Poésies complètes de Jules Laforgue/Les Complaintes/Complainte des Consolations

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Poésies complètesLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 74-75).


COMPLAINTE
DES CONSOLATIONS


Quia voluit consolari.


Ses yeux ne me voient pas, son corps serait jaloux ;
Elle m’a dit : « monsieur… » en m’enterrant d’un geste ;
Elle est Tout, l’univers moderne et le céleste.
Soit ! draguons donc Paris, et ravitaillons-nous,
Tant bien que mal, du reste.

Les Landes sans espoir de ses regards brûlés,
Semblaient parfois des paons prêts à mettre à la voile…
Sans chercher à me consoler vers les étoiles,
Ah ! Je trouverai bien deux yeux aussi sans clés,
Au Louvre, en quelque toile !


Oh ! qu’incultes, ses airs, rêvant dans la prison
D’un cant sur le qui-vive au travers de nos hontes !…
Mais, en m’appliquant bien, moi dont la foi démonte
Les jours, les ciels, les nuits, dans les quatre saisons
Je trouverai mon compte.

Sa bouche ! à moi, ce pli pudiquement martyr
Où s’aigrissent des nostalgies de nostalgies !
Eh bien, j’irai parfois, très sincère vigie,
Du haut de Notre-Dame aider l’aube, au sortir,
De passables orgies.

Mais, Tout va la reprendre ! — Alors Tout m’en absout.
Mais, Elle est ton bonheur ! — Non ! je suis trop immense
Trop chose. Comment donc ! mais ma seule présence
Ici-bas, vraie à s’y mirer, est l’air de Tout :
De la Femme au Silence !