs, ses habitudes, et vers laquelle, malgré son attachement pour une famille qui en était digne, le reportaient sans cesse les penchans et les besoins de sa nature.

Il revint à Berlin, mais ses amis étaient absens et dispersés ; il y passa trois ans sans occupation déterminée, dans un état de mécontentement intérieur et d’abattement auquel le sage Hitzig ne voyait qu’un remède : faire une folie pour avoir à la réparer, et retrouver par là de l’activité et un but. Chamisso lui-même peint assez poétiquement, dans une lettre datée de Berlin 1808, cet état de malaise et de langueur qui l’accablait. « Je serais heureux de me sentir lié et de savoir précisément ce que j’aurais à exiger de moi ; car le vide dans lequel les évènemens me laissent flottant, de sorte que mes ailes s’affaissent comme celles de Satan dans Milton ; ce vide me fatigue mortellement et me plonge en un sommeil engourdissant pareil à celui qu’on éprouve dans les hautes régions de l’atmosphère. » Chamisso souffrait de la position fausse que lui faisait sa naissance. Étranger au milieu de l’élan libérateur de l’Allemagne, auquel il ne pouvait prendre part, il se sentait avec colère languir dans l’inaction, et, comme il le disait avec une énergie un peu grossière, « au milieu de toute cette fermentation, tomber en pourriture sans même donner de fumier ! »

En 1810, Chamisso fut appelé en France pour y occuper une place de professeur au collége de Napoléonville. Ce voyage le mit en rapport avec M. de Barante, préfet de la Vendée, et Mme de Staël, qui habitait alors le château de Chaumont, si pittoresquement placé sur la rive gauche de la Loire, entre Blois et Amboise.

Chamisso, avec sa rudesse, sa sauvagerie et sa pipe, faisait une singulière figure dans cette société spirituelle, élégante, romanesque, qui avait été la société de Coppet. Pourtant on appréciait l’élévation de son ame, la simplicité de son cœur, l’originalité de son esprit. Pour lui, il était là un peu étonné, un peu contraint et à demi séduit, comme un Scythe dans Athènes. Il a exprimé avec une vivacité assez brusque l’impression que faisait sur lui la femme extraordinaire dont le hasard l’avait rapproché. « En somme, Mme de Staël me plaît plus que l’Allemand (Schlegel) ; elle a un sentiment plus vrai de la vie, bien qu’elle s’entende moins que lui à la disséquer ; elle a aussi plus de vie, plus de passion (mehr lieb’ im leibe) ; elle a les bonnes qualités du Français, la légèreté des manières, l’art de vivre, la grace. » — Et ailleurs : « Mme de Staël est un être extraordinaire. Elle réunit le sérieux allemand, l’ardeur méridionale, les manières françaises. Elle est sincère, ouverte, passionnée, jalouse, tout enthousiasme ; elle ne comprend que par l’ame. Le sentiment de la peinture lui manque ; la musique est tout pour elle ; elle ne vit que dans les sons ; il faut qu’on fasse de la musique près d’elle quand elle écrit, et au fond elle n’écrit que de la musique. La géométrie de la vie a ici peu de succès. Mme de Staël est également enthousiaste de la chevalerie et de la liberté. Elle est du grand monde et une franche aristocrate ; elle le sait elle-même, et tout ce qu’elle sait, elle le dit à ses amis ; c’est un personnage de tragédie. Elle a besoin de recevoir, de donner ou de jeter bas des couronnes ; elle a été élevée dans les régions où se formaient les orages politiques qui ont décidé du sort de la terre. Il lui faudrait au moins entendre le bruit des voitures de Paris. Elle dépérit dans cet exil. »

Il fallut quitter Chaumont. Un jour, le cor féodal qu’on sonnait pour annoncer l’arrivée de ceux qui se présentaient sur la rive droite du fleuve, annonça une visite. C’était le propriétaire du château, qu’on croyait en Amérique, et qui revenait chez lui, ne s’attendant pas à y trouver si bonne et si nombreuse compagnie. On l’invita à dîner, et on partit le lendemain pour Fossé, près de Blois. À Fossé, l’on conserva les habitudes de Chaumont. Le soir, tandis qu’un Italien jouait de la guitare, Mme de Staël et ses amis, assis autour d’une table, jouaient à la petite poste ; ce jeu consistait à s’écrire des billets qui se croisaient rapidement, et procuraient à chacun le plaisir d’avoir un ou plusieurs tête-à-tête par écrit ; car on aimait beaucoup les tête-à-tête : il y avait dans le jardin l’allée des explications.

M. de Barante appela bientôt près de lui Chamisso dans le chef-lieu du département de la Vendée, dans la ville nouvelle à laquelle Napoléon avait donné son nom. Chamisso devait aider le futur traducteur de Schiller dans ses travaux sur la littérature allemande. Il trouva à Napoléonville un grand repos et une hospitalité pleine de grace sous le toit du jeune préfet, dans lequel il reconnaissait déjà la supériorité que les années ont mûrie. Chamisso remplissait les loisirs que lui laissaient des fonctions peu assujétissantes en lisant nos vieux fabliaux et nos romans de chevalerie. Cette portion de notre littérature semble avoir été celle qu’il goûtait le plus. Il poussait même l’admiration pour nos mystères, en général assez insipides, jusqu’à comparer le dialogue d’Isaac et d’Abraham au moment du sacrifice avec les plus divines productions des Grecs. Déjà il s’était occupé à chercher en France des chants populaires. Il s’attachait à imiter Marot, comme plus tard il devait imiter Béranger, et Marot prenait en allemand une teinte mélancolique.

Ich bin nicht mehr was sonst ich war.

Son véritable instinct poétique se montrait par son admiration pour Uhland, dont il a souvent approché dans ses ballades. « Après Goethe, disait-il, aucun poète n’a autant agi sur moi. »

Dans une situation douce et facile, mais sans indépendance et sans avenir, Chamisso n’était pas moins inquiet, moins malade de l’ame et de la tête que par le passé. « Pour être heureux, s’écriait-il, il faut être empereur, artiste, amoureux ou imbécile. » Chamisso n’était rien de tout cela. Il est certaines dispositions chagrines où les contrariétés deviennent des distractions et des soulagemens. Chamisso travaillait à une traduction de l’ouvrage d’Auguste Schlegel sur l’art dramatique. Le libraire fit faillite. « Je me tourmente de cela, dit le traducteur traversé dans son entreprise, et il est bon, vrai Dieu ! que je me tourmente à cause de quelque chose, sans quoi je me tourmenterais à cause de rien, ce qui est la pire manière de se tourmenter. »

Le désir de revoir ses amis de Berlin, le rêve du bonheur domestique le poursuivaient. Jamais il n’y eut de mélancolie moins égoïste et plus honnête que la sienne. Au mois de septembre 1811, il avait été rejoindre à Coppet Mme de Staël, pour lui dire adieu avant de quitter la France. Il trouvait là une tristesse égale à sa tristesse. Aussi sa première lettre datée de Coppet, respire une mélancolie toujours plus profonde. « Je suis vraiment accablé d’une fatigue mortelle. Ce mois et le mois suivant, toute ma vie glissera et m’échappera sans que j’arrive à rien. L’année s’envieillit, les arbres jaunissent, bientôt la neige nouvelle argentera la cime des montagnes. Un mot encore de mes rapports avec mon hôtesse. La quitter en ce moment, ne pas attendre que son sort se dénoue, serait vraiment difficile, car elle est bien malheureuse ; la malédiction atteint ceux qu’elle aime, tous ses amis sont repoussés loin d’elle… » En effet, la persécution qui s’acharnait sur une femme de génie venait de frapper deux personnes qui lui étaient bien chères ; coupables de leur courageuse amitié, Mme Récamier et M. Matthieu de Montmorency avaient été exilés pour n’avoir pas fui son exil.

Chamisso continue ainsi : « Mme de Staël estime et apprécie mon caractère. » C’était vrai. Il ajoute (et avec quelle candeur !) : « La première fois que je me trouvai vivre près d’elle, elle ressentit pour moi un grand attrait. Cette fois je l’ai trouvée engagée dans une relation qui l’éloignait entièrement de moi ; j’ai reculé avec fierté, et nous avons été froids l’un pour l’autre. Elle m’appelle orgueilleux ; il est vrai que je me mets en défense contre elle comme contre une force supérieure ; elle estime aussi cela en moi. »

Ces paroles, des vers français[3] que Chamisso adressa, avant de s’éloigner, à l’illustre fugitive, et qui sont empreints de quelque amertume, donnent lieu de penser que, trompé par cette coquetterie romanesque habituelle à l’auteur de Corinne, et qu’elle regardait comme le savoir-vivre de l’imagination, Chamisso s’était un peu exagéré l’impression qu’il avait précédemment produite. Mais une nuance de dépit naïvement montré n’empêchait point Chamisso de sympathiser noblement avec les douleurs de celle qui en était l’objet ; et si l’on sourit en l’entendant parler ingénuement de l’attrait qu’on a ressenti pour sa personne, en le voyant fier, sensible… et même un peu farouche, on ne peut que s’intéresser à lui et l’honorer.

Cette époque est marquée aussi dans la vie de Chamisso par ses premières études dans une science à laquelle cette vie devait plus tard être consacrée : la botanique. Le Jura et les Alpes l’invitaient à de poétiques herborisations. Il fit en 1812 un voyage pédestre en Suisse, hésita un moment devant les séductions de l’Italie, puis tourna court, affamé de l’Allemagne, y rentra, éprouva la plus grande joie qu’il pût avoir, celle d’embrasser ses amis, et se mit à étudier l’anatomie avec fureur. Le goût de l’histoire naturelle devenait chez lui de plus en plus dominant ; la pensée de se rendre capable de prendre part à un voyage scientifique commençait à diriger vers un but moins vague les errantes études de Chamisso.

Les évènemens de 1813 vinrent douloureusement agiter celui qui a écrit : « Je n’avais alors plus de patrie, ou bien je n’avais pas encore de patrie. » Il se sentit Français pour souffrir des désastres de Russie. Au milieu du mouvement guerrier de l’Allemagne, parfois il s’écriait : « Non, ce temps n’a pas pour moi une épée ! » Dans d’autres momens il se sentait décidé à défendre sa terre adoptive : « Si l’on en vient à une guerre de paysans, je pourrais y prendre part ; pro aris et focis, je ne refuserai pas de périr avec vous. » Pouvait-il tenir un autre langage ?

Ce fut dans ce temps si triste, que, pour amuser les enfans de son ami Hitzig, il écrivit Pierre Schlemihl, le plus populaire de ses ouvrages en Allemagne et en Angleterre, et le plus connu en France.

L’idée de cette nouvelle est bizarre : c’est l’histoire d’un homme qui a vendu son ombre. Les circonstances de ce singulier marché sont racontées au début de la merveilleuse histoire d’une manière très piquante. Pierre Schlemihl, pauvre diable qui a une lettre de recommandation pour un riche personnage, arrive dans la maison de campagne de celui-ci. Il le trouve dans son parc, entouré d’une société brillante à la suite de laquelle le nouveau venu se glisse timidement, sans que personne prenne garde à lui. Une belle dame se blesse légèrement la main en voulant cueillir une rose ; aussitôt un petit homme maigre et silencieux tire sans mot dire de sa poche un morceau de taffetas d’Angleterre et le présente avec une profonde révérence. La belle dame prend le morceau de taffetas d’Angleterre ; personne ne songe à remercier le petit homme, l’on continue la promenade commencée, et l’on arrive sur une colline du haut de laquelle on jouit d’une vue superbe et d’où l’on découvre la mer. Un point blanc se montre à l’horizon : « Un télescope ! » s’écrie le richard, et aussitôt le petit homme tire de sa poche l’objet demandé. Schlemihl admire comment un si grand instrument a pu sortir de la poche d’un habit, mais personne ne paraît surpris ; un instant après, quelqu’un remarque combien il serait commode d’avoir là un tapis pour que la société pût s’asseoir et jouir du point de vue. Aussitôt le même petit homme tire de la même poche un magnifique tapis de quarante pieds, sans que personne en paraisse étonné le moins du monde. Mais le soleil devenait incommode ; la belle dame se tourne alors vers le petit homme, et lui demande d’un ton léger si par hasard il n’aurait pas une tente sur lui. Nouvelle révérence, la tente est tirée de la poche d’où était sorti le tapis. La chose paraît encore toute simple ; on déploie la tente, et l’on n’y pense plus. Schlemihl ouvrait de grands yeux ; mais quelle fut sa surprise quand, sur le désir exprimé par une personne de la société, le petit homme fouilla encore une fois dans sa poche et en tira trois chevaux sellés et harnachés ! À ce coup, Schlemihl s’éloigne épouvanté, croyant avoir rêvé ce qu’il a vu. Ce début est un vrai chef-d’œuvre de plaisanterie dans le genre fantastique ; jamais Hoffmann ne réussit mieux à préparer son lecteur à l’impression du merveilleux et ne l’introduisit plus graduellement et plus vivement à la fois au sein de la réalité quotidienne, ce qui est le grand art dans cette sorte de récit.

Bientôt Schlemihl se trouve face à face avec l’étrange personnage dont la conduite n’a paru surprendre que lui. Celui-ci, du ton le plus humble, lui dit, après force révérences : — Pardon de ma hardiesse, mon cher monsieur, mais… vous avez une bien belle ombre ; s’il pouvait vous convenir de vous en défaire, je m’en arrangerais volontiers. — Schlemihl est d’abord un peu étonné de la demande ; mais pour cette ombre, qui ne lui sert à rien, l’inconnu lui offre le sac merveilleux de Fortunatus d’où l’on peut tirer de l’or sans l’épuiser jamais. Le marché semble bon à Schlemihl ; il consent à la proposition. Aussitôt l’acheteur se baisse, et, avec une grande dextérité, enlève du sol l’ombre vendue, la roule soigneusement, la met dans sa poche et disparaît.

Ici commencent les tribulations du pauvre Schlemihl ; il s’aperçoit pour la première fois de ce que valait cette ombre, qu’il a possédée long-temps sans en connaître le prix. À chaque pas qu’il fait au soleil, chacun de se récrier : — Qu’a fait ce monsieur de son ombre ? Il a beau jeter l’or à pleines mains, il entend toujours dire derrière lui : Comment a-t-il perdu son ombre ? qu’est devenue son ombre ? que peut être un homme qui n’a pas d’ombre ? — Le même malheur le suit partout. Il est parvenu, en ne sortant que le soir ou par un temps couvert, à déguiser ce qui lui manque à celle qu’il veut épouser, et que son mérite, aidé du merveilleux petit sac, a décidée à lui donner sa main. La veille du jour où tous les vœux de Schlemihl doivent être couronnés, il a rassemblé dans un jardin quelques amis. Assis auprès de celle qu’il aime, il s’abandonne aux plus douces rêveries. Tout à coup la lune paraît et dessine une seule ombre sur le gazon. La belle regarde son prétendu avec un étonnement mêlé d’effroi, et jure qu’elle n’épousera jamais un homme qui n’a pas d’ombre. Son domestique vient lui déclarer un jour qu’il ne peut se résigner à servir un maître qui n’a pas ce qu’il convient à toute personne honorable d’avoir. « On n’est qu’un pauvre diable, dit-il, mais enfin on a une ombre comme tout le monde. » Et il demande son congé.

L’un des incidens les plus plaisans des infortunes de Pierre Schlemihl est celui-ci. Le personnage mystérieux par lequel il a été induit au marché qu’il déplore chaque jour reparaît et veut le porter à donner son ame pour son ombre. Schlemihl résiste ; mais le tentateur, pour le séduire, lui offre de lui prêter ce qu’il regrette si vivement. Quelle est la joie du pauvre Schlemihl, rentrant en possession du trésor qu’il avait perdu, quand il voit son ombre reprendre sa place et trotter auprès de lui, car en ce moment il est à cheval, et le perfide acquéreur de son bien marche à ses côtés ! Une idée lui vient, piquer son cheval et emporter son ombre au galop ; mais la tentative ne réussit pas. L’ombre s’arrête et attend son propriétaire, qui la ramasse et la rend froidement au fugitif désappointé, en l’engageant à prendre les moyens de la mieux conserver.

Cette folie est, selon moi, trop prolongée. Une saillie d’imagination ne peut être la donnée d’un roman dans les règles. La partie sentimentale et pathétique de Schlemihl ne touche point le lecteur, qui ne peut prendre au sérieux un malheur aussi extraordinaire. La conception frappe par ce qu’elle a d’inattendu et de nouveau. La fantaisie consent en souriant à s’y prêter pendant quelques minutes ; mais bientôt la raison reprend ses droits. Il faut une certaine logique, une certaine conséquence, même dans le merveilleux ; il faut de la vraisemblance jusque dans l’impossible, l’Arioste et les Mille et une Nuits en font foi ; et véritablement le malheur de n’avoir pas d’ombre peut paraître à beaucoup de gens compensé par le bonheur d’être démesurément riche. On ne peut admettre que Schlemihl n’ait d’autre ressource contre son malheur que les bottes de sept lieues qui ne terminent pas très heureusement son histoire, et l’on se demande si, avec le sac de Fortunatus, il n’aurait pas trouvé des serviteurs respectueux, de la considération et d’excellens partis.

Y a-t-il une idée sous ce récit bizarre ? Sans faire comme Schlemihl, et courir après une ombre, il me semble qu’on peut supposer à l’auteur l’intention d’exprimer cette vérité, que, dans la société telle qu’elle est, la vertu, le mérite, la fortune même, ne sont pas tout. On a beau être riche, on a besoin encore de quelque chose pour être un personnage dans le monde ; il faut un je ne sais quoi, une ombre légère désignée par ces mots vagues, mais qui ont un sens : spécialité, notabilité, position. Pour compter dans la société de nos jours, où l’on n’est plus classé par le rang, il faut porter un nom connu, ou avoir fait un livre, ou avoir un talent ; il faut la mode ou une célébrité, une notoriété, et, comme on dit, une distinction quelconque. C’est là l’ombre dont on ne saurait se passer, pour laquelle le diable nous tente parfois de vendre notre ame, et sans laquelle on ne réussit à rien. L’auteur de Pierre Schlemihl a raison de conclure que, lorsqu’on n’a pas d’ombre, il ne faut pas aller au soleil.

Pierre Schlemihl devint promptement populaire. Chamisso jouissait naïvement de son succès ; il aimait à voir les enfans courir après une ombre ; il n’était pas insensible au plaisir de retrouver son héros à Copenhague, à Pétersbourg et jusqu’au cap de Bonne-Espérance, d’apprendre qu’on avait fait en un an trois éditions de Pierre Schlemihl à Londres et une à Boston, qu’on l’avait cité en plein parlement. Hoffmann introduisit l’homme sans ombre dans une de ses fantastiques nouvelles. Une traduction française, à laquelle Chamisso avait mis la main, parut en 1821, mais après avoir subi, de la part de l’éditeur, des mutilations et des changemens qui la rendaient presque méconnaissable aux regards paternels[4].

Revenons à la vie de Chamisso. Il passa la fin de 1813 et le commencement de 1814 occupé d’histoire naturelle, suivant des cours de minéralogie, aidant à classer les crustacés du muséum zoologique de Berlin, et s’exerçant à écrire et à parler le latin pour se préparer à passer sa thèse de docteur. Il voulut prendre part au voyage que le prince de Neuwied devait faire dans le Brésil, et qu’il a depuis exécuté ; mais ce projet manqua comme tant d’autres. À chaque entreprise avortée, Chamisso retombait dans une tristesse plus sombre, n’ayant pour se consoler que l’accroissement rapide de son herbier et le succès non moins rapide de Pierre Schemihl. Il arrivait au moment où l’on commence à sentir le poids des années, et où l’on se prend à dire comme lui : « Insensiblement nous vieillissons, et le plus fort est fait. »

Enfin cette carrière scientifique tant désirée allait s’ouvrir devant ses pas. Un jour, chez Hitzig, il lut par hasard dans un journal l’annonce d’un voyage de découvertes vers le pôle nord qui devait être entrepris sous les auspices du gouvernement russe. Chamisso s’écria en frappant du pied : « Je voudrais être avec ces Russes au pôle nord. Parles-tu sérieusement ? lui dit Hitzig. — Oui, sérieusement. » Et le 15 juillet 1815, Chamisso partait de Berlin pour un voyage de trois années.

Il a publié la relation de ce voyage ; elle fut lue avec intérêt par le public, fortune bien rare pour un voyage scientifique. Le prince royal de Prusse, dans une aimable lettre qu’il écrivit à Chamisso, lui exprima tout le plaisir qu’avait fait son voyage dans d’augustes soirées. C’est que l’inspiration vive et originale du poète savait colorer les recherches du naturaliste. L’humeur individuelle de l’auteur donnait un tour piquant au récit toujours un peu monotone d’un voyage autour du monde, c’est-à-dire d’une longue et ennuyeuse navigation dans laquelle on touche à quelques points lointains du globe. Il y mêlait des peintures animées de la vie maritime, des anecdotes et des souvenirs.

« L’existence à bord d’un vaisseau, dit-il, est une existence d’un genre à part. Avez-vous lu dans Jean-Paul la biographie de deux frères jumeaux qui étaient attachés l’un à l’autre par les épaules ? C’est quelque chose d’analogue, sinon de tout-à-fait semblable. La vie extérieure est uniforme et vide comme la plane étendue de l’Océan et le bleu du ciel, qui s’appuie sur les vagues. Rien à raconter, point d’évènement, point de journal. Le repas lui-même, qui, sans varier jamais, revient deux fois partager chaque journée, est un ennui plus qu’un plaisir. Il n’y a aucun moyen de se séparer, de s’éviter, d’expliquer un malentendu. Qu’un ami, au lieu du bonjour auquel nous sommes accoutumés, nous dise : Comment vous portez-vous ? l’on rumine sur cette nouveauté, et l’on s’enfonce dans un noir souci ; car, pour mettre la conversation sur ce point, il n’y a pas de place sur le vaisseau. Chacun tour à tour se livre à la mélancolie. »

Un gracieux souvenir de la France attendait Chamisso au Kamtchatka. « Je vis, dit-il, pour la première fois un portrait que j’ai souvent retrouvé depuis sur des vaisseaux américains, et que leur commerce a répandu sur les côtes et dans les îles de l’Océan Pacifique, le portrait de Mme Récamier, cette aimable amie de Mme de Staël, auprès de laquelle j’avais eu le bonheur de vivre long-temps. Il était peint sur verre par une main chinoise assez délicate. En regardant ce portrait, notre voyage me semblait une plaisante anecdote racontée parfois d’une manière un peu ennuyeuse, et rien de plus. »

En cherchant les traces de Dante à travers l’Italie, j’ai rencontré la même image reproduite par la main de Canova en souvenir de Béatrice ; je la retrouve aujourd’hui sur les pas de Chamisso dans une peinture chinoise au Kamtchatka.

Les lettres de Chamisso, datées des latitudes les plus diverses, de Ténériffe, du Chili, de la Californie, de Manille, sont touchantes par la préoccupation constante de ses amitiés, qui le suit sous toutes les constellations du ciel.

La muse ne s’endormait pas en lui sur les mers. Au contraire, les grands spectacles de la nature, l’isolement habituel sur l’Océan, le vide même et l’ennui des longues traversées, favorables à la méditation et aux rêveries, toute une vie entre les flots et le ciel, loin de la terre, parmi les brumes, achevèrent de mûrir l’inspiration dans cette ame errante. Sur le détroit de Behring, Chamisso composait des vers qui semblent se balancer tristement comme des vagues : « La vie, la mort, m’ont dépouillé, mes années se détachent de moi et tombent ; ma tête s’incline plus profondément ; marchant comme en rêve, je pose mon bâton toujours plus loin, et je m’avance chancelant, plus las que beaucoup ne le croient ; je m’avance vers mon but, mon tombeau. »

L’odyssée du poète est terminée. Revenu en 1818, il commença à recueillir en 1819 le fruit de ses longues études et de son long voyage. Il fut nommé docteur honoraire près l’université de Berlin, membre de la Société des curieux de la nature, et custode du Jardin Botanique. Enfin sa situation se fixait ; il pouvait réaliser le projet qu’il formait depuis long-temps, celui de se marier, d’avoir des enfans, une famille. Chamisso parle souvent de ce désir dans ses lettres ; il citait volontiers ce vers de Goethe :

Weiter bringt es kein mensch stellt er sich wie auch er will.

« Nul homme, comme qu’il s’y prenne, ne saurait aller au-delà. »

La mélancolie de Chamisso s’évanouit comme par enchantement au contact de son bonheur. La poésie, qui lui avait inspiré de si sombres accens au temps de sa vie solitaire et voyageuse, ne lui suggérait plus que des chants d’amour et l’expression lyrique d’une joie tantôt recueillie, tantôt éperdue.

Tandis qu’il faisait des vers pour sa jeune femme et qu’il mettait en ordre les herbiers du museum de Berlin, Chamisso ne se souvenait probablement guère de sa qualité d’émigré français. La loi d’indemnité vint la lui rappeler assez agréablement. Il s’agissait d’une somme de 100,000 francs à réclamer. Il fit le voyage de Paris, où il fut très bien accueilli de nos savans, et où il fut doublement heureux, en sa qualité d’Allemand et en sa qualité de Français, de voir Marie Stuart applaudie sur notre scène. Bien qu’intéressé à la loi du milliard pour les émigrés, Chamisso sympathisait vivement avec l’opposition constitutionnelle d’alors. Il écrit à sa femme avec une sorte de triomphe : « Dis à Hitzig que j’ai assisté au convoi du général Foy, cette grande solennité de deuil national, et que j’ai entendu parler près de son tombeau quelques-uns des plus célèbres orateurs ; dis-lui que j’ai assisté également au procès et à l’acquittement du Constitutionnel ; dis-lui que j’ai passé toute une matinée chez Auguste de Staël entre lui et le général Lafayette. » Cette préoccupation de la France, qui ne cessera point chez Chamisso, comme le prouvent ses lettres jusqu’à la fin et le recueil de ses poésies, pouvait appartenir autant à l’Allemand qu’au Français. Le vif intérêt que l’Allemagne prenait sous la restauration à nos discussions politiques m’a frappé alors au-delà de ce que je puis dire. Ce n’est pas parce qu’il était né à Boncourt que Chamisso assistait avec tant d’émotion au procès du Constitutionnel et à l’enterrement du général Foy, c’est parce qu’il venait de Berlin.

Du reste, il n’était pas absorbé dans les grands spectacles que Paris lui présentait au point de perdre de vue un seul détail de son intérieur, car il écrivait aussi à sa femme : « N’oublie pas d’arroser les rosiers ; n’oublie pas de faire lire les enfans ; n’oublie pas de répandre sur ma fenêtre la pâture pour les moineaux ; n’oublie pas de soigner les plantes que j’ai plantées. » Le contraste de ces lignes avec celles que j’ai empruntées plus haut à la même correspondance achève de dessiner la figure de Chamisso, analogue à celle de plus d’un Allemand de nos jours : un sentiment exalté des tendances nouvelles et une fidélité touchante aux naïves habitudes de la vie patriarcale des anciens jours. Les journaux français et la tribune française écoutés de loin au sein d’un ménage semblable à ceux que dépeint Auguste Lafontaine, ou mieux encore l’épopée domestique de Louise, voilà ce qu’on trouve à chaque pas en Allemagne. Heureux pays, où la politique a encore toute la candeur et toute l’innocence d’un premier amour !

Ce fut après son retour de France que je vis à Berlin Chamisso, en 1827, et que je ressentis pour cet homme excellent et remarquablement doué un attrait de cœur qui ne s’est jamais effacé depuis. Le naturaliste estimé commençait à avoir quelque réputation comme poète. Les pièces de vers que Chamisso avait composées jusqu’à cette époque, sous l’empire de ses diverses impressions et de ses diverses fortunes, parurent en 1827, réunies à une seconde édition de Pierre Schlemihl, et, en 1828, Chamisso écrivait en confidence à un ami :

« Je crois presque que je suis un des poètes de l’Allemagne. » L’année suivante, il écrivit, contre certaines tendances exaltées du moment, cinq sonnets intitulés les Apostoliques ; il publia aussi son beau poème, Salas y Gomez, empreint d’un vif souvenir des îles lointaines de l’Océan Pacifique. Il s’y montra supérieur dans l’art de manier la terzine dantesque. Dès ce moment fut fondée sa double réputation d’écrivain éminent en prose et en vers, dans une langue qui n’était point sa langue maternelle : exemple presque unique dans l’histoire des lettres.

Chamisso a laissé deux volumes de poésies détachées. Il est très difficile de donner une idée du mérite qui leur est propre. Le sujet est en général assez peu de chose. C’est presque toujours un fait sans importance, un incident fugitif de la vie de l’auteur, ou un récit qui l’a frappé, quelquefois un évènement du jour ; mais, sur ce fond sans étendue et sans nouveauté, il déploie souvent une rare énergie et une remarquable originalité de pinceau. Sa touche est franche, vigoureuse, son vers incisif et bien frappé. Il a su faire vibrer la corde nationale dans les ames allemandes ; et, après Uhland, il n’est peut-être pas de poète en Allemagne dont les œuvres soient plus fréquemment données en cadeaux, surtout par les fiancés à leurs fiancées. Entre les nombreuses pièces de vers de Chamisso que je pourrais citer, je choisirai celle qui, selon moi, est son chef-d’œuvre, le Château de Boncourt ; on se souvient que c’est le nom du manoir où il était né :

« Je me suis reporté en rêve aux jours de mon enfance, et j’ai secoué ma tête grisonnante. Que me voulez-vous, images que je croyais dès long-temps oubliées ?

« S’élevant du sein des bois touffus, un château reluit au soleil. Je connais les tours, les créneaux, les ponts de pierre, le portail.

« Les lions des armoiries semblent me regarder avec tendresse. Je salue ces vieux amis ; et je m’avance dans la cour féodale.

« Là, le sphinx est couché près de la fontaine ; là, le figuier verdoie. Là-bas, derrière ces fenêtres, j’ai songé mon premier songe !

« Je m’avance vers la chapelle du château ; je cherche le tombeau de l’aïeul. C’est ici. Ici la vieille armure est suspendue au pilier.

« Mes yeux, qui se voilent, ne lisent plus les lettres de l’épitaphe, quoiqu’une vive lumière brille à travers les vitraux coloriés.

« Ainsi, ô château de mes pères, tu es demeuré debout dans ma mémoire fidèle, et cependant tu as disparu de la terre ; la charrue passe sur toi.

« Sois fertile, sol bien aimé, je te bénis avec émotion et avec tendresse ; et soit deux fois béni celui qui aujourd’hui fait passer la charrue sur toi ! »

Cette pièce, d’une exécution admirable dans l’original, cette pièce restera. Il fallait, pour la faire, la destinée et l’ame de Chamisso ; il fallait l’amour ardent du bonheur des hommes de notre temps dans un cœur qui battait encore aux souvenirs d’autrefois. Les premières stances expriment avec une singulière vigueur toute la poésie féodale des vieux souvenirs, et, dans la dernière, on entend comme un cri sublime et pénétrant d’humanité qui touche jusqu’aux larmes.

Je laisse Chamisso se caractériser lui-même comme poète dans quelques lignes manuscrites que je dois à l’obligeance de sa famille :

« C’est toujours parmi nous, dans le fond de nos cœurs, dans notre histoire, dans notre société telle qu’elle est, que je cherche et trouve la poésie…

« J’ai quelquefois puisé dans de vieux contes populaires, des légendes ou traditions. Ces sources purement humaines appartiennent à tous les âges ; la Matrone d’Éphèse et Abdallah nous appartiennent aussi bien qu’aux Latins et aux Orientaux. C’est toujours l’homme que je mets en scène, les secrets du cœur que je cherche à dévoiler, et si je dois à mes voyages d’avoir su peindre avec vérité quelques scènes de la nature, le paysage fut toujours le fond de ce tableau. »

Chamisso avait rapporté de Paris une grande confiance dans le triomphe de la liberté. Chamisso fut toujours un libéral, mais un libéral modéré, comme il le dit positivement : « Depuis que je me suis connu, j’ai été whig. » Il était plein de foi dans l’avenir. Son refrain éternel, avec son ami Delafoye, un peu plus pressé que lui, était : Patience ! patience ! tout viendra en son temps ; le monde continue à marcher d’Orient en Occident ; il tourne insensiblement et ne se laissera pas visser en arrière. — Il était sans cesse occupé de l’avenir du monde, et regardait souvent vers l’Amérique.

Les journées de juillet produisirent sur lui, comme sur toute l’Allemagne et sur toute l’Europe, ce qu’on pourrait appeler la stupeur de l’enthousiasme. Le 3 août 1830, Chamisso entra chez son ami Hitzig, tenant à la main le journal qui contenait les miraculeuses nouvelles. Il avait traversé les rues, remplies de monde ce jour-là, qui est celui de la fête du roi, dans un négligé plus grand encore qu’à l’ordinaire, en pantouffles, sans chapeau. Il était ivre de joie et d’orgueil ; il se rappelait en ce moment qu’il était né Français, et il triomphait. Quelque temps après, ayant vu près d’Hambourg le pavillon tricolore, il poussa un cri de joie. Confondant ses deux patries dans la généreuse illusion de ses espérances, il voyait déjà la Prusse, alliée de la France, grandir en Allemagne par suite de cette révolution, dont le caractère humain le transportait. Du reste, il jugea avec un bon sens qui ne le quitte jamais lorsqu’il parle des affaires de la France, les difficultés de la nouvelle situation. Dès le 18 août, il écrivait à son ami Delafoye une lettre remarquable et à quelques égards prophétique.

Ce moment marque dans la carrière de Chamisso le point culminant au-delà duquel il n’y a plus qu’à descendre. Quand on a triomphé des obstacles et des traverses de la vie, quand on a obtenu la position qu’on ambitionnait, quand la gloire vous arrive, quand on a une femme et des enfans, des amis qui vous chérissent, on serait heureux… mais alors il faut mourir !

Depuis la grippe qui régna à Berlin en 1831, la santé de Chamisso fut sensiblement altérée ; il devint sujet à une toux fréquente, résultat d’une maladie de poitrine qui devait le conduire au tombeau.

Sa considération s’accroissait toujours. En 1835, il fut nommé membre de l’académie des sciences de Berlin, sur la proposition de M. de Humboldt, dont le glorieux dévouement aux sciences est égalé par le vif intérêt qu’il porte à tous ceux qui les cultivent. Les succès du poète allaient de pair avec ceux du naturaliste. Ce fut alors que le prince royal de Prusse écrivit une lettre affectueuse à Chamisso, pour le remercier de ses œuvres, qu’il venait de publier en quatre volumes, et qui furent accueillies du public avec une bienveillance empressée. Mais les faveurs du public, des princes et des académies arrivaient un peu tard ; celui qui en était l’objet n’était pas destiné à en jouir long-temps.

La femme de Chamisso, qui était tombée malade vers le même temps que lui, mourut. Une sœur de la défunte se chargea, à sa place, des soins de la famille, et sert encore de mère à sept enfans aujourd’hui doublement orphelins. Dans les quinze mois qui s’écoulèrent entre la perte de sa femme et sa propre mort, Chamisso ne ralentit rien de son activité scientifique et littéraire. Il travaillait en même temps à deux ouvrages bien différens, et qui montrent quelle fut jusqu’au bout la variété de son talent et de son intelligence. Il publiait une grammaire de la langue hovaï, parlée dans quelques îles de la mer du sud, et, en société avec M. de Gaudy, il traduisait, ou plutôt, comme il l’a dit lui-même, il germanisait les chansons de Béranger[5]. La tâche était difficile. S’il est un poète national par le génie autant que par les sentimens qu’il exprime, c’est Béranger, et je ne puis accorder à son traducteur que, dans beaucoup de ses peintures de mœurs, il se rapproche du génie allemand plus qu’aucun de nos compatriotes. C’est une louange à laquelle Béranger sans doute n’a jamais prétendu.

La difficulté de l’entreprise tentée par Chamisso et son ami se trahit surtout dans les pièces d’un caractère gai et folâtre. Les habitudes de la langue et de la poésie allemande vont mal à l’enjouement de l’auteur original. Dans la chansonnette intitulée la Grand’Mère, à côté de ce refrain :

Combien je regrette
Mon bras si dodu,
Ma jambe bien faite
Et le temps perdu !

M. de Gaudy a placé trois vers allemands que je traduis à mon tour plus fidèlement qu’ils ne l’ont été eux-mêmes du français :

« Je comptais quinze ans à peine, lorsque dans mon cœur timide s’éleva le premier songe de l’amour.

Chamisso ne germanise pas à ce point son auteur. Cependant il cède encore trop souvent à l’influence du langage poétique allemand ; par exemple, quand il traduit ainsi le second vers du premier couplet à mon vieil habit :

Nicht wahr, mitsammen wandern wir an grab ?

« N’est-il pas vrai, nous cheminons ensemble au tombeau ? »

Il y a ici une solennité lugubre peu en harmonie avec le sujet et le ton général du morceau. Mais tout à coup je me souviens que les traductions dont je parle occupèrent les dernières années de Chamisso, ces années douloureuses, et je crois surprendre l’expression d’un triste pressentiment dans l’accent sérieux de ce vers mélancolique. Alors je me reproche cette critique légère, et je ne vois plus que le tombeau vers lequel il se sentait alors marcher, et dans lequel aujourd’hui il est descendu. Du reste, Chamisso choisit en général, pour sa part dans l’œuvre commune, la traduction des morceaux qui convenaient le mieux au tour de son imagination : le Juif errant, le Pauvre Jacques, la Femme du Braconnier, et il parvient souvent à reproduire par son vers ferme et serré l’énergique et vive concision de l’original. Chamisso conserva jusqu’à la fin de sa vie toute la chaleur d’ame et d’enthousiasme dont la nature l’avait doué. Peu de temps avant sa mort, il fit le voyage de Leipzig, pour parcourir la première station du chemin de fer de Dresde. Il était transporté d’admiration ; il appelait la machine à vapeur les ailes du temps, ou bien un animal à sang chaud sans yeux. L’année suivante, il ne se sentit plus en état de remplir ses fonctions au jardin des plantes ; il avait continué à s’y rendre pendant tout le terrible hiver de 1838, bien que sa maladie se fût par là considérablement aggravée. Une retraite égale à la totalité de ses appointemens lui fut accordée dans les termes les plus honorables et les plus flatteurs ; mais il avait trop attendu pour prendre un repos nécessaire, il devait payer son zèle de sa vie, et être le martyr du devoir. Le 9 août 1839, il se coucha plus malade qu’il n’avait été depuis long-temps ; la fièvre se déclara bientôt, puis une sorte de délire, dans lequel il parlait diverses langues, et particulièrement la langue hovaï. La nuit qui précéda sa mort, il parla constamment français, ce qui ne lui arrivait que rarement. Les réminiscences du berceau se raniment en présence de la tombe. Il cessa de vivre le 21 août 1839. Je terminerai par un détail attendrissant cette courte notice, dans laquelle j’ai eu pour but autant de faire aimer l’homme que de faire admirer l’écrivain[6]. Peu de temps avant sa mort, il composa, pour une vieille blanchisseuse aveugle, deux pièces de vers qui eurent le plus grand succès. Données par l’auteur aux enfans de cette femme et achetées avec empressement, elles assurèrent l’existence de sa malheureuse famille. On y lisait :

« Elle a épargné pour acheter du lin, elle a veillé durant les nuits et filé le lin, le tisserand en a fait de la toile, elle a pris les ciseaux et l’aiguille, de sa propre main elle a cousu son linceul sans tache comme elle.

« Son linceul lui est cher, elle le garde avec soin, c’est l’unique trésor qu’elle ait au monde ; elle s’en revêt le dimanche pour aller entendre la parole de Dieu ; au retour, elle le serre précieusement jusqu’à ce qu’on vienne la chercher pour l’ensevelir.

« Moi, au déclin de mes jours, puissé-je, comme cette pauvre femme, avoir rempli tous mes devoirs, avoir vécu comme elle, et pouvoir trouver la même joie dans mon linceul ! »

Pieuses et graves paroles auxquelles je me garderai d’ajouter aucune réflexion. Il n’en est point qui n’affaiblît l’effet de cette prière de l’homme de talent demandant à Dieu, après une vie tourmentée, de mourir comme la vieille indigente à laquelle il donnait la touchante aumône de ses vers. Puisse Dieu avoir exaucé le vœu du poète, et avoir envoyé les joies du linceul à celui qui avait eu si peu de joies sur la terre !


J.-J. Ampère.
  1. Chamisso, qui a écrit l’allemand avec une grande perfection, ne s’est jamais débarrassé de quelques gallicismes, comme nach mir (selon moi). On ne pouvait lui entendre dire trois phrases sans s’apercevoir qu’il était Français.
  2. « Ici le sol, là les hommes, me sont étrangers, s’écriait-il douloureusement ; je ne puis être satisfait nulle part ».
  3. C’est un rondeau, dont voici le commencement et la fin :

    J’ai vu la Grèce et retourne en Scythie,
    Dans mes forêts je retourne cacher
    Mes fiers dédains et ma mélancolie.
    ............
    Désabusé je connais ma folie,
    Je vois les fleurs tomber et se sécher ;
    Je vois déjà ma jeunesse flétrie
    Vers son déclin dans l’ombre se pencher,
    Et sans jouir, pour tout prix de la vie,
    J’ai vu !

  4. Une seconde édition, imprimée en 1838, se trouve chez Bossange.
  5. Wir haben unsern author oft mehr verdeutscht als ubersetzt, préf., pag. 12.
  6. Il ne m’appartient pas de juger Chamisso comme naturaliste. Le botaniste le plus distingué de l’Allemagne et de la France appréciait son savoir en ce genre ; il en a donné des preuves dans un mémoire sur les potamogeton. Il a publié en latin un travail zoologique, auquel il attachait de l’importance, sur quelques animaux de la classe des vers selon Linnée, un travail sur les plantes nuisibles et usuelles qui croissent dans le nord de l’Allemagne ; enfin, les soins assidus qu’il a donnés au jardin des plantes de Berlin et les trésors dont il a libéralement enrichi, sans en rien dire, les herbiers confiés à ses soins, sont des titres qui ont mérité à Chamisso la reconnaissance de sa patrie adoptive. Mais ce genre de détails ne saurait trouver place ici ; je renvoie à l’appréciation des mérites de Chamisso comme botaniste, par Schlechtendal ; Linnœa, année 1839, v. XIII, 1er cahier.