Poésies de Madame Deshoulières/17

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Théophile Berquet, Libraire (p. 48-49).

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Stances.

 ! que te sert, Amour, de me lancer des traits,
N’ai-je pas reconnu ta fatale puissance ?
Ne te souvient-il plus des maux que tu m’as faits ?
Laisse-moi dans l’indifférence,
À l’ombre des ormeaux, vivre et mourir en paix.

Souvent dans nos plaines fleuries,
Je mêle avec plaisir mes soupirs à mes pleurs.
Le chant des rossignols, les déserts enchanteurs,
Le murmure des eaux et l’émail des prairies,
Mon chien sensible à mes douleurs,
Mes troupeaux languissans, ces guirlandes de fleurs
Que le temps, mes soupirs et mes pleurs ont flétries
Don cher et précieux du plus beau des pasteurs,
Tout nourrit avec soin mes tendres rêveries.

Éloigne-toi, cruel, de ces lieux fortunés,
La paix y règne en ton absence :
Ne trouble plus par ta présence
Les funestes plaisirs qui me sont destinés.
Rassemble en d’autres lieux tes attraits et tes charmes ;
Mon cœur n’en sera point jaloux.
Non, je n’enivrai point ces secrètes alarmes
Dont tu rends quand tu veux le souvenir si doux.
Mon chien et mes moutons, chers témoins de mes larmes
J’en atteste les dieux, je n’aimerai que vous.