Poésies érotiques (Parny)/Texte entier
POÉSIES
ÉROTIQUES,
PAR
M. le Chevalier de Parny.
À L’ISLE DE BOURBON.
——————
M. DCC. LXXVIII.
À ÉLÉONORE.
Aimer à treize ans, dites-vous, Égaré par un goût volage, Détache une feuille légère ; |
LE LENDEMAIN.
Tu l’as connu, ma chère Éléonore, Déjà ton sein doucement agité, Ce plaisir pur, dont un dieu favorable |
À ÉLÉONORE.
Dès que la nuit sur nos demeures
Planera plus obscurément ;
Dès que sur l’airain gémissant
Le marteau frappera douze heures ;
Sur les pas du fidèle Amour,
Alors les plaisirs par centaine
Voleront chez ma souveraine,
Et les voluptés tour-à-tour
Défileront devant leur Reine ;
Ils y resteront jusqu’au jour ;
Et si la matineuse aurore
Oublioit d’ouvrir au soleil
Ses larges portes de vermeil,
Le soir ils y seroient encore.
À LA MÊME.
Ô la plus belle des maîtresses, Hélas ! de mes conseils je me repens d’avance. |
À LA MÊME.
Au sein d’un azile champêtre Adieu l’œillet, adieu la rose ! |
À MA BOUTEILLE.
Viens, ô ma Bouteille chérie,
Viens enivrer tous mes chagrins.
Douce compagne, heureuse amie,
Verse dans ma coupe élargie
L’oubli des dieux & des humains.
Buvons, mais buvons à plein verre ;
Et lorsque la main du sommeil
Fermera ma triste paupière,
Ô Dieux, reculez mon réveil !
Qu’à pas lents l’aurore s’avance
Pour ouvrir les portes du jour :
Esclaves, gardez le silence,
Et laissez dormir mon amour.
À ÉLÉONORE.
T’en souviens-tu, mon aimable maîtresse, Il vit tes pleurs ; Morphée, à sa prière, De mes instans l’agréable partage |
À LA MÊME.
Oui, j’en atteste la nuit sombre Viens donc, ô ma belle maîtresse, |
À LA MÊME.
Dans ce moment les politesses,
Les souhaits vingt fois répétés,
Et les ennuyeuses caresses,
Pleuvent sans doute à tes côtés.
Après ces complimens sans nombre,
L’amour fidèle aura son tour :
Car dès qu’il verra la nuit sombre
Remplacer la clarté du jour,
Il s’en ira, sans autre escorte
Que le plaisir tendre et discret,
Frappant doucement à ta porte,
T’offrir ses vœux et son bouquet.
Quand l’âge aura blanchi ma tête,
Réduit tristement à glaner,
J’irai te souhaiter ta fête,
Ne pouvant plus te la donner.
À UN HOMME BIENFAISANT.
Cesse de chercher sur la terre
Des cœurs sensibles aux bienfaits ;
L’homme ne pardonne jamais
Le bien que l’on ose lui faire.
N’importe, ne te lasse pas ;
Ne suis la vertu que pour elle ;
L’humanité seroit moins belle,
Si l’on ne trouvoit point d’ingrats.
SOUVENIR.
Déjà la nuit s’avance, & du sombre Orient Et toi, vain préjugé, phantôme de l’honneur, Un long calme succède au tumulte des sens ; |
AU GAZON
foulé par Éléonore.
Trône de fleurs, lit de verdure, Ployez toujours avec souplesse, |
FRAGMENT D’ALCÉE,
Poète Grec.
Quel est donc ce devoir, cette fête nouvelle, Si ta bouche brûlante à la mienne attachée Sur l’immortalité ; rions de sa folie. |
DÉLIRE.
Rions, buvons, ô mes amis !
Occupons-nous à ne rien faire.
Laissons murmurer le vulgaire,
Le plaisir est toujours permis.
Que notre existence légère
S’évanouisse dans les jeux.
Vivons pour nous, soyons heureux,
N’importe de quelle manière.
Un jour il faudra nous courber
Sous la main du tems qui nous presse
Mais jouissons dans la jeunesse :
Et dérobons à la vieillesse
Tout ce qu’on peut lui dérober.
MADRIGAL.
Sur cette fougère où nous sommes,
Six fois, durant le même jour,
Je fus le plus heureux des hommes.
Nous étions seuls avec l’amour.
Sur les lèvres de mon amie
S’échappoit mon dernier soupir ;
Un baiser me faisoit mourir ;
Un autre me rendoit la vie.
LA RECHUTE.
C’en est fait, j’ai brisé mes chaînes, La bouche sourit mal quand les yeux sont en pleurs. Dans la nuit des erreurs fait briller sa lumière, |
À M. DE F.
Abjurant ma douce paresse,
J’allois voyager avec toi ;
Mais mon cœur reprend sa foiblesse ;
Adieu, tu partiras sans moi.
Les baisers de ma jeune Amante
Ont dérangé tous mes projets.
Ses yeux sont plus beaux que jamais ;
Sa douleur la rend plus touchante.
Elle me serre entre ses bras,
Des Dieux implore la puissance,
Pleure déjà mon inconstance,
Gémit, et ne m’écoute pas.
Viens, dit-elle ; un autre rivage
Nous attend au déclin du jour ;
Nous ferons ensemble un voyage,
Mais c’est au temple de l’Amour.
MA RETRAITE.
Solitude heureuse et champêtre,
|
VERS
gravés sur un Myrte.
Myrte heureux, dont la voûte épaisse
Servit de voile à nos amours,
Reçois & conserve toujours
Ces vers enfans de ma tendresse ;
Et dis à ceux qu’un doux loisir
Amènera dans ce bocage,
Que si l’on mouroit de plaisir,
Je serois mort sous ton ombrage.
À ÉLÉONORE.
Ô toi, qui fus mon écolière Me rende une santé nouvelle. |
À LA MÊME,
sur son refroidissement.
Ils ne sont plus, ces jours délicieux Où j’y trouvois cette molle langueur, |
À UN MYRTE.
Bel arbre, je viens effacer
Ces noms gravés sur ton écorce,
Qui par un amoureux divorce
Se reprennent pour se laisser.
Ne parle plus d’Éléonore ;
Rejette ces chiffres menteurs ;
Le tems a désuni les cœurs
Que ton écorce unit encore.
À M. DE F.
Corrigé par tes beaux discours Je le reconnus aisément. |
DEMAIN,
À Euphrosine.
Vous m’amusez par des caresses, Mais le tems, du bout de son aîle, |
À UN AMI
trahi par sa Maîtresse.
Quoi, tu gémis d’une inconstance ; Sur les richesses des vallons, Donne tes sens, retiens ton ame. |
À AGLAÉ.
Tu me promets d’être constante,
Et tu veux qu’aux pieds des autels
Nous formions des nœuds solemnels !
Aglaé, ta flâme est prudente.
Eh bien ! d’un éternel amour
Je fais le serment redoutable,
Si tu veux jurer à ton tour
D’être à mes yeux toujours aimable.
MA MORT.
De mes pensers confidente chérie, Si tu fais plus, & si mon humble Lyre Lorsque mes mains tâcheront d’essuyer Plus que jamais, ingrate Éléonore, |
AUX INFIDELLES.
À vous qui savez être belles, Le tourbillon qui vous entraîne |
L’HEURE DU BERGER.
Hier Lisette
Salut à vous, Et le devoir Vint la trahir,
|
À M. BERTIN.
Crois-moi ; la brillante couronne Aux écrits pompeux du Mercure, |