Principes d’économie politique/II-2-VII-IV

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IV

DU RÔLE DES BANQUES.


Nous avons vu que l’échange des marchandises était à peu près impossible sans le secours de certains intermédiaires qui sont les marchands. Le commerce des capitaux aussi serait impossible sans le secours de certains intermédiaires qui s’appellent les banquiers.

Les banquiers sont des commerçants tout comme les autres. Les commerçants opèrent sur des marchandises ; les banquiers opèrent sur des capitaux représentés par des titres de crédit ou du numéraire. Les premiers achètent pour revendre et trouvent leur bénéfice à acheter le meilleur marché possible pour vendre le plus cher possible. Les seconds empruntent pour prêter et trouvent leur bénéfice à emprunter le meilleur marché possible pour prêter le plus cher possible. Voilà donc les deux opérations fondamentales de tout commerce de banque, emprunter et prêter, et comme ces emprunts se font d’ordinaire sous la forme de dépôts, et ces prêts sous la forme d’escompte, on les appelle ordinairement « banque de dépôts et d’escomptes »[1].

Il est cependant une troisième opération très distincte des deux autres, quoiqu’au fond elle constitue aussi un mode d’emprunt, c’est l’émission de billets. Pourtant cette opération n’est pas essentielle aux banques : elle est même, le plus souvent, une fonction exceptionnelle et privilégiée qui n’appartient qu’à certaines banques désignées sous le nom de « banques d’émission »[2].

Examinons successivement ces diverses opérations.


    métallique. Mais nous avons déjà longuement étudié cette fonction du crédit (Voy. p. 267) et nous allons la retrouver à propos du billet de banque.

  1. L’histoire des banques se rattache étroitement à l’histoire du commerce depuis le moyen-âge, et chaque grande banque créée marque une étape nouvelle du développement commercial. Les premières furent celles des Républiques italiennes : Venise (1156 ?), Gênes (1407). La prééminence commerciale passe à la Hollande, et nous voyons alors la grande et célèbre Banque d’Amsterdam (1609), suivie bientôt par celles de Hambourg et de Rotterdam. Enfin la création de la Banque d’Angleterre en 1694 nous apprend que cette nation va hériter de la suprématie commerciale dans le monde. La Banque de France n’est venue que beaucoup plus tard, au commencement de ce siècle seulement. Toutefois en 1716 Law avait fondé une banque fameuse dont tout le monde connaît la triste fin.
  2. Les banquiers à l’origine ont été tout simplement des marchands d’argent, des changeurs, comme on dit aujourd’hui. Mais tandis que les changeurs n’ont aujourd’hui qu’un rôle insignifiant dans les villes frontières ou les grands centres, là où les étrangers ont besoin de changer leur monnaie, — au moyen-âge, la multiplicité prodigieuse des monnaies (chaque seigneur avait le droit de faire battre monnaie), la fréquence des falsifications clandestines ou même faites par le souverain lui-même, rendaient très important le rôle de ces boutiques où chacun pût trouver de la bonne monnaie en payant un agio. Dans un petit pays, par exemple, comme la Hollande, où venaient s’accumuler ; par suite de son grand commerce, les monnaies de tous les pays, les commerçants avaient un grand avantage à déposer leur argent à la Banque d’Amsterdam, celle-ci leur garantissait qu’ils recevraient toujours le même poids d’argent, c’est-à-dire une valeur égale à la somme déposée. On faisait le compte en une monnaie idéale qu’on appelait l’argent de Banque. Aussi un crédit sur la Banque représentait toujours une valeur de 8 ou 10 % supérieure à la même somme en monnaie courante (Voy. le célèbre chap. d’Ad. Smith, Liv. IV, ch. 3 sur ce sujet). — Seulement ces banques ne prêtaient pas : elles étaient banques de dépôt, non point encore d’escompte.