Poésies inédites (Marceline Desbordes-Valmore)/Le faneur et l’enfant
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LE FANEUR ET L’ENFANT.
Eh ! pourquoi pleures-tu ? ta colombe était vieille…
Vieille !
Elle allait perdant les ailes et les yeux ;
Elle ne trouvait plus son chemin vers les cieux,
Ni le froment de sa corbeille.
Il fallait la porter dans l’arbre au grand soleil,
Lui puiser l’eau du jour, la nourrir graine à graine ;
Elle avait toujours froid et se traînait à peine
De l’hiver à l’été vermeil.
Ma colombe !…
Elle nous rendait sourds à force de gémir.
Elle avait fait son temps. Toi, tu pourras dormir.
Ou gambader par la prairie.
Va courir, va ! Sèche tes pleurs !
Hier elle essayait de me tendre les ailes.
Hier n’est plus. L’air bleu fourmille d’étincelles,
Et les buissons sentent les fleurs.
Le monde est tout changé !
Pourquoi ne prends-tu pas ce qu’il met devant toi ?
Pourquoi lui demander ce qu’il n’a plus ? Pourquoi
Pleurer un vieil oiseau !
Je l’aime.
Viens en chercher un autre ; il en pleut dans les blés.
On marche sur des nids, puis on en trouve encore.
Dieu le veut : des oiseaux sont toujours près d’éclore
Quand les oiseaux sont envolés.
Viens voir dans les sillons !…
Ma colombe viendra tous les soirs, tous les jours.
Elle était ma colombe, et je la veux toujours !
Vois-tu ce tas de fleurs ? c’est sa petite tombe ;
J’y reste.
Pourquoi faire ?
Faneur, ne sais-tu pas que rien ne doit mourir ?
Ce serait beau, mais quoi !…
Qui me dit de le croire et qui veut que j’espère.
J’en vois voler vers nous…
Adieu, faneur, adieu.
Tu ne veux pas les prendre ?
Ô ma colombe ! ô Dieu !