Poésies badines et facétieuses/La jouissance

La bibliothèque libre.

LA JOUISSANCE.


Amour ! qu’injustement j’ai blâmé ton empire !
Des maux que j’ai soufferts, ai-je dû m’offenser,
Quand tu viens de récompenser
D’un moment de plaisir, un siècle de martyre ?
J’ai fléchi mon Iris après de longs soupirs ;
Ce cher objet de mes désirs,
Cette sensible Iris, cette Iris si farouche,
Dans mille ardents baisers, vient de plonger mes feux !
Mon âme tout entière a volé sur sa bouche.
J’ai savouré la fraîcheur
De ses lèvres demi-closes ;
Sa bouche avait la couleur
Son haleine avait l’odeur
Et le doux parfum des roses.
Je ressentis alors une douce langueur
s’emparer de mes sens et couler dans mon cœur.
D’amour et de plaisir, nos yeux étincelèrent !
Mon cœur en tressaillit, nos esprits s’allumèrent ;
Et livrés l’un et l’autre, à nos emportements,
Nous cherchâmes le sort des plus heureux amants.
Sans voix, sans mouvement, mon Iris éperdue,
Laissait mille beautés, en proie à mon ardeur !!…
Comme elle oubliait sa rigueur,
J’oubliais lors ma retenue :
Et je me souviens seulement
Que dans ce bienheureux moment,

Par un excès d’ardeur, nos forces suspendues,
Nos corps entrelacés, nos âmes confondues,
Nous ont laissés livrés, aux plaisirs les plus doux,
inconnus aux mortels moins amoureux que nous !