Poésies nouvelles (Tastu)/Le Temps pascal

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Poésies nouvellesDidier, Libraire-Éditeur (p. 107-111).

LE TEMPS PASCAL.

Ô cloche, dont le son frappe les airs lointains,
Tu rappelles mon âme à ses premiers destins.

N. Lemercier.


Chrétien, la cloche t’appelle,
Viens donc, viens donc,
Viens prier à la chapelle,
Viens chercher le saint pardon.

C’est pour l’Église romaine
L’instant du deuil et des pleurs,
Que cet instant qui ramène
Aux champs leurs mille couleurs ;
Là, tous les cœurs se découvrent,
Là toutes les fleurs s’entr’ouvrent,
Le saint temps rend à la fois
Aux autels leurs vives flammes,
Et la prière à nos âmes,
Et les feuilles à nos bois.

Chrétien, la cloche t’appelle,
Viens donc, viens donc,
Viens prier à la chapelle,
Viens chercher le saint pardon.

Aux jours où plus pur peut-être,
Le zèle est aussi plus prompt,
J’aimais, sous la main du prêtre,
À courber mon jeune front ;
C’est qu’on s’estime à cet âge
Moins, en valant davantage.
Aujourd’hui j’ai, pour ma foi,
Peur d’une oreille inconnue,
Plus peur d’être seule émue
Des mots descendus sur moi !

Chrétien, la cloche t’appelle,
Viens donc, viens donc,
Viens prier à la chapelle,
Viens chercher le saint pardon.

Doux sont des jours de prière,
De calme et de liberté ;
Mais dans la profonde ornière
Quand le char est arrêté,
Quand du sable et de la boue
Il faut dégager sa roue,
Peut-il, Seigneur, vers les cieux,
Dans une tâche si dure,
Rester à ta créature
Le temps de lever les yeux !

Chrétien, la cloche t’appelle,
Viens donc, viens donc,
Viens prier à la chapelle,
Viens chercher le saint pardon.

La bouche qui dès l’aurore
Remplit un pieux devoir,
Muette, se ferme encore
Jusqu’à l’oraison du soir ;
Car, avec le jour qui passe,
Chaque labeur a pris place.
Puissent du moins dans leur cours
Tant de peines enchaînées
Rendre à nos vieilles années
Cette paix des premiers jours !

Chrétien, la cloche t’appelle,
Viens donc, viens donc,
Viens prier à la chapelle,
Viens chercher le saint pardon.