Principes de dressage et d’équitation/Partie I/III

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Marpon et Flammarion (p. 9-11).
III
Intelligence du cheval.

La difficulté dans tout le dressage est de faire comprendre au cheval ce qu’on lui demande et ce qu’on attend de lui.

La difficulté est grande, parce que le cheval, contrairement à ce que croient beaucoup de personnes, n’a qu’une intelligence très limitée.

La seule faculté qu’il possède et qu’il possède même à un haut degré, c’est la mémoire. C’est donc uniquement à la mémoire qu’il faut s’adresser, c’est elle qu’il faut frapper.

Le cheval n’est susceptible d’aucun attachement. Il n’a que des habitudes. Mais, ces habitudes, il les contracte aisément, trop aisément même et souvent il y tient avec excès. C’est un point dont il faut tenir grand compte. À ce sujet, j’ai fait mille expériences.

Un de mes amis avait un cheval qui allait à lui quand il l’appelait, hennissait lorsqu’il entrait à l’écurie, etc. Il prétendait que ce cheval lui était particulièrement attaché et qu’il dépérirait s’il le quittait.

Je le priai alors de me confier l’animal, après m’être fait détailler ses habitudes, et je l’emmenai chez moi, sans y rien changer. Dès le lendemain, je le faisais travailler à ses heures, le gratifiais de carottes suivant l’usage établi et, imitant la voix de son maître, j’allais moi-même lui porter sa nourriture au moment où il était accoutumé à la recevoir.

Le jour suivant, je repris ma voix ordinaire, et, malgré cela, quarante-huit heures ne s’étaient pas écoulées qu’il me faisait les mêmes caresses qu’à son maître, ne s’apercevant même pas qu’il en avait changé.

Après ma leçon du matin, je distribue moi-même à mes chevaux une grande ration de carottes. Dès que j’entre à l’écurie et que j’élève la voix, tous hennissent. Et si, par hasard, un étranger se trouve là, il ne manque jamais de dire : « Comme vos chevaux vous reconnaissent ! comme ils vous aiment ! » C’est une erreur. Un autre distribuerait les carottes à ma place et à la même heure que mes chevaux ne s’apercevraient même pas que je ne suis pas venu. La preuve en est que, quelques instants après, si j’entre alors qu’ils ont fini de manger, ils ne font pas la moindre attention à moi. Je pourrais citer cent autres exemples de l’indifférence des chevaux pour ceux qui les soignent ou les montent. D’ailleurs, il ne faut pas s’en plaindre, car, s’il en était autrement, ils ne voudraient jamais obéir qu’à un maître et n’en servir qu’un.