Poésies nouvelles (Tastu)/Le Christ au tombeau
LE CHRIST AU TOMBEAU.
d’après le tableau
de m. SIGNOL, élève de rome.
Seigneur, Seigneur ! se peut-il que l’on meure ?
Quittez enfin cette étroite demeure,
Venez à nous !
Christ, Fils de Dieu, né du sein d’une femme,
Qu’attend le ciel, que la terre réclame,
Réveillez-vous !
Le Christ est au tombeau ! je l’ai vu ! du saint voile
Une invisible main a déchiré la toile ;
Une nuit lamentable a couvert Golgotha ;
Les morts ont secoué leur vêtement de pierre,
Et tout ce jour, de peur de souiller sa lumière,
Le soleil s’arrêta !
J’ai moi-même à ce Juste apporté le calice ;
J’ai suivi tous ses pas de supplice en supplice ;
J’ai vu son front en sang et sa chair en lambeau.
L’immuable justice, en son arrêt sévère,
N’a dû, vous le saviez, s’apaiser qu’au Calvaire :
Le Christ est au tombeau !
Seigneur, Seigneur ! se peut-il que l’on meure ?
Quittez enfin cette étroite demeure,
Venez à nous !
Christ, Fils de Dieu, né du sein d’une femme,
Qu’attend le ciel, que la terre réclame,
Réveillez-vous !
Marthe ! de tes travaux où sera le salaire ?
À quel maître, ô Marie ! es-tu sûre de plaire ?
Lazarre ! si tu meurs, qui te rendra le jour ?
Quel divin protecteur, fragile pécheresse,
À tes pleurs indulgent, couvrira ta faiblesse
De son sublime amour !
Sous quelle main, hélas ! de leur bercail chassées,
Viendront se réunir les brebis dispersées ?
Le pasteur immolé, que devient le troupeau ?
Qui, de l’âme et du corps, guérira la souffrance ?
Qui parlera de foi, d’amour et d’espérance ?…
Le Christ est au tombeau !
Seigneur, Seigneur ! se peut-il que l’on meure ?
Quittez enfin cette étroite demeure,
Venez à nous !
Christ, Fils de Dieu, né du sein d’une femme,
Qu’attend le ciel, que la terre réclame,
Réveillez-vous !
Je pleure, ô Tout-Puissant, d’être l’un de vos anges !
L’homme ne comprend point ces tristesses étranges,
Votre Christ, est-il dit, renaîtra dans trois jours ;
Mais, pour un de ces jours où vous créez les mondes,
Sait-il, Seigneur, combien il faut de ces secondes,
Qu’il appelle : Toujours ?
Quel feu va succéder au feu de l’auréole ?
Quelle loi, remplacer la sainte parabole ?
Le monde est-il laissé sans guide et sans flambeau ?
Sur l’abîme grondant, l’homme tournoie et flotte ;
Le port demande un phare, et la nef un pilote !
Le Christ est au tombeau !
Seigneur, Seigneur ! se peut-il que l’on meure ?
Quittez enfin cette étroite demeure,
Venez à nous !
Christ, Fils de Dieu, né du sein d’une femme,
Qu’attend le ciel, que la terre réclame,
Réveillez-vous !…