Poésies (Amélie Gex)/Réveil
RÉVEIL
Le matin rit sous la tonnelle
Où les linots ont fait leurs nids,
Et dans les bois encore brunis
Zéphir chante une villanelle ;
Compagnon doux et familier
De l’écolier,
Sur l’aubépine en sentinelle,
Le merle entonne, ex-professo,
D’un allegro
La ritournelle.
Hibou, chouette
Sont tous reclus ;
Chez l’alouette
On ne dort plus.
La poule glousse
Dans le courtil,
Tout se trémousse :
L’herbe et la mousse
Causent d’avril.
Voix forte ou frêle,
Rire et bruit d’aile,
Tout entremêle
Son gai babil !…
Dans le val, sous leur robe grise,
Tremblent les frêles peupliers ;
On voit courir les chevriers
Parmi les buissons de cytise…
Quittant sa toque de brouillard,
D’un air gaillard,
Soleil frappe au volet de Lise ;
La belle, en simple cotillon,
Ouvre au rayon
Qui la courtise.
Filant plus vite
Que le boulet,
Le lièvre quitte
Le serpolet ;
La peur talonne
Le fugitif,
Qu’on lui pardonne
Le cor entonne,
Sous le massif,
Galop de chasse,
Sombre menace
Qui serre et glace
Son cœur craintif.
On entend gronder la fermière
Qui déjà rôde en sa maison ;
Le troupeau, sautant la cloison,
Va faire école buissonnière…
Le berger, suivi de son chien,
Vaillant soutien,
Court après la gent moutonnière
Qui, narguant le fouet et la dent,
S’en va tondant
La luzernière.
Voix nonchalante
Monte du lac ;
Le passeur chante
Guidant son bac ;
Canards sauvages,
À leur réveil,
Dans les herbages,
Le long des plages,
Tiennent conseil ;
Souple et changeante,
La vague lente
Semble, indolente,
Rire au soleil !…