Poésies (Éphraïm Mikhaël)/Prologue pour une Comédie enfantine

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PROLOGUE


POUR UNE COMÉDIE ENFANTINE




Dames et seigneurs, je vous mène
De joyeux et naïfs acteurs :
Nous n’avons ni triste Chimène
Ni capitans provocateurs.

Pas même Arlequin ni Cassandre ;
Et la Colombine aux yeux doux,
Malgré sa voix rieuse et tendre,
Est encor trop grave pour nous.


Nous sommes des ducs et des comtes
En noble manteau de velours,
Et des rois comme ceux des contes,
Et des gardes aux sabres lourds.

Mais nous traînons nos broderies
Dans la rosée et les gazons,
Aimant les grands lys des prairies
Plus que les lys de nos blasons.

Parmi les prêles et les berles
Nous courons, princes puérils,
Qui préférons les nids de merles
Aux joyaux d’or et de béryls.

Et malgré perruques Régence,
Bas de soie et gants parfumés,
Las ! nos acteurs ont peu de chance
De vous plaire ; car vous aimez

Plus que nos rois pilleurs de mûres
Les seigneurs qui disaient tout bas
Aux dames, en de lents murmures,
Des mots que nous ne savons pas.

. . . . . . . . . . . . . .


. . . . . . . . . . . . . .


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Pourtant il vous faut, nobles dames,
Oubliant les vers triomphants,
Écouter sans rire les drames
De nos comédiens enfants.

Car, malgré vos mélancolies,
Vous écoutez bien quelquefois
Tous ces grands diseurs de folies,
Nos amis les oiseaux des bois.


1885.