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Pour une mère

La bibliothèque libre.
Poèmes Premier et second carnets de poèmesmanuscrits autographes (p. 5-7).

III

Pour une mère, au monde est-il si triste chose
Que de perdre en naissant,
Sa fille, ange du ciel, sa fille, tendre et rose,
Joli petit enfant !

Est-il plus triste chose au monde, que la mère !
Pour son enfant souffrir,
Et le voir s’envoler malgré pleurs et prière,
Le voir naître et mourir !

Mais est-ce là mourir ? car ton œil triste pleure
Est-ce là le tombeau ?
De la vie et la mort le ciel a sonné l’heure,
La tombe est un berceau !

Le frêle papillon n’a pas touché la terre,
Mais le bonheur et Dieu !
Son aile l’a mené, diaphane et légère,
S’effacer au ciel bleu.

Il est là-haut, près Dieu, jouant avec les anges,
Les Gentils Chérubins,
Enfants aux ailes d’or, et les joyeuses phalanges
Des tendres petits Saints.

Il est là-haut, près Dieu, car du sein de sa mère,
Être spirituel,
Dédaignant les malheurs et les maux de la terre,
Il est né pour le ciel.

Pauvre mère ! un enfant, n’est-ce pas là l’obole
Pour te récompenser ?
N’as-tu pas à guetter sa première parole,
Et son col à baiser ?

À ce penser aussi, ton âme s’accoutume
De respirer un jour
Le parfum d’un enfant, fleur faite d’amertume,

De souffrance et d’amour.

Pleure, il te faut pleurer ! les larmes refont l’âme,
Les pleurs viennent de Dieu !
Pleure ! ton pauvre enfant dans le ciel les réclame,
Comme un dernier adieu !

Pleure, et réjouis-toi ! ton enfant pour toi prie
Avec des mots pieux !
Ta fille, pauvre mère, elle était bien jolie !…
Elle prîra bien mieux !