Poésies et Œuvres morales (Leopardi)/Poésies/XXVIII

La bibliothèque libre.


Traduction par F. A. Aulard.
Alphonse Lemerre, éditeur (Tome deuxièmep. 49).

XXVIII

À LUI-MÊME[1].


Maintenant tu te reposeras pour toujours, mon cœur fatigué. Elle a péri, l’erreur suprême que j’ai crue éternelle pour moi. Elle a péri. Je sens bien qu’en nous des chères erreurs non seulement l’espoir, mais le désir est éteint. Repose-toi pour toujours. Tu as assez palpité. Aucune chose ne mérite tes battements, et de tes soupirs la terre n’est pas digne. Amertume et ennui, voilà la vie : elle n’est rien d’autre : le monde n’est que fange. Repose-toi désormais. Désespère à jamais. À notre race le destin n’a donné que de mourir. Méprise désormais et toi-même et la nature et le pouvoir honteux et caché qui ordonne la ruine de tous et l’infinie vanité de tout.



  1. Cette pièce et les quatre suivantes ont été publiées en 1836.