Poésies inédites (Marceline Desbordes-Valmore)/Dernière entrevue

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Poésies inédites, Texte établi par Gustave RevilliodJules Fick (p. 29-30).


DERNIÈRE ENTREVUE.


Attends, nous allons dire adieu :
Ce mot seul désarmera Dieu.

Les voilà ces feuilles brûlantes
Qu’échangèrent nos mains tremblantes ;

Où l’amour répandit par flots
Ses cris, ses flammes, ses sanglots.

Délivrons ces âmes confuses,
Rendons l’air aux pauvres recluses.

Attends, nous allons dire adieu :
Ce mot seul désarmera Dieu.

Voici celle qui m’a perdue…
Lis ! Quand je te l’aurai rendue,

De tant de mal, de tant de bien,
Il ne me restera plus rien.


Brûlons ces tristes fleurs d’orage,
Moi, par effroi ; toi, par courage.

Elles survivraient trop d’un jour
Au naufrage d’un tel amour.

Par pitié, sois-nous inflexible !
Pour ce sacrifice impossible,

Il fallait le secours des cieux,
Et les regarder dans tes yeux !

Contre toi le sort n’a plus d’armes ;
Oh ! ne pleure pas… bois mes larmes !

Lève au ciel ton front abattu ;
Je t’aime à jamais : le sais-tu ?

Mais te voilà près de la porte…
La terre s’en va… je suis morte !…

Hélas ! je n’ai pas dit adieu…
Toi seul es sauvé devant Dieu !


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