Poésies (Poncy)/Vol. 1/À ma jalouse

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PoésiesI (p. 109-110).

À MA JALOUSE



Quels crimes me fais-tu ? « Je me plais à fumer !
« Je ne fais rien pour toi ! Je ne sais pas aimer !…

Jalouse jusque d’un cigare !
C’est bien vainement s’alarmer !

Dans le monde d’azur où son parfum m’égare,

Tous mes espoirs sont embellis.

J’y compose les chants que le soir je te lis,

Et cette innocente fumée
Qui me fait poète pour toi,
Devrait certes, ma bien-aimée,
Te plaire au moins autant qu’à moi !

Oh ! qu’elle soit le seul nuage
Qui s’élève entre notre amour.
Tu la chérirais à ton tour

Si de tous nos bonheurs je t’y montrais l’image.

Un doigt mystérieux y peint notre avenir.
Comme elle s’arrondit dans l’air où son flot nage !
Vois, ne dirait-on pas l’anneau de mariage

Qui doit quelque jour nous unir ?


Maintenant, par le vent chassée,
Et formant un plus large rond,
Elle vient poser sur ton front
La couronne de fiancée !

Puis n’offre-t-elle pas l’image des beaux jours,
Qui, pareille à son flot, s’efface et se déchire ?

Ne semble-t-elle pas nous dire :

Videz, enfants heureux, la coupe des amours,
Avant que les soucis n’en tarissent le cours ?

Ah ! pour notre bonheur, que cet oracle mente.
Laisse-moi le cigare, ô jalouse charmante !
Puisqu’il est envers toi vierge de tout larcin,

Puisqu’au contraire il alimente

La lyre sous mes doigts et l’amour dans mon sein.