Poésie - Fragment, le Bonheur

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Poésie - Fragment, le Bonheur
Revue des Deux Mondes3e période, tome 81 (p. 412-424).
POÉSIE

FRAGMENT D’UN POÈME INÉDIT
LE BONHEUR.

Faustus a rejoint, sur une nouvelle planète, Stella, jeune fille qu’il avait aimée sur la terre et qu’il y avait vue mourir. Elle lui révèle la plus haute expression de la musique et revêt devant lui sa parfaite beauté. Ils échangent leur amour dans une communion sublime.

FAUSTUS.


Que cette matinée en ce beau lieu m’apaise !
Sa fraîcheur, qui m’inonde et me pénètre d’aise,
Dissout le reste amer de mon terrestre ennui,
Jamais je n’ai senti, Stella, comme aujourd’hui,
La parenté secrète et l’harmonie intime
De l’âme et du bonheur que le printemps exprime.
Cette aurore au sourire immense et caressant
Fait songer à l’espoir d’un grand amour naissant;
Le tendre affaissement de ce vallon qui rêve
Rappelle l’abandon d’un baiser qui s’achève;
Vois là-bas dans la brume onduler ce coteau.
Rose au bord d’un lac bleu qui miroite et se plisse
Il semble qu’une Hébé s’éveille avec délice.
Froissant le lit soyeux que lui fait son manteau ;
Cette haleine est vraiment la grâce qui respire.
Ce qu’elle dit aux fleurs, l’amour l’aurait pu dire;

Dans ces lis qu’elle incline on ne discerne plus
Leurs lentes flexions des plus chastes saluts,
Et pourrait-on jurer qu’il ne tremble personne
Dans le feuillage ému de ce bois qui frissonne ?
Ah ! quelle aménité dans la communion
De l’âme et du zéphir, du cœur et du rayon !

STELLA.


Nous sommes seuls, la terre est très loin, goûte encore
Des mauvais jours vécus la fuite à l’infini ;
Que l’oubli lentement un par un les dévore,
Et tout entier te rende à ce séjour béni !

FAUSTUS.


O Stella, mon amie, après tant de vacarmes :
Blasphèmes, cris, sanglots, soupirs, clameurs.
Appels aigus et confuses rumeurs,
Voix d’hommes, bruits d’outils, fracas de chars et d’armes,

Que ce silence est doux, ineffablement doux !
Qu’il est suave à l’âme, ce silence
Où, clair et pur, dans l’air serein s’élance
Le chant de ces oiseaux qui n’ont pas peur de nous !

Vers nous de tous côtés ils arrivent par bandes.
Regarde-les près de nous voltiger.
Ou balancer en éventail léger
Leurs ailes, sur nos fronts ouvertes toutes grandes.

Écoutons-les. Jadis l’hymne du rossignol,
Si renommé sur notre ancienne terre.
Des nuits d’alors enchantait le mystère
Sans jamais rendre au ciel l’âme enchaînée au sol.

Te souvient-il du parc où nous errions si tristes ?
Dans un sentier tout jonché de lilas
La solitude alanguissait nos pas.
Le crépuscule aux fleurs mêlait ses améthystes.

Où sombrait le soleil, dans un lointain pays.
Nos cœurs rêvaient une patrie absente,
Quand une note au ciel retentissante
Comme un trait d’or soudain s’éleva du taillis.

Une autre, puis une autre, en sonores fusées
Par temps égaux jaillirent de ce bois ;
Puis, d’un essor qui s’essayait, la voix
Préluda vaguement par roulades brisées.

Tu t’arrêtas, le doigt sur la bouche, et me dis :
« Le rossignol chante ! prêtons l’oreille. »
Avidement tu l’écoutais, pareille
A quelque ange en exil au seuil du paradis.

La nuit mélancolique achevait de descendre.
Et semblait sur le parc avec lenteur tomber
Comme d’un fin tamis une légère cendre.
En noyant les contours qu’elle allait dérober ;

L’écharpe du zéphir frissonnait sans murmure
Et molle s’affaissait sur les prés assoupis,
Le ciel, obscur enfin, couvrit la terre obscure
Comme un dais somptueux parsemé de rubis.

Et le chant déchira, plus large et plus sonore,
De l’azur assombri les voiles plus épais,
De monde en monde allant plus haut, plus haut encore,
Troubler de l’infini l’inaccessible paix.

L’étoile au cœur de feu qui tressaille et palpite
Paraissait écouter avec étonnement
La lyre si puissante et pourtant si petite
Qui vibrait au gosier de son terrestre amant.

Ah! que ces notes sanglotantes,
Ces beaux cris épars, où souffrait
L’oiseau blessé d’un mal secret,
Caressaient nos âmes, flottantes
Du vœu stérile au vain regret !

Nous pleurions, nous croyions entendre
Tour à tour triompher, gémir,
Douter, croire, espérer, frémir,
Dans cette voix vaillante et tendre,
Le genre humain prince et martyr.

Car un mal aussi le tourmente
Quand, sous les riches nuits d’été,
Par l’appel de l’immensité
A fuir sa planète inclémente
Il sent qu’il est sollicité,

Mais que, trop fragile et trop brève.
L’aile d’Icare audacieux
Jusqu’au seuil effleuré des cieux
À cette fange ne l’enlève
Que pour l’y précipiter mieux.

Nous revînmes, gagnés par un trouble indicible,
Nous parlant du bonheur qui ne sera possible
Qu’ailleurs, plus tard, très loin, très haut...
Dans un astre où l’amour sans mensonge et sans tache.
D’incorruptibles cœurs indissoluble attache,
Respirera l’air qu’il lui faut !

Puis dans le vieux salon désert, calme retraite
Qu’éclairait mollement une lune discrète,
Tu t’assis à ton clavecin :
Une gamme rapide en émut chaque touche,
Et tu laissas éclore et vibrer sur ta bouche
L’angoisse qui gonflait ton sein.

Tu repris d’une voix pénétrante et fiévreuse,
Pour en approfondir la douceur douloureuse,
Tous les trilles du rossignol ;
Ton art en fit monter jusqu’à Dieu l’harmonie
Sur les ailes qu’aux sous prête l’humain génie
En les accouplant à son vol !

J’écoutais, tour à tour lente ou vive, ta plainte
Descendre, s’élever, puis retomber éteinte.
Puis ardente se ranimer;
Écho vivant, mon cœur en sentait chaque phrase,
A ton gré, tour à tour, le ravir dans l’extase.
Dans la détresse l’abîmer...

Ton chant s’évanouit comme un baiser qui tremble,
Et sous tes doigts tendus, arrêtés tous ensemble.

Expira le dernier accord ;
Et pâle, les yeux clos, la tête renversée,
Stella, tu répondis tout bas à ma pensée :
« Après la mort, après la mort ! »

Maintenant que je touche à la suprême vie,
Aux biens que de si loin la race humaine envie,
Maintenant qu’immortels mon sang, ma chair, mes os
Goûtent après la tâche un souverain repos,
Que ce monde à mon cœur par tous mes sens envoie
Avec de purs plaisirs une innocente joie.
Qu’enfin je suis heureux sans trouble, entièrement ;
Il ne se mêle en moi plus de vague tourment,
D’aspiration vaine, à la douceur d’entendre
L’onde fraîche des sous par tes lèvres s’épandre
Des profondeurs de l’âme aux profondeurs du ciel ;
L’amertume terrestre en altérait le miel.
Ah ! je comprends pourquoi j’en redoutais l’ivresse
Comme une jouissance excessive et traîtresse.
Comme un cruel délice ! Aujourd’hui je comprends
Les rêves à la fois suaves et navrans
Qu’inspire la musique aux hommes sur la terre ;
La coupe qu’elle y tend jamais n’y désaltère,
Coupe à la fois offerte et refusée au cœur.
Dont il sent le parfum sans goûter la liqueur.

STELLA.


— Ami, de ce nectar, ici, rien ne nous sèvre ;
Nous pouvons y porter sans obstacle la lèvre,
Et d’un philtre allégeant sans alarme enivrés,
Des chaînes, qui liaient nos ailes, délivrés,
Aller boire à leur source, en torrens d’harmonie,
La pure extase au pur enthousiasme unie !

Je chante avec l’ancienne voix
Dont le timbre encore te charme ;
Mais, plus sereine qu’autrefois,
Il n’y tremble plus une larme ;

Il n’y languit plus de soupir
Comme en ces jours de longue attente
Que l’idéal faisait subir,
Là-bas, à notre soif ardente ;

Il n’y passe plus de frisson
Comme au temps de l’amour fragile
Où sans cesse un doute, un soupçon
Menaçaient l’idole d’argile ;

Il n’y tinte plus de sanglot
Comme sur la terre où tout passe,
Où toute beauté meurt sitôt,
Où si fuyante est toute grâce !

Ici j’exhale en notes d’or
Dont la douceur est sans mélange.
Dont plus rien n’entrave l’essor,
Un amour qui jamais ne change,

Un bonheur sans borne, éternel!
Et sous l’irrésistible empire
Du besoin d’en remplir le ciel,
Je le chante comme on respire.

Parcourant l’échelle sans fin
D’une neuve et sublime gamme,
L’hosanna d’un orgue divin
Monte en ma poitrine de femme !

Je veux t’emporter aux sommets
Où mes propres chants m’ont ravie !
Sois deux fois heureux à jamais,
La musique double la vie,

Car dans leurs mouvemens égaux
L’âme et la voix vibrent ensemble,
Les notes se font les échos
Du sentiment qui leur ressemble,

Et par son incantation
La Mélodie au cœur rappelle
La tendre ou vive passion
Dont l’accent se réveille en elle,

Ou, n’évoquant rien du passé,
Elle ouvre une immense avenue
A son grand vol jamais lassé
Dans le suprême azur sans nue!

Mon chant va te bercer, égal et lent d’abord
Comme un chant de nourrice,
Pour te faire oublier des blessures du sort
Même la cicatrice,

Pour effacer en toi du récent souvenir
La tache encore noire,
Pour qu’il ne reste plus même une ombre à bannir
Du fond de ta mémoire,

Pour qu’un rêve calmant délivre ton cerveau
De la pensée ancienne,
Et que des vieux soucis rien dans ton cœur nouveau
Désormais ne revienne !

Dans les profondes eaux d’un murmurant Léthé
il faut que tu te plonges.
Comme il faut bien dormir pour être visité
Par l’essaim des beaux songes ;

Et quand des jours mauvais ne te hantera plus
L’image évanouie,
Tu goûteras entier le bonheur des élus
Révélé par l’ouïe !

Alors tu sentiras se lever doucement
L’opaque et lourd rideau qui te voile à toi-même,
Éclore dans ton âme une aube vague et blême,
Puis croître et resplendir l’intime firmament.

Grand comme l’autre ciel, celui-là se déploie
Ensoleillé d’amours, et d’espoirs étoile,
Ouvrant de toutes parts, comme l’autre peuplé,
À d’innombrables vœux des abîmes de joie !

Ces amours, ces espoirs dormaient inaccomplis,
Et ma voix de leur tombe en vibrant les exhume ;
La musique ressemble au soleil, qui rallume
Les spectres des objets dans l’ombre ensevelis ;

Ce qu’en l’espace font la lumière et la flamme
Qui donnent à la fois couleur et force au corps,
Pour donner forme et vie aux rêves, les accords,
Émules des rayons, le font aussi de l’âme !

O musique, soleil du monde intérieur,
Montre à mon bien-aimé tout le fond de mon être,
Qu’il puisse, au fond du sien me reflétant, connaître
Ce que j’ai de plus beau, ce que j’ai de meilleur!

Fais que par ta vertu sympathique éveillées,
Les fibres de son cœur répètent mon émoi.
Qu’il sente en lui frémir ce qui frémit en moi.
Que nos ailes enfin battent appareillées !



Alors, couple parfait, d’un vol harmonieux
Nous irons explorer l’infini côte à côte,
Du plus profond amour à la paix la plus haute,
L’infini du bonheur, impénétrable aux yeux !



Stella se tait. Au loin son regard semble lire.
Caressant d’une main qu’agile son délire
Les cheveux du jeune homme assis sur le gazon,
Et de l’autre attestant le sublime horizon.
Debout, la bienheureuse en extase s’arrête.
Puis, avec un sourire, elle penche la tête.
Sur sa poitrine croise et presse ses deux mains.
Et pour se préparer aux cantiques prochains.
Elle songe, et tout bas recueille sa pensée.
Puis d’une voix d’abord lentement cadencée.
Elle chante...

O merveille ! ô fête ! Hélas ! quels mots
Seront jamais d’un chant les fidèles échos?
Quels vers diraient du sien l’indicible harmonie?
Toute l’œuvre possible au langage est finie
Quand il a seulement fait signe au souvenir,
Symbole indifférent, impropre à contenir
Le moule et le miroir des choses qu’il doit rendre,
A qui n’en connaît rien il n’en peut rien apprendre;
Or, dans l’air d’ici-bas que seuls nous connaissons.
Jamais pareils transports n’émurent pareils sons.
Ah! ton art est cruel, misérable poète,
Nul objet n’a vraiment la forme qu’il lui prête;
Ta muse s’évertue en vain à les saisir,
Les mots n’existent pas que poursuit son désir;
Si beau que soit un vers par le souffle et le nombre,
La beauté qu’il décrit n’y laisse que son ombre.

On voit les brumes du matin,
Que disperse la tiède Aurore,
En légers lambeaux de satin
Sur les prés se traîner encore,

Errer sous la brise un moment.
S’allonger, s’éclaircir, s’étendre,
Puis disparaître entièrement
Dans l’azur gai, limpide et tendre;

Faustus voit ainsi le passé,
Aux douceurs du chant qui commence,
Se fondre et se perdre, effacé
Dans la béatitude immense.

Son regard étonné trahit
Combien cette paix sans mélange
Qui le pénètre et l’envahit
Lui semble doucement étrange ;

Avait-il jamais pu goûter
Rien de bon, depuis sa naissance,
Qu’une amertume à redouter
N’en corrompît pour lui l’essence?

Mais à mesure que décroît
Le nuage ancien qui l’obsède,
Avec moins de surprise il croit
Au calme ignoré qu’il possède.

Il sent enfin s’évanouir
Du souvenir les derniers restes,
Il peut boire aux urnes célestes.
Certain de n’en rien laisser fuir.

Pendant qu’il s’abandonne au suave bien-être
Qui partout comme un baume apaisant le pénètre,
Et que, dans un linceul de joie enseveli,
La paupière abaissée il savoure l’oubli,
Le bonheur le plus vif, le plus doux, le plus rare,
Pour lui ravir les sens et le cœur, se prépare.
Stella, qu’il ne voit pas, debout à son côté.
Revêt une nouvelle et suprême beauté.

Elle n’est plus la femme à la grâce fragile,
Fleur pâle, ouvrage obscur de la terrestre argile,
Qui, sous des cieux changeans par la brume couverts,
Disputait sa fraîcheur à l’affront des hivers,
Et, battue âprement par la pluie et la bise,
Penchait sa tige frêle aux tourmentes soumise.
Vulnérable autrefois et mortelle, sa chair,
Offerte maintenant à la tiédeur de l’air,
S’y peut épanouir à l’aise, enfin rendue
A son moule éternel qui l’avait attendue.
Elle l’a tout à coup, du premier jet, rempli :
Un col fier, un front lisse à tout jamais sans pli,
Que ne courbera plus une vie inquiète.
De l’ancienne exilée ont ennobli la tête,
Et sur sa tempe court, délicat comme un fil.
Le bleuâtre réseau d’un sang vif et subtil.
Le trait de ses sourcils, déjà si pur, décore
La voûte de ses yeux d’un arc plus pur encore ;
L’azur de sa prunelle encor plus ingénu
Qui, sur terre déjà, montrait son âme à nu
A travers l’infini reflété, la dévoile
Plus sereine et plus neuve, inextinguible étoile
Que baigne avec douceur comme un soir qui descend
De ses longs cils soyeux l’ombrage caressant.
Aux senteurs qu’un Avril durable a composées
Palpitent de plaisir ses narines rosées ;
Une lueur d’ivoire avive le carmin
De ses lèvres qu’entr’ouvre un souris plus qu’humain.
Sa chevelure, au bord de l’oreille mignonne.
Comme un sable d’or fin qui ruisselle et rayonne,
Ondule étincelante, et jusques à ses pieds
Retombe, somptueuse, à flots multipliés,
Et sur ce rideau blond qui l’embaume et le flatte,
Son corps renouvelé, frais et splendide, éclate !

A sa voix, dont l’appel tinte mélodieux,
Faustus tourne vers elle à demi clos ses yeux.

Tel Adam se réveille étonné devant Eve,
Devant cette beauté que le bonheur achève
Il se dresse ébloui. L’idéal imprévu
Prend, comme son regard, son âme au dépourvu ;
Muet, dans sa stupeur peu s’en faut qu’il ne tremble,
Il blêmit, sa surprise à la frayeur ressemble.

STELLA.


Faustus, ne reconnais-tu pas
Ta véritable bien-aimée?
C’est elle, mais par le trépas
D’élémens divins reformée,
D’un souffle immortel ranimée,
Plus tienne encore que là-bas!

FAUSTUS.


Je contemple le beau céleste
Que l’ombre me dissimula ;
Le rayon qui le manifeste.
Oui, c’est bien ta grâce, ô Stella,
Ce que j’y rêvais, le voilà!
Tout ce que j’en aimais y reste.

STELLA.


Vois-le réalisé ! Dans notre ancien séjour
Ton songe sans figure attristait ton amour.

FAUSTUS.


Je sentais se mêler une angoisse inconnue,
Un vague et téméraire espoir
Au terrestre émoi de te voir.

STELLA.


Tu rêvais la Stella qui n’était pas venue,
Tu l’attendais sans le savoir.

FAUSTUS.


Je sentais ta beauté, dont une humble matière
Emprisonnait la floraison,
Chercher la céleste saison.

STELLA.


Vois, le lis est éclos, et sa candeur altière
A dépouillé toute prison!

FAUSTUS.


Je sentais vaguement plus haut que ma tendresse,
Dans les sanctuaires secrets,
Planer l’idéal de tes traits.

STELLA.


Déjà s’ouvrait ton cœur assez grand pour l’ivresse
Que si haut je lui préparais!

FAUSTUS.


Si grand ouvert qu’il soit, ta beauté le dépasse,
Il ne saurait la posséder,
Nul transport ne l’y peut aider...

STELLA.


Une aspiration qui jamais ne se lasse.
Quel idéal peut l’excéder?

La pudeur sur la terre est le refus que l’âme
Fait aux sens de mêler son amour à leur flamme
Avant d’être conquise et d’assurer ses droits.
Mais affranchie enfin des pudiques effrois.
L’âme, vêtue ici d’une chair éthérée.
Sœur des lèvres s’y pose, en paix désaltérée,
Et goûte une caresse où, ne sans déshonneur,
Le plaisir s’attendrit pour se fondre en bonheur.

FAUSTUS.


Quoi ! le bonheur inexprimable
Qui me semblait en vain promis
Par ta grâce accomplie, infiniment aimable.
Va m’être à tes genoux permis !

Par une âme, indigne étrangère,
Plus d’un beau corps fut habité.
Mais la forme chez toi n’était pas mensongère.
Elle m’a dit la vérité.

Ah! que de chères découvertes
Dans ta pure essence, aujourd’hui,
Par tes divins contours sont à mon cœur offertes,
Pour te révéler toute à lui!

STELLA.


Nous nous sommes choisis et nous sommes nos maîtres,
Tu m’as rejointe au ciel, la terre est loin de nous.

FAUSTUS.


Dans un hymen sublime unissons nos deux êtres!

STELLA.


Je m’abandonne entière, épouse, à mon époux.


SULLY PRUDHOMME.