Poésies (Poncy)/Vol. 1/À madame J. G***

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PoésiesI (p. 176-177).

À MADAME J. G…


Une nuit que la mer se tordait de délire,
Il s’était dit, debout sur le pont du navire :
« Qui sait si le bonheur n’éclaire pas celui
« Qui des ouragans noirs brave et dompte la rage ?
Mais il avait contre eux épuisé son courage,

Et le bonheur n’avait pas lui.

Un jour qu’un calme plat berçait la mer heureuse,
Il s’était dit, pendant que la vague amoureuse
De ses lèvres d’azur baisait le rocher nu :
« Qui sait si le bonheur n’est pas dans la paresse ? »
Mais il s’était en vain plongé dans cette ivresse :

Le bonheur n’était pas venu.

Une autre fois, épris des splendeurs de la Grèce,
Il se dit, le cœur plein de pieuse allégresse :
« Peut-être le bonheur dort sur ce bord sacré ! »
Mais, hélas ! il revint de ce pèlerinage
Plus brisé qu’on ne l’est quand on souffre à son âge.

Il ne l’avait pas rencontré !

Et toujours ce bonheur, idole décevante,
Cet idéal fuyait ses jours vieux d’épouvante.
Mais un soir qu’il priait le ciel à deux genoux,
Il vit vers lui descendre une lumière étrange ;
Ses bras, contre son sein, étreignirent un ange :

L’ange et le bonheur c’était vous.



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