Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604/Stances/Ainsi fait le Soleil

La bibliothèque libre.
, François d'Arbaud de Porchères
Premier recueil de diverses poésiesImprimerie Du Petit Val (p. 35-36).

STANCES


Ainsi fait le Soleil, quand il monte de l'onde
Il esparpille en l'air sa chevelure blonde
Tout beau, tout rayonneux, tout brillant de clarté,
Esteint les petits feux, espard l'obscurité
Et se donne luy mesme en son triomphe au monde.

Nimphe serois-tu point ceste mesme lumiere,
Qui laisses dans le Ciel ta course coustumiere
A quelque Phaëton qui t'ait importuné ?
Ou bien, le monde est-il de deux torches orné
Du Soleil la seconde, & de toy la premiere ?

Ah, que de beaux flambeaux ta face nous allume,
Qui nous donne le jour plus fort que de coustume
Au sortir esclatant de ses sombres rideaux,
Sombres quand ils n'ont plus ces mesmes beaux flambeaux
Car à ces beaux flambeaux leur noirceur se consume.

A voir tant de splendeur qui de tes yeux flamboye,
A voir tout ce bel or qui sur ton dos ondoye,
Tout tremblotant d'Amour, transformez en Zephirs,
Et ce sein, qui s'estraint & s'estend de souspirs,
Que nos yeux ont de bien, & nos ames de joye !


Mais Nimphe c'est des yeux seulement & des ames
Quiconque soit celuy pour lequel tu t'enflames
Il faut qu'il soit quelqu'un d'entre les plus grands Dieux
Les hommes n'ont point part au regard de tes yeux,
Ce sont glaçons pour nous, et pour luy seul des flammes

Luy & nous te voyons, mais non pas tout de mesme,
Luy ravy de l'ardeur de son amour extresme
Te voit pour te cherir ou pour te desirer,
Et nous ne te voyons que pour mieux admirer
Les divines beautez qui l'aiment & qu'il aime.

Le Soleil n'a qu'un monde où sa clarté rayonne,
Tu n'esclaires qu'un Dieu qui tout à toy se donne
Un Dieu seul, tout le reste est gisant dans la nuict,
Ou bien c'est un esclair quand la beauté nous luit
Qui sent soudain la nuict, & soudain l'abandonne.

Que vous estes heureus, Nimphe & Dieu tous ensemble
Puis qu'en vous tout l'amour des amours se rassemble
Nompareille beauté, nompareille grandeur
On ne voit rien ici qui semble vostre ardeur,
Aussi ne voit-on rien au monde qui vous semble.