Poire Mme Treyve

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Poire Madame Treyve.

La poire Madame Treyve.

Cette variété, d’origine française, existe dans quelques collections sous le nom de Souvenir de Madame Treyve. Le Congrès pomologique de France a modifié, sans raison plausible, selon nous, le nom primitivement donné à ce fruit par son obtenteur M. Treyve, pépiniériste, à Trevoux (Ain). En effet, celui-ci avait donné à son gain le nom de Souvenir de Madame Treyve, « mais comme le nom de Madame Treyve est plus court et qu’il exprime également la pensée de l’obtenteur, le Congrès l’a adopté de préférence (Pomologie de la France, 1864, Tome II, n° 63). Si cette argumentation était généralisée, il faudrait changer pas mal de dénominations et augmenter encore la synonymie déjà si longue et si embrouillée. Quoi qu’il en soit, le dernier nom semble avoir prévalu, car il a été adopté aussi par M. André Leroy, dans son Dictionnaire pomologique, et par M. De Mortillet.

La poire Madame Treyve est un excellent fruit, digne sous tous les rapports de faire partie d’une collection d’élite. Quoi que son obtention soit encore récente (son premier produit date de 1858), elle est déjà très répandue dans la culture en France et nous croyons qu’on lui doit aussi chez nous une place dans tous les jardins. C’est un arbre, comme dit M. Mas, qui se prête avec facilité à toutes les formes et qu’on peut planter à toutes les expositions.

Le fruit est de bonne grosseur et souvent très gros.

Sa forme est quelque peu variable, conique, ovoide, légèrement bosselée dans sa partie inférieure.

La queue est de moyenne longueur, assez grosse, placée obliquement.

L’œil est moyen, enfoncé dans une cavité légèrement plissée.

La peau est mince, d’un fond vert olivâtre, jaunissant très peu vers la maturité. En France, la couleur passe alors au jaune prononcé et le côté frappé du soleil est vivement coloré de rouge. Nous devons constater que les divers spécimens que nous avons étudiés jusqu’ici ne présentaient qu’une insolation très peu accentuée.

La chair est blanche, demi fine, et très fondante, très juteuse, très sucrée, acidulée et parfumée.

La maturité a lieu au commencement de septembre.

L’arbre est vigoureux et très fertile. Il prend naturellement une forme pyramidale et vient également bien sur franc et sur coignassier. S’il est peu difficile sur la nature du sol et sur l’exposition, on ne peut pas dire cependant qu’il y soit indifférent. Nous avons constaté, au contraire, que les fruits récoltés sur un arbre à l’exposition du nord étaient bien moins savoureux et parfumés que ceux venus sur pyramide.

Dans la Pomologie Française et dans le Dictionnaire de Pomologie, la poire Madame Treyve est donnée comme volumineuse. Celle qui a servi de modèle pour notre planche est de dimension ordinaire. C’est un défaut dans les traités pomologiques d’exagérer la grosseur des fruits, ou de choisir, pour les figurer, des spécimens exceptionnellement gros. Pour ce qui est de la variété en question, nous admettons qu’elle puisse atteindre parfois un volume remarquable, et à ce sujet, nous sommes heureux de pouvoir communiquer les lignes suivantes, dues à M. le chevalier de Biseau d’Hauteville et qui renferment des renseignements pleins d’intérêt sur le fruit que nous venons de décrire.

« Je cultive depuis plusieurs années cette précieuse variété, et je lui reconnais tous les mérites réunis : beauté, grosseur, bonté, durée, fertilité extraordinaire et grande vigueur. Les poires d’été n’ont souvent qu’une durée de quelques jours ; si on néglige d’entrecueillir, elles blettissent ou pourrissent même. Madame Treyve se conserve longtemps intacte et si un insecte a attaqué un fruit ou s’il a reçu un choc, il ne se gâte qu’à la longue et ce qui reste intact n’a pas de mauvais goût. Cette variété est mangeable dès la fin d’août et peut se conserver tout le mois de septembre et une partie d’octobre. L’année dernière j’en ai mangé le 27 et 29 octobre encore bonnes et juteuses ; cette année, j’en avais conservé trois fruits que j’ai mangés le 14 novembre ; la chair était encore ferme, juteuse, d’un goût agréable ; elle blettissait autour des loges ; sa couleur était celle d’une pomme de Calville.

« Quand ce fruit est consommé à temps, par sa chair un peu grosse, son jus sucré sans être parfumé, sa peau d’un vert clair luisant, il ressemble à un Napoléon ; il est quelquefois légèrement coloré.

« Sa vigueur sur franc est très grande, et le fruit supporte assez bien les coups de vent.

« Sa fertilité est vraiment phénoménale ; toutes les fleurs nouent, je crois.

« En 1871, j’ai pris la peine de compter, peser, etc., les fruits de quelques branches greffées ça et là, à toutes expositions sur différents sujets.

1° Une branche de 0m74 de long sur 0m07 de circonférence a produit 13 fruits, dont :

5 fruits pesant : 1 kilo, 100 grammes.
8 fruits pesant : 1 kilo, 435 grammes.

Le plus gros fruit pesait 314 grammes ; il avait 0m27 de tour, et 0m09 1/2 de haut.

Le plus petit fruit pesait 140 grammes ; 3 fruits seulement n’avaient que ce poids, les autres étaient tous beaux. J’ai cueilli ces fruits sur une branche de pyramide sur Coing au nord.

2° Deux autres branches de 0m05 de circonférence chacune et de 0m80 à 0m90 de long, greffées sur une petite pyramide sur franc, au levant, portaient 18 fruits dont :

9 pesant 1 kilo 305 grammes.
8 pesant 1 kilo 367 grammes.

Le plus gros fruit pesait 265 grammes ; il avait 0m25 de tour et 0m09 de haut.

Le plus petit pesait 120 grammes ; 3 fruits seulement étaient de cette grosseur ; ils avaient 0m19 de tour et 0m08 de haut.

En 1872, j’ai encore récolté beaucoup de beaux fruits sur ces trois branches.

Une autre branche greffée depuis 2 ans en pyramide sur franc, au couchant, portait 6 magnifiques specimens pesant ensemble 1 kilo, 467 grammes. Le plus volumineux mesurait 0m28 de périphérie, près de 0m11 de haut et pesait 336 grammes. »

Disons en terminant, pour ceux qui pourraient l’ignorer, que M. le chevalier de Biseau d’Hauteville est non seulement un pomologue distingué, mais que c’est lui qui, dans notre pays, possède le mieux l’art trop peu connu de conserver les fruits dans toute leur perfection et de prolonger outre mesure leur époque de maturité.

Éd. Pynaert.