Premiers beaux jours (Verhaeren)

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Œuvres de Émile VerhaerenMercure de FranceIX. Toute la Flandre, II. Les Villes à pignons. Les Plaines (p. 165-166).
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PREMIERS BEAUX JOURS


Printemps, par tes premiers beaux jours,

Où l’on s’en va avec la simple joie
D’aller, droit devant soi
Toujours,
Les champs semblent si doucement frémir à l’air
Qu’on les dirait vierges et clairs
Comme aux saisons les plus jeunes du monde.
Les fleurs bonnes, les eaux profondes
Et les mousses d’argent et d’or,
Brins, flots et pétales tremblent d’accord,
Sous les baisers luisants du vent qui glisse.
Le sol est franc, le ciel est lisse,
Les moucherons
Dans les taillis, autour des troncs,
Tourbillonnent en légères nuées
Pour secouer, de leurs ailes fines, l’hiver.
Tous les fossés sont déjà verts,

Et s’estompent, le soir, de mobiles buées.
Les chemins clairs, aux carrefours bénis,

Font le tour de la Flandre
Avant de s’en aller, de méandre en méandre,
Vers l’infini.
Et les moulins, avec leur face en croix,
Et les maisons, avec les yeux de leurs fenêtres,
Ici, partout, ailleurs, regardent apparaître

La vie ample et tranquille en qui les gens ont foi.