Poésies inédites (Marceline Desbordes-Valmore)/La Petite Pleureuse à sa mère

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LA PETITE PLEUREUSE, À SA MÈRE


On gronde l’enfant
À qui l’on défend
De pleurer quand bon lui semble ;
On dit que les fleurs
Sèchent bien des pleurs…
Tu mêles donc tout ensemble ?

Oui, maman, je t’ai vue avec ton air joyeux,
Le rire sur la bouche et les larmes aux yeux.
 
Au bal, sous ses bouquets, j’ai vu pleurer ma mère.
J’ai baisé cette larme, elle était bien amère.

Viens que je te console. Avais-tu trop dansé ?
Moi, je ne gronde pas ! Moi, quand mon pied lassé
Me défend d’être bien aise,
L’ennui qui me prend
M’arrête en courant,
Et je m’endors sur ma chaise.

Oh ! si je viens encor pleurer sur tes genoux,
Maman, ne me dis plus : « Vous n’êtes pas gentille ! »
Dansons, quand nous pouvons, ou pleurons entre nous,
Mais ne nous grondons pas : vois-tu, je suis ta fille,
Et je t’aime, et je vais prier Dieu tous les jours
De m’égayer beaucoup pour t’égayer toujours !
Embrasse donc bien fort ta petite chérie,
Et jamais, plus jamais ne dis : « vous »…, je t’en prie !
Ainsi consolons-nous et donnons-nous la main :
Si nous pleurons ce soir, va ! nous rirons demain !


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