Précis de la mythologie scandinave/Valhalla

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VALHALLA.

Odin, père des héros, reçoit à Valhalla comme ses fils chéris, tous ceux qui ont expiré sur le champ de bataille. Ils y recommencent le combat, non pour succomber encore une fois, mais au contraire pour se relever à chaque reprise. C’est une vie pleine de bonheur que celle de Valhalla, comme on appelle la salle resplendissante d’or et d’argent du palais de Gladshejm, qui est la résidence des dieux. Tous ceux qui retournent auprès d’Odin, reconnaissent facilement cet endroit, dont le toit est hérissé de hampes, et dont les murailles sont garnies de boucliers, et les siéges pavés de harnais. À droite de la porte est accroché un hibou, tandis qu’un aigle est perché au-dessus. L’éclairage de la salle ne laisse rien à désirer, car les glaives flamboyans y remplacent la lumière. Pour se faire une idée des dimensions énormes de la salle, il suffit de savoir que l’entrée se fait par cinq cent quarante portes, assez larges pour donner passage à un front de huit cents guerriers. La grille sacrée, nommée Valgrind, et un bosquet à feuilles dorées entourent l’édifice. Mais les guerriers, ou les Einhériens, qui s’en vont au combat le matin pour retourner à Valhalla le soir, de quoi vivent-ils ? Ils sont nourris du lard délicieux que fournit le verrat châtré, nommé Sæhrimer, qui bien qu’il se laisse tuer le matin, reparaît toujours sain et sauf le soir ; ils s’enivrent ensuite d’hydromel, breuvage qui jaillit de la mamelle d’une chèvre, portant le nom d’Hydrun.


On a fait le reproche assez connu au peuple du Nord d’avoir des penchans farouches et barbares, et l’idée qu’ils avaient conçue de Valhalla, où les héros se nourrissaient de lard et s’enivraient d’hydromel, ne confirme que trop cette assertion. Mais nous serions tout aussi barbares si nous doutions qu’ils n’attachassent pas à ces expressions, empruntées à la vie réelle, un sens beaucoup plus élevé, et si nous croyions que l’image, un peu vulgaire, il est vrai, ne renfermât pas l’idée d’une nourriture céleste. Sans doute ils n’ont pas eu en vue une substance moins nourrissante que celle qu’exprime l’ambroisie des Grecs ; c’est-à-dire une composition distillée des élémens les plus subtiles, ne renfermant aucune substance terrestre et dont l’essence primitive n’est que de l’eau saturée d’air. La boisson n’est donc que le courant limpide, jaillissant des hautes régions de l’atmosphère ; que l’éther diaphane descendant du haut de l’air où ne souffle aucune brise caressante, comme le lait d’Amalthée. Il est donc clair qu’il ne s’agit d’aucun breuvage, mais du souffle le plus délicat qui ait jamais rempli les poumons des mortels.