Poésies de Marie de France (Roquefort)/Fable XLIX

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FABLE XLIX.

Dou Leu qi cuida de la Lune ce fust un Fourmaige[1].

[a]Dun Los cunte qi une nuit[2]
Esteit alez en sun déduit ;
Lez une mare trespassa
E qant dedenz l’aigue esgarda,
L’umbre de la Lune a weu,
Mès ne sot mie ce que ce feu.
Puis s’apensa en sun curaige
Que ce esteit un grant Furmaige[3].
L’aive commenca à laper ;
Très-bien quida en sun penser,10

[b]Que se l’iawe fust un po menre[4],
Que le Fourmage péust penre.
Tant en a beu que il creva
Iluec chaï, puis n’en leva.

MORALITÉ.

Qant Fox espoire outre sun dreit
E outre ce qe faire deit,
D’aveir toutes ses volantez,
Si en est morz et affolez.


  1. La Fontaine, liv. VIII, f. 25. Les deux Chiens et l’Ane.
    Lockman, fab. xxxvi.
    AEsop, fab. 211.
  2. Dans quelques manuscrits cette fable est intitulée : du Goupil.
  3. Un loup pendant la nuit étant sorti pour chercher sa nourriture passa près d’une mare ; regardant l’eau, il aperçut l’ombre de la lune qui s’y réfléchissoit et il la prit pour un fromage.
  4. Que si la quantité d’eau étoit moins considérable.
Variantes.
  1.  

    D’un Leu dist ci qu’à mienuit
    Jà retornoit à son déduit,
    Desor une mer a trespassé
    Sur une iawe a esgardé.

  2. Que l’aive el marais estoit mendre.