Poésies de Marie de France (Roquefort)/Fable XCIII

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Traduction par B. de Roquefort.
Poésies de Marie de France, Texte établi par B. de RoquefortChasseriautome II (p. 372-373).

FABLE XCIII.

Dou Corbel[1].

Ci vus racunte d’un Corbel
Ki enseigneit un sien Oisel ;
Si ne deveit nul Hum atendre
K’il volsist encunbrer ne prendre.
S’Ome véist bessier à terre[2],
Prenre bastun, ou pierre querre,
[a]Dunc s’en devreit aillurs voler,
Qe cil ne le puist encumbrer.
Se jou n’el voi, fet-il, beiissier.
N’entre ses mains riens manoier[3]10
Doi-jou me dunques remuer ?

[b]Li Corb respunt : lais-me ester[4],
Jeo ne te deis mie ensengnier
Car tu n’en as noient mestier[5].
Vole par toi et si t’aïe[6],
Or n’ai mès doute de ta vie ;
A mes autres Oiseax irai,
A mun pooir lur aiderai.

MORALITÉ.

Par cest essanple nus dit tant,
Qant Hum a nurri sun enfant20
Qu’il le veit saige et veisié.
Le cuer en a joiant et lié ;
A sun cunssel le deit lessier
E puis les autres cunseillier.


  1. Le Grand d’Aussy, Fabliaux in-8o, tom. IV, p. 181.
  2. S’il voyoit un homme s’abaisser pour ramasser un bâton ou une pierre.
  3. N’avoir rien entre ses mains.
  4. Laisse-moi en repos.
  5. Aucunement besoin.
  6. Vole tout seul et aide-toi.
Variantes.
  1. Anchois alast aillors aler,
    Qu’il ne peust prendre, n’encombrer.

  2. Li Corbeax dit : lai-moi m’ester.
    Vole partout.