Poésies de Schiller/La Danse
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LA DANSE.
Voyez ces jeunes couples tournoyer dans la valse gracieuse. Leurs pieds rapides effleurent à peine le sol. Sont-ce des ombres fugitives délivrées du fardeau des corps, ou des génies qui poursuivent leurs danses aériennes aux rayons de la lune ? Légers comme la vapeur incertaine que le souffle du vent balance dans les airs, comme la barque qui se balance sur une onde argentée, leurs pas suivent avec art les cadences de la musique.
Tout à coup un couple hardi s’élance au milieu des rangs épais. Il veut se frayer un passage, une main magique ouvre le chemin devant lui et le referme aussitôt. Le voilà qui disparaît à nos yeux, et l’élégant assemblage ressemble à une œuvre de confusion ; mais l’ordre joyeux se rétablit, le nœud se délie, la symétrie reparaît avec un charme nouveau. Sans cesse brisée elle renaît sans cesse, une loi certaine dirige ses changements continuels. Comment ces mouvements se renouvellent-ils ainsi, comment le repos apparaît-il encore dans ces groupes mobiles ? Comment, en n’obéissant qu’à l’instinct du plaisir, chacun dans ces bonds impétueux suit-il la ligne qu’il doit suivre ? Veux-tu le savoir ? C’est la puissance de l’harmonie qui fait de ces bonds impétueux une danse agréable, qui, pareille à Némésis, conduit et gouverne avec le frein doré du rhythme le plaisir turbulent. Ô homme, et les harmonies des mondes raisonnent en vain autour de toi, tu n’entends pas leur accord sublime, tu n’entends pas la mélodie des êtres et le mouvement des astres brillants qui poursuivent leur route dans l’espace. Tu oublies dans tes actions l’ensemble harmonieux que tu respectes dans tes jeux.