Premières poésies (Évanturel)/Intimité

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Augustin Côté et Cie (p. 145-147).



INTIMITÉ



ADIEU, madame, adieu ! — Dans son palais de neige,
L’hiver aux blancs frimas que le soleil assiège,
Doucement s’est éteint sur son lit de glaçons ;
Et le printemps tout vert, sous les bois, dans les plaines,
Berçant rameaux et fleurs de ses tièdes haleines,
Remplit l’air de parfums et le ciel de chansons.



Adieu ! Mai nous revient et sa senteur m’enivre.
Je veux courir les champs, je veux me sentir vivre ;
La liberté pour moi, voyez-vous, c’est un bien.
Je m’en irai joyeux — si je disais morose,
Qui sait si vous croiriez que vous êtes la cause
De ce chagrin ? Pour moi, vraiment, je n’en sais rien.


Mais qu’importe, après tout ? Croyez-m’en sur parole :
Je vous quitte à regret comme l’oiseau s’envole,
Triste, quand vient le froid, de son nid parfumé.
Maintenant, au hasard ! Mon pauvre cœur vous reste !
Je m’en vais seul. À moi vallons ! nature agreste !
À moi verte campagne et ton air embaumé !


Vous ici ; moi, là-bas : que c’est triste, madame !
Je ne vous aurai plus pour retremper mon âme
D’un mot de votre cœur, d’un regard de vos yeux.
L’ennui ! partout l’ennui ! froid dégoût de moi-même !
Mais au moins, j’aurai là tant de choses que j’aime :
L’immensité, la mer, les grands lacs et les cieux.


Et cinq mois loin de vous, c’est long comme une année !
Au souvenir d’hier — illusion fanée —
Mes rêves s’en iront pour voler jusqu’à vous.
Mais vous, qui sait encor ? vous m’oublierez peut-être,
Vous qui m’avez aimé, vous qui m’avez vu naître,
Vous qui m’avez, enfant, bercé sur vos genoux.



Ah ! non, non, loin de moi ! Ces lignes vous font rire.
J’en suis charmé ; j’y tiens : c’est un dernier sourire,
Un gage qui me reste encor de vos bontés.
Au revoir ! Espérons ! Après l’été, l’automne ;
Après juin qui fleurit, septembre qui moissonne.

Et mon retour alors — si vous le permettez.