Poésies badines et facétieuses/Le débauché converti

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LE DÉBAUCHÉ CONVERTI.


Puissant médiateur, entre l’homme et la femme,
Qui, du plaisir secret, nous ourdissez la trame :
Des feux de Prométhée, ardent dispensateur,
Et de la gent humaine éternel créateur ;
Portassiez-vous encore un plus superbe titre,
Du bonheur de mes jours, vous n’êtes plus l’arbitre !
Ce plaisir violent, dont je fus enchanté,
D’un tourment de six mois est trop cher acheté.
Qu’un autre que moi, coure après ce vain fantôme,
J’en connais le néant, grâce à monsieur Saint Côme ;
Et ses sacrés réchauds, sont l’utile creuset,
Où, l’or faux du plaisir m’a paru tel qu’il est.

J’ai ruminé ces maux, que sur son lit endure,
Un pauvre mulassier tout frotté de mercure :
Des conduits salivant, quand les pores ouverts,
Du virus repoussé, filtrent les globes verts ;
Quand sa langue, nageant dans des flots de salive,
Semble un canal impur où coule une lessive.
Ah ! que sur son grabat se voyant enchaîné.
Un ribaud voudrait bien n’avoir pas dégaîné !
Qu’il déteste l’instant, où sa pompe aspirante,
Tira le suc mortel de sa cruelle amante !…
L’œil cave, le front ceint du fatal chapelet,
Le teint pâle et plombé, le visage défait,
Les membres décharnes, une joue allongée,
Sa planète atteignant son plus bas périgée ;

Alors avec David il prononce ces mots :
« La vérole, mon Dieu, ma criblé jusqu’au os ! »
Car, par Malum, David entend l’humeur impure
Qu’il prit d’Abigaïl, comme je conjecture :
D’autant que cette femme, épouse de Nabal,
De son mari, pouvait avoir gagné ce mal.
Ce Nabal, en effet, est peint au saint volume,
Tel qu’un compagnon propre au poil comme à la plume ;
Et qui, quand il trouvait fille de bonne humeur,
De ses bubons enflés méprisant la tumeur,
Lui faisait sur le dos faire la caracole,
Eût-il été certain de gagner la vérole.
Aussi, je suis surpris, que David, ce grand clerc,
Au fait d’Abigaïl, ait pu voir si peu clair ;
Certes, besoin n’était d’être si grand prophète,
Ni d’avoir sur son nez la divine lunette,
Pour voir que de Nabal, tout le sang corrompu,
Ayant poivré le flanc qui s’en était repu,
C’était nécessité que son hardi Priape
Eût la dent agacée en mordant à la grappe.
Mais quoi, vit-on jamais raisonner un paillard ?
Il prit, les yeux fermés, ce petit mal gaillard,
Dont quelque temps après, sa flamberge en furie,
Enticha le vagin de la femme d’Urie…

De mes ébats aussi, j’ai tiré l’usufruit ;
Mais grâce au vif argent, mon virus est détruit ;
Mon sang purifié coule libre en mes veines,
Et deux globes malins ne gonflent plus mes aines ;
Du trône du plaisir, les pores resserrés,
Ne laissent plus couler, mille sucs égarés,

Et ce moine velu, avec prépuce en froque,
De trois rubis rongeurs, voit dérougir sa toque.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Triste et funeste coup ! Pouvais-je le prévoir

Qu’une fille si jeune eût pu me décevoir ?
Deux lustres et demi qu’un an à peine augmente.
Voyaient bondir les monts de sa gorge naissante ;
Un cuir blanc et poli, mais élastique et pur,
Tapissait le contour de son jeune fémur ;
À peine, un noir duvet, de sa mousse légère
Couvrait l’antre sacré, que tout mortel révère !
Les couleurs de l’aurore éclataient sur son teint ;
Elle aurait fait hennir le vieux moufti latin !…
Un front dont la douceur à la fierté s’allie,
La firent à mes yeux, plus vierge qu’Eulalie :
Aussi, combien d’assauts fallut-il soutenir,
Avant que d’en pouvoir à mon honneur venir !
À mon honneur ! je faux… disons mieux : à ma honte !
Après deux mois d’égards, de soupirs, je la monte.
Dieux ? quelle volupté, quand sur elle étendu,
Je pressurais le jus de ce fruit défendu !…
Sa gaine assez profonde, en revanche peu large.
Entr’elle et mon acier ne laissait point de marge
Le piston à la main, trois fois mon Jean-Chouard,
Dans ces canaux ouverts, seringua son nectar ;
Et trois fois la pucelle, avec reconnaissance,
Voitura dans mon sang, sa vérolique essence…
Mais quoi ! ma passion s’enflamme à ce récit ;
De mes tendons moteurs, le tissu s’étrécit,
Mes esprits, dans mes nerfs, précipitent leur course,
Et de la volupté courent ouvrir la source.

Quoi donc ! irais-je, en proie à de vils intestins,
De mes os ébranlés, empirer les destins ?
Irais-je sur ces mers, fameuses en naufrages,
Nautonier imprudent, affronter les orages,
Moi qui, comme Jonas, qu’un serpent engloutit
Ai servi de pâture à l’avide Petit ?
Non ; de la chasteté, j’atteins enfin la cime ;
La, je rirai devoir cette pâle victime,
Que la fourbe Vénus place sur ses autels,
Traîner les os rongés de ses poisons mortels.

Que le ciel, si jamais je vogue sur ce gouffre,
Fasse pleuvoir sur moi le bitume et le soufre !
Que l’infamant rasoir qui tendit Abailard
Me fasse de l’eunuque arborer l’étendard !
Si jamais, énivré. — fût-ce d’une pucelle,
Mon frocard étourdi, saute dans sa nacelle !
Tout visage de femme, à bon droit, m’est suspect ;
Quiconque a salivé, doit fuir à son aspect.
Oui, m’offrît-on le choix des onze mille vierges,
Jamais leurs feux sacrés n’allumeraient mes cierges !
Le jaloux ottoman, m’ouvrît-il son sérail,
Quand j’y verrais à nu, l’albâtre et le corail,
Briller ces beaux cons qu’embellit la nature,
Mon Priape serait un Priape en peinture !!!
Je dis plus : quand le ciel, exprès de mon côté,
Tirerait la plus rare et plus sainte beauté,
Dieu sait si la chaleur de cette nouvelle Ève
Dans mes muscles allongés ferait monter la sève !
Beau sexe, c’en est fait ; vos ébats séducteurs
Ne me porteront plus vos esprits destructeurs ;
Je fuirai désormais votre espèce gentille,

Ainsi qu’aux bords du Nil, on fuit le crocodile.
Il est temps de penser à faire mon salut ;
L’âme se porte mal quand le corps est en rut.
Lorsque l’affreuse mort, au sec et froid squelette.
M’aura, devant le juge, assis sur la sellette,
Cent mille coups de cul, ne me sauveront pas
Du foudroyant arrêt de l’éternel trépas.
C’est vous, qui le premier, avez fait tomber l’homme
Par l’attrait séducteur de la fatale pomme ;
Mais vos culs, dans l’abîme, en ont plus descendus
Que n’auraient jamais fait, tous les fruits défendus.
C’est avec vos filets, que Satan nous attrape ;
C’est vous, qui nous poussez sur l’infernale trappe :
Vous séduiriez, morbleu ! je crois, tous les élus !
Adieu, beau sexe, adieu, vous ne me tentez plus !!!