Principes de la flute traversiere, ou flute d'Allemagne, de la flute à bec ou flute douce et du haut-bois, divisez par traitez/Traité de la flute traversiere

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Traité de la flute traversiere
Estienne Roger (p. 1-33).


TRAITÉ
DE LA FLUTE TRAVERSIERE



CHAPITRE PREMIER.
De la ſituation du Corps, & de la poſition des Mains.


COMME IL EST NECESSAIRE pour arriver à la perfection des exercices dans leſquels on veut réüſſir, de joindre autant qu’il eſt poſſible la bonne grace à l’habileté, je commenceray ce Traité par une explication de la poſture où l’on doit être, en joüant de la Flute Traverſiere.

Soit que l’on joüe debout ou aſſis, il faut tenir le Corps droit, la Tête plus haute que baſſe, un peu tournée vers l’Epaule gauche, les Mains hautes ſans lever les Coudes ni les Epaules, le Poignet gauche plié en dedans, & le Bras gauche proche du Corps.

Si l’on eſt debout, il faut être bien campé ſur ſes jambes, le Pied gauche avancé, le Corps poſé ſur la Hanche droite, le tout ſans aucune contrainte. On doit ſur tout obſerver de ne faire aucun mouvement du Corps ni de la Tête, comme pluſieurs font en battant la meſure. Cette attitude étant bien priſe, eſt fort gracieuſe, & ne prévient pas moins les yeux, que le ſon de l’Inſtrument flâte agréablement l’oreille.

A l’égard de la poſition des Mains, on en peut voir cy-devant une Demonſtration qui ſera plus instructive que tout ce que je pourrois écrire ſur ce ſujet. On apprendra par cette Figure, qu’il faut mettre la Main gauche A. en haut ; Tenir la Flute entre le Pouce & le premier Doigt B. Plier le Poignet en deſſous ; Arranger les Doigts enſorte que le premier & le deuxiéme ſoient un peu arrondis, & le troiſiéme plus alongé.

Pour ce qui regarde la Main droite, C. Il faut tenir les Doigts preſque droits, le Poignet un peu plié en dedans, le Pouce vis-à-vis le Doigt du quatriéme trou, ou un peu plus bas : Le petit Doigt poſé ſur la Flute, entre le ſixiéme trou & la moulure de la pate, (on voit tout cela demontré par la Figure.) Il faut tenir la Flute preſque droite, un peu en baiſſant vers la patte D.



CHAPITRE II.
De l’Embouchure.


QUoique biens des Gens ſoient perſuadez que l’Embouchure ne ſe peut enſeigner par regles ; cependant il y en a quelques-unes qui facilitent extrêmement la recherche que l’on en peut faire. Les avis d’un bon Maître, joints à la demonſtration, peuvent épargner beaucoup de peine & de difficulté à ceux qui cherchent cette Embouchure.

Je feray donc ici l’un & l’autre autant qu’il ſe pourra ſur le papier. Quant à la demonſtration, on la voit dans la Figure qui eſt au commencement de ce Livre.

A l’égard des avis, il ne me ſera pas plus difficile de les écrire que de les donner de vive voix ; ce que je feray le plus intelligiblement qu’il me ſera possible.

On connoîtra par cette demonſtration de quelle maniere on doit diſpoſer les Levres ; Il faut qu’elles ſoient jointes l’une contre l’autre, excepté dans le milieu où l’on doit former une petite ouverture pour le paſſage du vent : On ne les avancera point, au contraire on les retirera du coin de la Bouche, afin qu’elles ſoient unies & applaties. Il faut placer l’embouchure vis-à-vis de cette petite ouverture ; ſouffler d’un vent moderé, appuyer la Flute contre les Levres, & la tourner ſans ceſſe en dedans ou en dehors, juſqu’à ce qu’on ait trouvé le veritable point.

Pour obſerver toutes ces Regles il ſera bon de ſe mettre devant un Miroir, (précaution qui ſera d’un grand ſecours.) Il ne faudra point ſonger d’abord à placer aucun Doigt, mais ſouffler ſeulement dans l’Embouchure tout à vuide, & chercher à en tirer du ſon. Enſuite on placera les Doigts de la Main d’enhaut, l’un après l’autre, & on reſtera ſur chaque ton ; en réiterant le ſouffle plusieurs fois, afin de s’en bien aſſurer : après quoy l’on placera les Doigts de la Main d’enbas, dans le même ordre que ceux d’enhaut. Les Commençants ne s’obſtineront point trop à faire le premier ton qui eſt tout bouché ; parce qu’il ne ſe peut faire qu’en bien bouchant tous les trous : ce qui eſt plus difficile que l’on ne penſe, à moins qu’on ait un peu de pratique.

Lorſque l’on ſera parvenu à bien emboucher la Flute, on pourra commencer à chercher la connoissance des Tons. Pour cet effet on regardera la Planche premiere des Tons & Semitons, & on lira le Chapitre ſuivant.

Aureſte quelques Regles que j’aye preſcrites, tant pour l’Embouchure que pour la poſition des Mains ; Il ne faut pourtant les obſerver avec exactitude, qu’autant qu’on ne ſe trouvera pas une diſposition tout à fait contraire. Par exemple, ſi une Perſonne ſe trouvoit avoir les Levres diſpoſées de maniere, qu’il luy fût plus difficile d’emboucher la Flute, en les uniſſant, & en les applatiſſant, qu’en avançant celle d’enhaut ; alors il ne faudroit prendre de mes Regles que ce qui ne ſeroit pas tout à fait contraire à cette diſposition, & il faudroit ſuivre toûjours ce qui paroîtroit le plus naturel. De même à l’égard des Mains, il y a quelques Perſonnes qui placent celle d’en-haut autrement que je ne l’ay démontré ; c’eſt à dire qui tiennent le Poignet en dehors (faiſant l’arc) & la Flute appuyée ſur le bout du Pouce ; Cette ſituation de main n’empêche pas que l’on ne puiſſe bien joüer, mais elle n’eſt pas si naturelle ni ſi gracieuſe, outre que la Flute n’eſt pas ſi bien appuyée. Il y en a d’autres, qui, faute d’avoir eu des principes, poſent la main gauche en-bas, la droite en-haut, & tiennent la Flute à gauche ; Je ne condamneray pas abſolument cette position de main, puiſque l’on peut joüer auſſi-bien de cette maniere que d’une autre, & qu’il y auroit de la difficulté à en vouloir prendre une differente : mais ceux qui n’ont point encore contracté ces mauvaiſes habitudes doivent ſe donner de garde d’y tomber.



CHAPITRE III.
Premiere explication de la premiere Planche ſur les Tons naturels.


CEtte Planche repreſente deux choſes principales.

1. Les Notes de Muſique démontrées ſur les cinq lignes paralelles, en la maniere qu’on le voit au haut de la même Planche & diſtinguées par les noms. , Mi, Fa, &c. & par D. E. F. &c. J’ay mis ces noms de deux manieres pour la commodité des Etrangers qui ſe ſervent ordinairement des Lettres.

La Clef de G. , Sol, ou de Sol, que l’on voit ſur la ſeconde des cinq lignes, eſt la plus en uſage pour les pieces de Flute ; Elle donne ſon nom à la seconde ligne ſur laquelle elle eſt poſée, & c’eſt ce qui apprend à connoître celuy de toutes les Notes, ſelon l’ordre qui eſt obſervé dans cette démonſtration.

2. Elle contient une Tablature qui ſert à expliquer la maniere de faire chacune de ces Notes ſur la Flute, en bouchant plus ou moins de trous ; cette Tablature eſt démontrée par les ſept lignes paralelles, leſquelles répondent aux ſept trous de la Flute.

On voit ſur chacune de ces lignes un nombre de Zeros blancs & noirs, par leſquels on connoît ſi le trou qui répond à chacune de ces lignes doit être ouvert ou fermé, pour faire tel ou tel ton. On conçoit aiſement que les Zeros noirs repréſentent les trous qui doivent être fermez, & les blancs ceux qui doivent être ouverts. Par exemple, au deſſous de la premiere Note qui eſt le , on voit ſept Zeros noirs, ſur la ligne perpendiculaire décrite par des petits points ; Il eſt aiſé de comprendre que cela repreſente les ſept trous de la Flute bouchez, les ſix premiers, avec les Doigts, & le ſeptiéme bouché naturellement avec la Clef, ce qui fait ce ton. L’on procedera de même pour tous les autres, ainsi que je l’explique enſuite plus intelligiblement.

On peut donc découvrir par cette Planche toute l’étenduë de la Flute Traverſiere ; c’eſt à dire tous les Tons naturels Diézis & Bemols. Cette étenduë conſiſte en deux Octaves & quelques Tons. La premiere Octave eſt compriſe depuis la premiere Note juſqu’à la treiziéme. La ſeconde Octave eſt renfermée depuis la Note treiziéme juſqu’à la Note vingt-cinquiéme ; Cette ſeconde Octave ſe fait preſque toute, ainſi que la premiere pour ce qui regarde la poſition des Doigts. Il n’y a que la maniere d’emboucher la Flute qui en fait la difference, outre quelques changemens de Doigts ſur certains Tons, comme on le verra démontré dans la Tablature. J’ay diſtingué les Tons naturels par des Notes blanches, & les Diézis & Bemols par des Notes noires. Ce que j’ai fait pour la commodité de ceux qui n’ayant aucune teinture de ces principes, ne doivent pas entreprendre d’abord trop de difficultez ; Ils ſe contenteront donc de faire les Tons naturels, ſans avoir égard aux autres, juſqu’à ce qu’ils ſoient un peu plus avancez. Il faut remarquer que l’on ne doit donner que peu de vent, pour faire les Tons bas ; & qu’on doit bien boucher tous les trous marquez dans la Tablature, par les Zeros noirs.

On connoîtra donc de quelle maniere ſe doit faire la Note , par les ſept Zeros noirs qui ſont au deſſous, comme je viens de l’expliquer. Ce Ton étant fait, on paſſera au Mi naturel, qui eſt la troiſiéme Note, & qui ſe fait en débouchant le ſixiéme trou ; ce que l’on connoit par l’O ouvert, que j’appelle auſſi Zero blanc, qui eſt ſur la ſixiéme ligne de la Tablature. Il faut donner un coup de langue à chaque Ton ; c’eſt à dire, articuler le vent ; comme si l’on vouloit prononcer bas cette ſillabe, Tu.

Le Fa, ſe fait en débouchant le cinquiéme trou, & en rébouchant le ſixiéme. Ce ton veut être ajusté avec l’embouchure, en tournant la Flute en dedans pour le baiſſer, parce qu’il eſt naturellement un peu haut à cauſe que le Diézis ſe fait ſur le même trou : comme nous le verrons dans l’explication des Diézis & des Bemols. Il faut ſe ſouvenir de mettre le petit Doigt entre le ſixiéme trou & la moulure de la patte, comme je l’ay obſervé dans le deuxiéme Chapitre.

Le Sol, ſe fait en levant toute la main d’enbas & laiſſant le petit Doigt à l’endroit que je viens de marquer. Ce petit Doigt doit toûjours reſter à cette place à moins que l’on n’en ait beſoin pour toucher ſur la Clef. On obſervera de bonne heure de ne pas beaucoup lever les Doigts, & de les laiſſer tomber bien à plomb ſur les trous.

Comme on a été obligé de tourner l’embouchure en dedans pour le Fa, il faut la remettre dans ſon premier point pour le Sol.

Le La, ſe fait en débouchant le troiſiéme trou. Il faut alors mettre le ſixiéme Doigt entre le cinquiéme & ſixiéme trou, ce qui ne ſert (auſſi-bien que la ſituation du petit Doigt) que pour retenir la Flute en état, & ce qui eſt néanmoins important pour la liberté des Doigts ; il faut augmenter le vent, peu à peu, à meſure que l’on monte.

Le Si ſe fait, en débouchant le deuxiéme trou.

L’Ut, en débouchant le premier, & en rébouchant le deuxiéme & le troiſiéme.

Le , en bouchant tous les trous, excepté le premier. On doit pour lors augmenter le vent ; enſorte que le ſon ſoit aigu, cependant il ne faut point trop le pousser, de peur qu’en ſoufflant trop fort, on ne monte une Octave plus haut qu’il ne faut.

Le Mi ſe forme, en débouchant le ſixiéme trou, en rébouchant le premier, & en ſoûtenant le vent toûjours un peu ferme ; ainſi que dans les Tons ſuivants.

Le Fa ſe fait, en débouchant le cinquiéme trou, & en rébouchant le ſixiéme. Il faudra tourner encore ſur ce Ton, l’embouchure de la Flute en dedans.

Le Sol ſe forme, en débouchant le quatriéme & le ſixiéme trou, ſans rien changer à l’égard des autres : On doit pour lors remettre l’embouchure dans ſa ſituation.

On nous permettra d’obſerver icy pour les Commençants, qu’à meſure qu’ils monteront ſur cet Inſtrument ils en trouveront l’embouchure plus difficile ; Ainſi pour adoucir les Tons hauts & les former plus facilement ils auront ſoin de ſerrer les Levres de plus en plus, de les retirer du coin de la bouche, d’avancer la langue vers les Levres, & d’augmenter le vent peu à peu.

Le La ſe fait en débouchant le troiſiéme trou, et en ſoûtenant toûjours le vent.

Le Si, en débouchant le deuxiéme trou.

L’Ut ſe forme, en débouchant le premier trou, & en rébouchant le deuxiéme, le quatriéme & le cinquiéme. Ce Ton eſt un peu délicat à ajuſter, car il y a des Flutes ou il eſt haut, & d’autres où il eſt bas. L’expedient dont on peut ſe ſervir pour le baisser, c’eſt d’adoucir & de tourner la Flute en dedans. Si cela ne ſuffit pas, il faut boucher le ſixiéme trou à demi ſans rien changer aux autres : ou bien le faire comme je l’ay démontré dans ma Tablature, (Note trente-cinquiéme.) Au contraire, ſi l’on remarque que ce Ton ſoit trop bas, en le faiſant de la prémiere maniere que je l’ay expliqué, on obſervera de ne boucher que le troiſiéme, le cinquiéme & le ſixiéme trou.

Le ſe fait, en bouchant tous les trous, excepté le prémier. Il faut forcer un peu le vent, & ſerrer les Levres.

Le Mi en débouchant le troiſiéme, le quatriéme & le ſeptiéme trou, & en bouchant tous les autres. Remarquez que le ſeptiéme trou ſe débouche, en appuyant le petit Doigt ſur la Clef. Il faut continuër à forcer le vent.

Les Tons au deſſus du Mi, ſont des Tons forcez & ne peuvent entrer naturellement dans aucune Piece ; cependant comme on ne laiſſe pas d’en gliſſer toûjours quelques uns dans le Prélude, je mettray icy ceux que j’ay pû découvrir. Au reſte, il ne faut point s’obſtiner à les vouloir trouver dans les commencements, c’eſt une peine que l’on doit s’épargner juſques à ce qu’on ſoit fort avancé. Il ſera même à propos, pendant les premiers jours, de ne point paſſer le Sol, qui eſt la Note dix-huitiéme, à moins que l’on ne ſe trouvât une grande facilité à emboucher. Alors on pourroit monter plus haut, mais avec diſcretion, autrement ce ſeroit ſe donner beaucoup de peine ſans ſe procurer aucun avancement, parce qu’il faut abſolument commencer par bien former les Tons bas, avant que de faire les autres.

Le Fa naturel ne ſe peut preſque point faire tout au haut de la Flute ; je l’ay neanmoins trouvé ſur quelques-unes, en la maniere que je vais l’expliquer, mais il ne faudroit point s’opiniâtrer à le chercher indifferemment ſur toutes ſortes de Flutes, non plus que les Cadences qui en procédent ; car ce ſeroit vouloir tenter l’impoſſible. Il ſe fait en bouchant tout à fait le premier, le deuxiéme, le quatriéme trou ; en bouchant le cinquiéme ſeulement à moitié ; en débouchant le troiſiéme, le ſixiéme & le ſeptiéme ; & en donnant le vent fort aigu. Au reſte, je ne l’ay point démontré dans ma premiére Planche, parce qu’il n’eſt pas proprement un Ton ſur lequel on puiſſe compter.

Le Fa Diézis ſe fait plus aiſément : Il faut boucher tous les trous, excepté le deuxiéme.

Le Sol ſe fait, en bouchant le premier & le troiſiéme trou, & en débouchant tous les autres.

On pourroit trouver encore quelques Tons au deſſus de ceux là, mais ils ſont si forcez & ſi peu utiles que je ne conſeille à perſonne de ſe donner la peine de les chercher.



CHAPITRE IV.
Premiére explication de la deuxiéme Planche ſur les Cadences naturelles.


APrès avoir parcouru tous les Tons naturels, je vais parler des Cadences ou Tremblements qui ſe font ſur ces mêmes Tons, & j’en vais propoſer tous les exemples, marquez auſſi par une Tablature dans la ſeconde Planche. J’ai mis tout de ſuite les Tons & les ſemi-Tons, ainſi que dans la premiére Planche, mais je ne parcourray d’abord que les Cadences des Tons naturels, comme j’ay déja fait pour les Tons ſimples : On les verra diſtinguées de même par des Notes blanches.

Pour faire concevoir ce que c’eſt que Cadence à ceux qui n’en auroient aucune idée, on peut la définir, une agitation de deux ſons éloignez d’un Ton ou d’un demi-Ton l’un de l’autre, & battus pluſieurs fois de ſuite. On la commence par le Son ſuperieur, on la finit par l’inferieur, & on ne luy donne que la premiére articulation : C’eſt le Doigt qui la continuë.

La premiére Cadence de notre Tablature, qui eſt celle du en bas, ſe fait en débouchant d’abord le ſixiéme trou, avant même que de ſoufler, afin de la prendre du Mi, qui eſt le Son ſuperieur. On donne le coup de langue ſur ce Mi, & on frappe enſuite pluſieurs fois ſur le ſixiéme trou, ſans reprendre haleine, & ſans donner d’autre coups de langue. Enfin le Doigt qui a tremblé, doit reſter ſur le même trou pour finir la Cadence. Le nombre des coups que l’on doit frapper, ne ſe regle que par la valeur de la Note. Sur tout il faut obſerver de ne ſe point preſſer de battre la Cadence, mais au contraire la ſuſpendre, environ la moitié de la valeur de la Note, principalement dans les mouvements graves, comme je le démontre par la Tablature des Cadences. Le moins que l’on puiſſe frapper ſur les Cadences breves, c’eſt trois coups de Doigt, comme ſur les Noires, dans la meſure à 2. & 3. temps legers.

Il ſeroit ſuperflu d’expliquer toutes les Cadences l’une après l’autre, puiſque l’on en voit une Démonſtration aſſez intelligible dans la ſeconde Planche, & que l’on doit ſavoir déja tous les Tons dont elles ſont compoſées. On ſe ſervira pour toutes ces Cadences des mêmes Regles que j’ai données pour la premiére, & l’on obſervera exactement les differentes poſitions de mains, que l’on voit démontrées par la Tablature.

Je dois ſeulement distinguer la Cadence de l’Ut naturel, parce qu’en effet elle eſt differente des autres. Il faut la commencer en bouchant tous les trous excepté le premier ; trembler ſur le quatriéme, après avoir ſoûtenu le port-de-voix ; & finir en levant le Doigt qui a tremblé ; ce qui eſt prendre le contrepied de ce que l’on doit obſerver dans les autres Cadences. À l’égard de la Cadence de l’Ut en haut (Note vingt-troiſiéme) elle eſt fort difficile à ajuſter, & eſt même fort peu en Uſage. On voit dans la Tablature que le qui la précede ſe fait d’une maniere extraordinaire. Il faut trembler ſur le quatriéme & ſur le cinquiéme trou en même temps & avancer un peu le Doigt ſur le ſixiéme trou. On peut encore faire cette Cadence, en tremblant ſur le troiſiéme & le ſixiéme trou tout à la fois : Alors tous les trous doivent être bouchez, excepté le premier, & l’on doit en finiſſant la Cadence, relever les Doigts qui ont tremblé : On fait ſouvent ſur ce Ton un flâtement, au lieu d’une Cadence.

Lorſqu’on aura apris toutes les Cadences naturelles, on pourra eſſayer à joüer quelques petits Airs faciles, pour s’accoûtumer peu à peu aux Tons, & pour ſe fortifier dans l’embouchure. On pourra même paſſer à cet exercice, dès qu’on aura ſçeu trouver les Tons ſimples de la premiére Planche. En ce cas il faudra chercher les Cadences dans la ſeconde Planche, à meſure que l’on en aura affaire ; ce qui chargera moins la memoire : Je donne dans le Chapitre ſixiéme une autre explication ſur les Cadences.



CHAPITRE V.
Seconde explication de la Première Planche ſur les Diézis & les Bemols.


LOrſque l’on ſe ſera fortifié dans l’embouchure ſur les Tons naturels, on pourra commencer à faire les Diézis & les Bemols : Mais comme il y a pluſieurs de ces demi-Tons, qu’il faut ajuſter par le moyen de l’embouchure, je vais les expliquer chacun en particulier.

On commencera par le naturel, (Note premiére,) afin d’enchaîner les Tons naturels avec les Diézis & les Bemols, & d’accoûtumer de bonne heure l’oreille à en faire la difference.

On fera enſuite le , en mettant le petit Doigt ſur la Clef, pour déboucher le ſeptiéme trou.

Le Mi & le Fa ſe feront, comme je l’ay marqué cy-devant, dans l’explication des Tons naturels. Si l’on me demande pourquoi il n’y a point de Diézis entre ces deux Notes, je repondray que c’est parce qu’il n’y a qu’un demi-Ton de l’une à l’autre. Par cette raiſon, lorſqu’il ſe trouve un Diézis ſur le Mi, on ſe ſert du Fa naturel, ce qui fait l’effet ordinaire du Diézis, qui eſt de hausser la Note d’un demi-ton. Il faut ſe souvenir de tourner l’embouchure en dedans : ce qui ſe doit faire en baiſſant un peu la tête.

Le Fa Diézis ſe forme en débouchant le ſixiéme & le ſeptiéme trou, & en laiſſant le cinquiéme débouché comme il l’étoit déja. J’explique cela de cette maniere afin que l’on connoiſſe qu’il ne faut point remettre les Doigts à chaque Ton, & qu’il les faut lever tout de ſuite, comme il eſt marqué par la Tablature. Pour ajuſter ce Ton, on doit tourner la Flute en dehors, & lever un peu la tête. Par ces termes, tourner la Flute, ou tourner l’embouchure, on doit entendre la même choſe.

Je n’expliqueray plus la poſition des Doigts, car je ſuppoſe que l’on connoît préſentement assez la Tablature pour n’avoir plus beſoin d’explication ; je parleray ſeulement de la maniere d’ajuſter les Tons.

Comme on a tourné la Flute en dehors, pour ajuſter le Fa Diézis, il faut la remettre dans ſa situation ordinaire pour le Sol naturel, après quoy l’on fera le Sol Diézis, & l’on tournera la Flute en dedans pour l’ajuſter.

On la remettra dans ſa situation pour le La naturel, & on la tournera en dedans pour le La Diézis : On peut encore baiſſer ce demi-Ton, en ajoûtant quelques Doigts, ce que j’ay démontré dans la Planche des Cadences.

On la remettra pour le Si & l’Ut naturel : Il n’y a point de Diézis entre ces deux Notes, par la même raiſon que j’ay alleguée parlant du Mi & du Fa : On ſe ſervira donc de l’Ut naturel pour faire le Si Diézis.

On tournera enſuite la Flute en dehors, le plus qu’on pourra pour l’Ut Diézis.

On la remettra pour le naturel & Diézis : Et l’on fera tout de ſuite le Mi & le Fa naturel. Il n’y a qu’un demi-Ton entre ces deux Notes, comme je l’ay marqué, en traitant de celles d’en bas.

On ajuſtera le Fa Diézis, le Sol naturel & Diézis, comme je l’ay démontré parlant de leur Octave en bas. J’expliqueray au Chapitre ſeptiéme quelqu’autre maniere de faire ce dernier, mais celle-cy étant la plus ſimple, nous commencerons par l’apprendre.

On remettra la Flute pour le La naturel : Et on la tournera en dedans pour le La Diézis.

On la remettra pour le Si & l’Ut naturel ; Et on la tournera en dehors pour l’Ut Diézis. J’expliqueray encore ce demi-Ton de quelqu’autre maniere au Chapitre VII.

On remettra la Flute pour le naturel & Diézis, à moins qu’ils ne fuſſent trop bas, comme ils le ſont à quelques Flutes : En ce cas il faudroit la tourner toûjours en dehors. Ces Tons hauts ſont difficiles à ajuſter ; il faut pour cela de l’oreille & de la pratique.

On doit auſſi tourner l’embouchure en dehors pour le Mi & bien ſoûtenir le vent.

J’ay expliqué cy-devant le Fa Diézis, & le Sol naturel tout en haut, ainſi il ſeroit ſuperflu d’en parler encore icy. Paſſons donc tout de ſuite aux Bemols, leſquels ſe raportent preſque tous aux Diézis : avec cette difference, que ce qui ſert de Bémol pour une Note, ſert de Diézis pour ſa Note inferieure, & cela par la raiſon que le baiſſe la Note d’un demi-Ton : & que le Diézis la hauſſe d’un demi-Ton : Les Cadences en ſont auſſi toutes differentes comme on le peut voir dans la Planche des Cadences. Je ne parlerai plus des Tons naturels, néanmoins il ſera bon de les faire tout de ſuite, comme ils ſont dans la premiére Planche, & de les ajuſter comme je l’ay expliqué ci-devant.

L’on voit donc, par la Tablature, que le Bemol, ſe raporte au Ré Diézis.

Le Mi Bemol, ſe pourroit faire auſſi comme l’Ut Diézis : mais il eſt plus parfait de la maniere que je le démontre dans la Tablature.

Le Si Bemol, ſe fait comme le La Diézis : Il faut tourner la Flute en dehors, ce qui fait quelque difference du Si Bemol au La Diézis, & il faut à quelques Flutes déboucher le ſeptiéme trou pour faciliter ce Ton.

Le La Bemol, ſe forme comme le Sol Diézis.

Le Sol Bemol, pourroit auſſi ſe faire comme le Fa Diézis, mais il eſt plus parfait comme je le démontre dans la Tablature : Pour l’ajuſter il faut tourner la Flute beaucoup en dedans. Ce demi-Ton eſt fort peu uſité, & ne ſe rencontre que dans des Tons fort chromatiques, ſur leſquels on ne compoſe guere pour cet Inſtrument.

Le Mi Bemol, ſe fait comme le Ré Diézis. Il faut tourner la Flute en dehors.

Le Ré Bemol, comme l’Ut Diézis. On ne ſçauroit tourner la Flute trop en dehors, pour ajuſter ce demi-Ton.

Le Si Bemol, comme le La Diézis.

Le La Bemol, comme le Sol Diézis. Il ne faut pas tant tourner la Flute en dedans.

Le Sol Bemol, eſt different du Fa Diézis auſſi bien que ſon Octave. On doit l’ajuſter de même en tournant la Flute en dedans. Pluſieurs perſonnes ne font point cette difference.

Le Mi Bemol, comme le Ré Diézis. Lorſque je compare un Bemol avec un Diézis, on conçoit bien que c’eſt entre les deux Notes qui ſont à peu près au même degré. Par exemple, je dis que le Mi Bemol (Note penultiéme,) ſe fait comme le Ré Diézis (Note deuxiéme,) & ainſi des autres.

Quelques obſervations que j’aye fait ſur la juſteſſe des demi-Tons, en faiſant tourner la Flute en dedans ou en dehors, on ne doit pas pour cela s’embaraſſer de cette délicateſſe dans les commencemens, ou l’on ne fait, pour ainſi dire, qu’ébaucher. On ſe contentera donc alors, d’acquerir la pratique de l’embouchure & des Doigts : après quoy l’on pourra s’exercer ſur ces raffinemens qui ſont eſſentiels pour la perfection & que l’on ne peut poſſeder qu’avec le temps.

Je n’ay point démontré l’Ut Diézis tout enbas, dans ma Tablature, parce que ce demi-Ton, ne ſe faiſant que par artifice, n’a point de poſition de main particuliere. On le fait comme le , (Note premiére) en bouchant tous les trous ; on tourne l’Embouchure en dedans ſuffiſamment pour gagner un demi-Ton ; & l’on fait le tremblement comme ſur le .



CHAPITRE VI.
Seconde Explication de la ſeconde Planche ſur les Cadences.


POur l’intelligence des Signes que l’on voit auprès des Notes de Musique, & ſur quelques-uns des 0. de la Tablature dans la ſeconde Planche, j’en donneray icy une explication.

1. La liaiſon qui embraſſe les deux Notes de Musique, faite de la maniere que l’on voit ici marque qu’il ne faut donner qu’un coup de langue pour les deux Notes. Il ſe donne ſur la premiére qui ne ſert que de préparation ou de port-de-voix à la Cadence, & l’on continuë le même vent, ſans reprendre haleine juſqu’à la fin de la Cadence ; ce que j’ay déja expliqué ailleurs. La petite Croix qui eſt au dessus ſignifie que c’eſt ſur cette Note qu’il faut trembler.

2. Le trait qui joint les deux 0. de la Tablature marque de quel trou vient le tremblement, & ſur lequel il ſe termine. On connoîtra par là les tremblements empruntez ; c’eſt à dire, qui ne s’achevent pas ſur le même trou, où l’on fait le port-de-voix. Par exemple celuy du , pris du Mi Bemol, ſe commence du Mi Bemol, en mettant le petit Doigt ſur la Clef, & il s’acheve du Mi naturel, en tremblant du ſixiéme Doigt ſur le ſixiéme trou, & laiſſant reboucher le ſeptiéme. On voit auſſi un trait friſé ſur le ſecond Zero, pour marquer que c’eſt ſur ce trou qu’il faut trembler.

La Cadence du Mi naturel, priſe du Fa Diézis, eſt de cette eſpece. On la commence en débouchant le cinquiéme, le ſixiéme & le ſeptiéme trou pour faire le Fa Diézis, qui luy ſert de port-de-voix, & on l’acheve en rebouchant le cinquiéme, & en tremblant ſur le quatriéme, ce qui éloigne le ſon ſuperieur, & marque davantage la Cadence ; au lieu qu’en tremblant ſur le cinquiéme, elle ne feroit pas aſſez d’effet. Il faut obſerver de relever le petit Doigt de deſſus la Clef lorſque l’on tremble, parceque cela hauſſeroit le Mi, & le rendroit faux, ce qui eſt démontré par la Tablature.

Je donneray auſſi une explication de la difference des Diézis & des Bemols, par les Cadences naturelles. Par exemple le Mi Bemol, & le Ré Diézis ſimples ſe font de même maniere, mais on voit que la Cadence du Mi Bemol, eſt priſe du Fa naturel, & que celle du Ré Diézis, eſt priſe du Mi naturel ; la premiére eſt d’un Ton entier, & l’autre d’un demi-Ton, ce qui en fait toute la difference : il en eſt ainſi de toutes les autres.

Il faut remarquer que les Cadences ou tremblements ne ſont pas toûjours marquez dans les Pieces de Musique, comme je les décris icy. On marque ſeulement la petite Croix faite de cette maniere + Il n’y a rien qui marque le port-de-voix, mais il ne faut pas laiſſer de le faire, & d’obſerver, tout ce que j’ay expliqué la deſſus.

Il y a quelques Tons hauts où l’on ne peut pas faire de Cadences. J’ay démontré celles qui ſe peuvent faire, mais on remarquera qu’on pratique rarement celles qui paſſent le Si en haut (Note vingt-deuxiéme.)

Au reſte je n’ay point parlé de la maniere d’ajuſter les Cadences ; Ce ne ſeroit qu’une répetition de ce que j’ay déja expliqué touchant les Tons simples, vû que ces Cadences ſont compoſées de ces mêmes Tons. Je diray ſeulement qu’il y en a quelques unes qu’il faut commencer en tournant l’embouchure en dedans, & finir en tournant l’embouchure en dehors : telle eſt la Cadence du Fa Diézis, priſe du Sol Diézis ; parceque les deux Tons qui la compoſent doivent eſtre ajuſtez differemment. Il y en a d’autres ou il faut obſerver tout le contraire, ce que l’on connoîtra par les explications que j’ay données ſur tous les Tons, Chapitre iii. & v.

Avec ces explications, & les démonſtrations que l’on voit dans la ſeconde Planche, on pourra facilement aprendre à faire toutes les Cadences. Il s’en trouve quelques unes qui ſe commencent, en bouchant le trou ſur lequel on doit trembler, & qui ſe finiſſent, en debouchant ce même trou ; Telle eſt la Cadence de l’Ut, (Note onziéme) dont j’ay parlé au Chapitre iv. On connoîtra cette difference par l’arrangement des Zeros : dans celles-cy le Zero noir précede le Zero blanc, ce qui eſt le contraire des autres.



CHAPITRE VII.
Remarques ſur quelques demi-Tons, & ſur quelques Cadences.


POur ne rien obmettre, je parleray ici de quelques demi-tons, & de quelques Cadences qui ſe peuvent faire differemment de la maniere dont je les ay démontrées. Je commenceray par le Sol Diézis enhaut, (Note dix-neuviéme,) quoique je l’aye demontrée dans ma Tablature de la maniere la plus ſimple. Mais comme il eſt un peu haut en le faiſant de cette premiére façon, on ſe ſert de plusieurs moyens pour le rendre plus bas.

1. Après avoir bouché le premier, le ſecond & le quatriéme trou (comme on le voit dans la Tablature) on bouche encore le ſixiéme trou, & l’on débouche le ſeptiéme par le moyen de la Clef. Cette maniere est aſſez en uſage, & meſme quelques perſonnes font la Cadence du quatriéme & du ſixiéme Doigt en même tems : mais elle n’eſt pas bien articulée, parcequ’il eſt difficile qu’une Cadence faite de deux Doigts ſi éloignez l’un de l’autre puiſſe eſtre bien diſtincte. Je ſerois donc d’avis que l’on empruntât toûjours la Cadence du ſecond Doigt, comme je l’ay démontrée dans la planche des Cadences ; en l’ajuſtant par le moyen de l’embouchure, c’eſt à dire en la tournant en dedans : il faut auſſi obſerver de ne pas beaucoup lever le Doigt en tremblant.

2. On bouche le premier, le ſecond, & le quatriéme trou, & enſuite la moitié du cinquiéme, mais avec diſcretion. Cette maniere eſt un peu moins embaraſſante que l’autre, parce qu’elle n’occupe que deux Doigts de la main d’en bas, leſquels étant voiſins agiſſent avec plus d’intelligence. La Cadence ſe prend toûjours du ſecond Doigt, en tournant auſſi la Flute en dedans. Il y a certains passages où l’on doit faire ce demi-Ton ; comme je l’ay démontré dans la Tablature, & cela pour éviter une trop grande difficulté.

Ce que j’ay dit du Sol Diézis ſe rapporte auſſi au La Bemol, (Note trente-neuviéme,) excepté la Cadence qui eſt difference, comme on le voit à la planche des Cadences.

La Cadence de l’Ut Diézis enhaut, (Note vingt-quatriéme) ſe peut faire auſſi de pluſieurs manieres. J’en donneray icy l’explication, auſſi bien que de quelques autres, plutôt pour ſatiſfaire la curioſité que pour en preſcrire un frequent uſage ; car ces Cadences ne ſe font pas ſur toutes ſortes de Flutes avec la même facilité.

La premiére maniere ſe pratique en bouchant le deuxiéme & le troiſiéme trou, & en tremblant ſur le quatriéme & ſur le ſixiéme en même temps ; Tous les autres trous doivent être débouchez, même le ſeptiéme. Il faut auſſi que les Doigts qui ont tremblé, reſtent ſur leurs trous en finiſſant la Cadence.

La ſeconde maniere eſt de boucher tous les trous, excepté le premier, & le cinquiéme. Il faut trembler ſur le ſixiéme trou, & le laiſſer débouché en finiſſant la Cadence : On peut encore trembler ſur la Clef, & obſerver la même choſe.

L’Ut Diézis ſans tremblement ſe peut faire auſſi en bouchant le troiſiéme & le quatriéme trou, & en laiſſant les autres débouchez. Le Ré Bemol ſe fait de même.

Je remarqueray encore touchant la Cadence du Si naturel en haut, (Note vingt-deuxiéme) que l’on peut la faire en bouchant les trois trous de la main d’en bas, & en tremblant à l’ordinaire ſur le premier trou. Elle ſe fait aiſement de cette maniere : mais elle eſt un peu trop haute ; il faut donc tourner l’embouchure en dedans pour l’ajuſter. Celle du Si Bemol en haut, (Note trente-ſeptiéme) ſe peut faire en bouchant le deuxiéme trou à moitié, & en tremblant ſur le premier & ſur le troiſiéme trou : On la pratique encore en tremblant ſur le premier & ſur le troiſiéme trou, en même temps, laiſſant tous les autres débouchez. Mais elle n’eſt pas bien naturelle de cette maniere.

La Cadence du La Diézis (Note vingt-uniéme) ſe peut faire en bouchant tous les trous, excepté le troiſiéme & le ſeptiéme. Il faut trembler ſur le deuxiéme trou, & tourner l’embouchure en dedans.

Celle du naturel tout en haut (Note vingt-cinquiéme) priſe du Mi Bemol, ſe peut faire auſſi ſur le cinquiéme & ſur le ſixiéme trou en même temps : en tenant les trois premiers bouchez, & en débouchant le quatriéme & le ſeptiéme : On doit forcer le vent & laiſſer les Doigts en l’air en finiſſant la Cadence. Il y a quelques Flutes où il faut déboucher le premier trou.

Je diray encore touchant l’Ut naturel d’en bas, (Note onziéme Planche premiére) qu’il y a quelques perſonnes qui le font en bouchant le ſecond, le quatriéme & le cinquiéme trou. Mais cette maniere ne me paroît pas bonne, parcequ’en le faiſant ainſi il n’eſt pas aſſez éloigné de ſon Diézis, & le demi-Ton ne ſe trouve pas juſte.



CHAPITRE VIII.
Des coups de Langue, Ports-de voix, Accents & doubles Cadences ſur la Flute Traverſiere & autres Inſtruments à vent..


APrès avoir expliqué la maniere de faire les Tons & Semi-Tons avec toutes leurs Cadences, il nous reſte encore à parler des coups de Langue & des agréments qui ſont abſolument neceſſaires pour la perfection du jeu. Ces agréments conſiſtent en Ports-de-voix, Áccents, doubles Cadences, Flâtements, Battements, &c. Je commenceray par une explication de tous les coups de Langue artitulez, & coulez, deſquels je donneray pluſieurs exemples, comme auſſi des Ports-de-voix, des Accents & des doubles Cadences, ce qui pourra ſervir pour tous les Inſtruments à vent ; Enſuite j’expliqueray la maniere de faire les Flâtements & les Batements, ſur la Flute Traverſiere.

Pour rendre le jeu plus agréable, & pour éviter trop d’uniformité dans les coups de Langue, on les varie en pluſieurs manieres ; Par exemple on ſe ſert de deux articulations principales ; Sçavoir, Tu & Ru. Le Tu eſt le plus en uſage, & l’on s’en ſert preſque par tout ; comme ſur les Rondes, les Blanches, les Noires & ſur la plus grande partie des Croches : car lorſque ces dernieres ſont ſur la même ligne, ou qu’elles ſautent, on prononce Tu. Lorſqu’elles montent ou deſcendent par degrez conjoints, on ſe ſert auſſi du Tu, mais on l’entremêle toûjours avec le Ru, comme l’on peut voir dans les Exemples cy-après, ou ces deux articulations ſe ſuccedent l’une à l’autre.

Premier Exemple.

Meſure à Deux-temps


Deuxiéme Exemple.

Autre Meſure à Deux-temps.

On doit remarquer que le Tu, Ru, ſe reglent par le nombre des Croches. Quand le nombre eſt impair on prononce Tu Ru, tout de ſuite comme l’on voit au premier Exemple. Quand il eſt pair on prononce Tu, ſur les deux premiéres Croches, enſuite Ru alternativement, comme l’on voit dans le deuxiéme Exemple.

On fera bien d’obſerver que l’on ne doit pas toûjours paſſer les Croches également & qu’on doit dans certaines Meſures, en faire une longue & une breve ; ce qui ſe regle auſſi par le nombre. Quand il est pair on fait la premiére longue, la ſeconde breve, & ainſi des autres. Quand il eſt impair on fait tout le contraire ; cela s’appelle pointer. Les Meſures dans leſquelles cela ſe pratique le plus ordinairement, ſont celle à Deux-temps, celles du triple ſimple, & celle de ſix pour quatre.

On doit prononcer Ru, ſur la Note qui ſuit la Croche quand elle monte ou deſcend par degrez conjoints.

Exemple.

Triple ſimple


Autre Exemple.

Six pour quatre


Il y a auſſi certains Mouvemens où l’on ne ſe ſert que du Tu, pour les Croches.

Exemple.


Autre Exemple.
Autre Exemple.


On prononce Tu ſur toutes ces Croches, & l’on ne ſe ſert du Ru, que ſur les doubles Croches ; C’eſt que les Croches ſuppoſent des Noires, & les Doubles Croches des Croches ſimples, dans ces ſortes de mouvemens, auſſi-bien que dans les Meſures de 6/8 12/8 & 9/8 Il faut auſſi dans ces Meſures paſſer les Croches également, & pointer les Doubles Croches.

On ſe ſert du Ru ſur les doubles Croches ; ſuivant les Regles que j’ay données pour les Croches ſimples ; On s’en ſert même plus frequemment : car ſoit que ces Doubles Croches ſoient ſur la même ligne, ſoit qu’elles ſautent, on ne laiſſe pas de le faire.

Exemple.


Quoique ces Regles ſoient générales, elles admettent cependant quelques exceptions, dans certains paſſages, comme on le peut voir icy.

Exemples.


On conſoit qu’il fait prononcer Tu, Ru, ſur les deux premieres Croches ſimples ou doubles, au nombre pair ; ce qui ſe pratique frequemment lorſqu’il ſe trouve deux Croches entremêlées avec des Noires : ou bien deux doubles Croches, avec des Croches ſimples. Cela ſe fait pour un plus grand adouciſſement, & c’eſt le goût qui en décide. On doit donc conſulter ce même goût, lorſque les coups de Langue paroîtront rudes en les faiſant de la maniere que je les ay expliquez dans les premiers Exemples, & l’on doit s’arreſter à ce qui ſemblera le plus agréable à l’Oreille, ſans avoir égard à l’arrangement des Notes, n’y aux differens mouvemens. On obſervera ſeulement de ne point prononcer Ru ſur les Tremblements ; ny ſur deux Notes de ſuite, parceque le Ru doit toûjours être mêlé, alternativement avec le Tu.

Dans la Meſure du Triple double, on prononce Tu, Ru, entre les Noires, & Ru, ſur la Blanche qui eſt précedée d’une Noire, en montant ou en deſcendant, par degrez conjoints.

Exemple.

Triple double.

Nous pourrons donc avancer que tous les Triples ſe rapportent au triple ſimple, & nous pourrons dire que dans le Triple double, les Blanches ſuppoſent des Noires, & les Noires des Croches ; c’est pourquoy il faut pointer les Noires dans cette Meſure, ſuivant l’explication que j’ay donnée plus haut, au ſujet des Croches.

Il ſera bon de remarquer que les coups de Langue doivent etre plus ou moins articulez, ſelon l’Inſtrument dont on joüe ; Par exemple on les adoucit ſur la Flute Traverſiere. On les marque davantage ſur la Flute à Bec, & on les prononce beaucoup plus fortement ſur le Haut-Bois.

Des Coulez.

Il faut encore faire attention aux Coulez. Ce ſont deux ou pluſieurs Notes paſſées d’un même coup de Langue, ce qui eſt marqué au deſſus ou au deſſous des Notes par des liaiſons.

Exemples.
Du Port-de-voix, & du Coulement.

Le Port-de-voix eſt un coup de Langue anticipé d’un degré, au deſſous de la Note ſur laquelle on le veut faire. Le Coulement eſt pris un dégré au deſſus, & ne ſe pratique guere que dans les intervalles de Tierces en deſcendant.

Exemple.

Ports-de-voix.


Exemple.

Coulements.


Ces petites Notes qui marquent les Ports-de-voix, & les Coulements, ne ſont comptées pour rien dans la Meſure ; on les articule neanmoins, & on coule les Notes principales. Souvent on joint les battements avec les Ports-de-voix, comme on le peut voir aux endroits marquez dans l’exemple des Ports-de-voix d’un 3 & d’un 4. On apprendra à connoître les battements dans le Chapitre IX.

Des Accents, & des doubles Cadences.

L’Accent est un ſon que l’on emprunte ſur l’extremité de quelques Tons, pour leur donner plus d’expression. La double Cadence eſt un tremblement ordinaire, ſuivy de deux Doubles Croches, coulées ou articulées.

Exemple.


Exemple.



CHAPITRE IX.
Des Flattements ou Tremblements Mineurs, & des Battements.


LE Flattement ou Tremblement Mineur, ſe fait preſque comme le Tremblement ordinaire : Il y a cette difference, que l’on releve toûjours le Doigt en le finiſſant, excepté ſur le  ; De plus on le fait ſur des trous plus éloignez, & quelques-uns ſur le bord ou l’extremité des trous ; Il participe d’un ſon inferieur ce qui eſt le contraire du tremblement.

Le Battement ſe fait en frappant une ou deux fois de ſuite, & le plus vite qu’on peut ſur le trou toûjours plein, ou tout bouché ; & le plus proche du ton ou l’on veut le faire. On doit encore relever le Doigt en finiſſant le Battement, excepté ſur le , comme je l’expliqueray cy-apres ; Il participe auſſi d’un ſon inferieur.

Pour commencer par le flattement du naturel en bas, ſuivant l’ordre de la premiére Planche ; je diray qu’il ne ſe peut faire que par artifice. Comme l’on ne peut ſe ſervir d’aucun Doigt pour le faire, (puiſqu’ils ſont tous occupez à boucher les trous,) on ébranle la Flute avec la main d’enbas, enſorte que l’on puiſſe imiter par ce moyen le flattement ordinaire. Pour ce qui eſt du Battement, il n’y en peut point avoir.

Le flattement du Ré Diézis, ou Mi Bemol, ſe fait comme celuy du naturel. Le Battement ſe forme ſur la Clef avec le petit Doigt, & il y doit reſter appuyé.

Le flattement du Mi naturel, ſe fait ſur le bord du ſixiéme trou. Le battement ſe forme ſur le même trou plein.

Les flattements & les battements du Fa naturel & du Fa Diézis ſe font ſur le cinquiéme trou ; Sçavoir les flattements ſur le bord du trou, & les battements ſur le trou plein.

Le flattement du Sol naturel ſe peut faire de deux manieres : Sçavoir ſur le bord du quatriéme trou, ou ſur le cinquiéme trou plein. Le battement ſe fait ſur le quatriéme trou.

Le flattement du Sol Diézis ou La Bemol, ſe forme ſur le bord du troisiéme trou. Le battement ſur le même trou.

Le flattement du La naturel, ſe fait ſur le quatriéme trou plein, ou ſur le bord du troiſiéme. Le battement ſur le troiſiéme.

Le flattement du La Diézis, ou Si Bemol, ſe forme ſur le ſixiéme trou plein. Le battement ſur le même trou, ou ſur le deuxiéme, quand il eſt précedé d’un port-de-voix.

Le flattement du Si naturel, ſe fait ſur le troiſiéme trou plein. Le battement ſur le deuxiéme.

Le flattement de l’Ut naturel, ſe forme ſur le quatriéme trou plein. Le battement ſur le quatriéme & le cinquiéme trou en même temps, ou ſur le premier quand il eſt précedé d’un Port-de-voix.

Le flattement de l’Ut Diéziz, ou Ré Bemol, ſe fait ſur le deuxiéme trou plein. Le battement ſur le premier.

Le flattement du naturel, se forme ſur le deuxiéme trou. Il eſt different des autres, en ce qu’il faut tenir le trou bouché en le commençant, & en le finiſſant. On doit obſerver de ne pas beaucoup lever le Doigt. Le battement se fait ſur le quatriéme trou, quand on joüe dans un ton naturel, & ſur le deuxiéme & troiſiéme en même temps, quand on joüe dans un ton où l’Ut eſt Diézis. Il faut que les trous ſoient auſſi bouchez en commençant, & en finiſſant.

Le flattement du Ré Diézis ou Mi Bemol ſe forme ſur le premier trou, lequel doit reſter bouché avant & après. Le battement ſe fait ſur la Clef, pour le Mi Bemol, de la maniere que je l’ay expliqué, en parlant de celuy d’en bas. Quant au Ré Diézis, il ſe fait ſur le deuxiéme & le troiſiéme trou en même temps. Le premier trou doit étre débouché, & il faut réboucher le deuxiéme & le troiſiéme trou, en finiſſant le battement.

Les flattements & battements depuis ce ton juſqu’au La Diézis ou Si Bemol, ſe ſont comme à leurs Octaves en bas. Le flattement de ce dernier, ſe forme ſur le bord du quatriéme trou. Le battement ſe peut faire ſur le même trou, ou bien ſur le deuxiéme principalement quand il eſt précedé d’un port-de-voix.

Le flattement de l’Ut naturel, ſe fait en deux manieres ; Sçavoir ſur le ſixiéme trou, ou ſur le troiſiéme. Le battement ſe forme de même, & aussi ſur le premier trou quand il eſt précedé d’un port-de-voix.

Le flattement du naturel, ſe fait íur le deuxiéme trou, ainsi qu’à ſon Octave. Le battement ſe forme ſur le deuxiéme & ſur le troiſiéme trou en même temps.

Le flattement du Ré Diézis ou Mi Bemol, ſe fait auſſi comme à ſon Octave. Le battement ſe forme de même, ou bien ſur le cinquiéme et le sixiéme trou en même temps. On doit tenir le quatriéme, & le ſeptiéme débouchez. On doit remettre les Doigts en finiſſant.

Le flattement du Mi naturel ſe forme ſur le bord du troiſiéme trou. Le battement ſur le même trou plein.

Je laiſſe les Tons au deſſus, comme étant trop forcez ; il ne faudra même faire quelques-uns de ces derniers, que lorſque l’on ſera fort avancé.

Ces agréments ne ſe trouvent pas marquez dans toutes les pieces de Muſique, & ne le ſont ordinairement que dans celles que les Maîtres écrivent pour leurs Ecoliers ; voicy de quelle maniere.

Exemple.

Flatement. Battement.


Au reſte il ſeroit difficile d’enſeigner à connoître préciſement tous les endroits où l’on doit les placer en joüant ; ce que l’on peut dire la deſſus en général, c’eſt que les Flatements ſe font frequemment ſur les Notes Longues : comme ſur les Rondes A, ſur les Blanches B, ſur les Noires pointées C, &c. Les Battements ſe font plus ordinairement ſur les Notes Breves : comme ſur les Noires ſimples D, dans les mouvements legers ; & ſur les Croches, dans les Meſures où elles ſe paſſent également. On ne peut guere donner de Regles plus certaines de la distribution de ces agréments, c’eſt le goût & la pratique, qui peuvent apprendre à s’en ſervir à propos, plutôt que la Theorie. Ce que je puis conſeiller ; c’eſt de joüer pendant quelque temps ſur des Pieces où tous les agréments ſoient marquez, afin de s’accoûtumer peu à peu à les faire ſur les Notes où ils reüſſiſſent le mieux.


Fin du Traité de la Flute Traverſiere.