Pour cause de fin de bail/Résultat Inespéré

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Pour cause de fin de bailÉdition de la Revue Blanche (p. 179-184).


RÉSULTAT INESPÉRÉ


Je reçois de ma très gracieuse amie miss Sarah Vigott, fille du major Vigott, actuellement en garnison à Malte, la lettre suivante de laquelle je me ferais scrupule de changer la plus pâle intonation.

« Bien cher camarade,

» Il faut que je vous raconte une chose qui va vous émerveiller excessivement fort.

» Quinze jours passés environ, après souper, la nuit paraissait splendid avec une claire de lune si belle que nous pensions tous à faire un léger promenade dans le jardin, avant le lit.

» Alors, combien forte était notre stupéfaction quand nous voyons notre jardin tout noir, tout plein de ténèbres obscures, tant que nous cognons contre nous-mêmes !

» Pourtant, partout ailleurs, le temps était tout à fait lumineux et si bien nous apercevions dans la mer les bateaux pêchants que nous pouvions compter leurs plus petites cordages.

» Alors, voilà que la frayeur de cette mystère refroidit notre sang et frissonne notre peau.

» Le petit Fred pleurait, car il disait que c’était la fin du monde.

» Oh ! si noir, ça était partout dans notre parc, si noir !

» Notre parc, c’est une terrasse située en haut qui voit sur la mer et qui n’a pas des murs autour pour faire l’ombre.

» Papa aussi devenait très ennuyé, quand nous entendions subit Jim (le plus vieux de mes frères) qui riait avec grands éclats.

» — Quelle matière avez vous, Jim, disait papa, de rier si fort en cette instant ?

» — Je ris, répondait Jim, parce que, en cette instant, c’est la plus comique chose de tout l’univers.

» Et comme il nous voyait chacun si inquiète, il expliquait nous la terrible mystère.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

» Vous savez, bien cher camarade, quelle attention nous payons à tous vos travaux scientifiques, à vos si intéressantes découvertes.

» Chaque fois que vous publiez une nouvelle idée, immédiatement nous la pratiquons à la maison.

» Quelquefois, ça ne réussit pas, d’autres fois, le résultat dépasse l’espérance.

» Pour cette chose de vers-luisants que vous vous êtes occupé cet été, l’affaire était tout à fait bonne.

» Nous suivions attentivement votre recommandation et nous obtiennons maintenant de magnifiques bêtes avec une lumière très forte et très durante.

» Quand vous disiez que les vers-luisants éclairent vert parce qu’ils nourrissent avec la verdure et qu’ils pouvaient éclairer rouge quand ils mangent la rougure ou mauve quand c’est la mauvure, cette observation est positivement exacte.

» Plus de cent fois nous faisions cette amusante expérience et toujours le résultat n’était jamais contraire.

» Ainsi cette fameuse nuit que vous disais que notre pauvre jardin était si ténébreux malgré cette magnifique claire de lune, eh bien ! c’est mon frère Jim qui avait amusé à donner aux vers-luisants toute la journée avant, à manger des tulipes noires que nous avons dans notre jardin, des tulipes si noires !

» Tout le monde dans notre maison vous embrasse et moi aussi deux fois, et même si vous voulez, un peu plus.

» Heartly yours,

» Sarah Vigott. »


Toute la question maintenant est de savoir si miss Sarah Vigott ne s’aurait pas payé ma fiole, comme disent les gens.

Oh ! ces Anglaises !