Poésies (1820)/Élégies/Le Ruban

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PoésiesFrançois Louis (p. 25-26).


LE RUBAN.


Cette couleur, autrefois adorée,
Ne doit plus être ma couleur ;
Elle blesse mes yeux, elle attriste mon cœur,
En retraçant l’espoir qui m’avait égarée.
Pour un objet plus frivole que moi,
Reprenez ce lien qui n’a rien de durable ;
Celui qui m’enchaîna long-temps sous votre loi
Ne me parut que trop aimable !
Il est brisé par vous, et brisé sans retour ;
Faut-il en rappeler le souvenir pénible !
Oubliez que je fus sensible,
Je l’oublîrai peut-être un jour !
Je pardonne à votre inconstance
Les maux qu’elle m’a fait souffrir ;
Leur excès m’en a su guérir :
C’est à votre abandon que je dois l’existence.
J’ai repris le serment d’être à vous pour toujours ;
Mais mon âme un instant fut unie à la vôtre ;
Et, je le sens, jamais un autre
N’aura mes vœux, ne fera mes beaux jours !

Ces jours consacrés à vous plaire,
Ces vœux, si tendres et si doux,
Et toujours inspirés par vous,
Désormais qu’en pourrai-je faire ?
Aime-t-on dès qu’on veut aimer ?
Si je trouve un amant plus fidèle et plus tendre,
Mieux que vous il saura m’entendre ;
Mais comme vous saura-t-il me charmer ?
Pourquoi feignez-vous de le croire ?
Vous offensez l’amour, en accusant mon cœur ;
Ah ! cet amour eût fait ma gloire,
S’il avait fait votre bonheur !
Votre bonheur, hélas ! sera d’être volage ;
Vous séduirez encor dès qu’on vous entendra ;
Vous ferez le tourment de qui vous aimera ;
Et déjà dans mes vers j’ai tracé votre image :

« Aussi léger que prompt à s’enflammer,
« De l’amour, en riant, il inspire l’ivresse ;
« Mais pourquoi, quand son amour cesse,
« Ne cesse-t-on pas de l’aimer ? »