Premières poésies (Évanturel)/À Edmond Dupré

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Augustin Côté et Cie (p. 93-94).



À EDMOND DUPRÉ



DANS nos grands froids d’hiver, Edmond, lorsque la neige,
Crie et grince, le soir, sous le pied des passants,
Quand Décembre grelotte ou que Janvier assiège,
Comme un soldat le fort, tes verrous blanchissants,


Que de fois, sous ce toit où l’amitié fidèle
Offre, malgré le temps, un abri pour mon cœur,
Ne suis-je pas venu, morne, traînant de l’aile,
Dérober un moment de calme et de bonheur !



Que de fois, dans ces nuits — nuits de vague tristesse —
Où l’on sent sur son front peser le doigt de Dieu,
N’ai-je pas recousu mes lambeaux de jeunesse,
Assis à tes côtés, à la clarté du feu !


Ah ! vois-tu, j’ai compris dans ce siècle de doute,
Où le calme jamais n’attend le pèlerin,
Que le destin, ami, t’avait mis sur ma route,
Pour comprendre mon cœur, pour me tendre la main.


Et puis, j’ai dit alors : — Viennent les jours d’orage !
Viennent les jours de deuil, de misère et d’ennui !
Qu’importe ? le soleil disperse le nuage.

Et tu restes toujours, quand tant d’autres m’ont fui.