Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/p2/1a
I.
DURÉE RELATIVE OU PROPORTIONNELLE.
196. Les sons dont se compose un morceau de musique, comparés les uns aux autres, diffèrent non-seulement par l’intonation, mais encore par la durée plus ou moins longue de chacun. Ces rapports de durée constituent la durée relative ou proportionnelle. |
Rapports de durée. |
197. La proportion la plus simple, celle que l’oreille apprécie le mieux, est le rapport du tout à sa moitié. En conséquence, nous aurons d’abord la division binaire : l’unité de durée partagée en demies ; puis, au moyen de subdivisions, en quarts, huitièmes, seizièmes, etc. | Division binaire. |
198. Ces rapports de durée sont figurés dans la notation au moyen des formes diverses de la note, laquelle remplit ainsi une double fonction : par sa position sur la portée, elle indique l’intonation du son; par sa forme, elle en marque la durée proportionnelle. | Notation : signes de la durée (division binaire). |
200. Nous savons encore que l’interruption momentanée des sons est marquée au moyen de signes nommés silences. |
201. Que chaque valeur de note a son équivalent en silence : la pause équivaut à la ronde[1] ; la demi-pause , à la blanche ; le soupir , à la noire ; le demi-soupir , à la croche ; le quart de soupir , à la double croche ; le huitième de soupir , à la triple croche ; le seizième de soupir , à la quadruple croche. C’est ce que fait voir l’exemple suivant : |
Durée égale |
ronde | blanche | noire | croche | double- croche |
triple- croche |
quadruple- croche | ||
en notes : | |||||||||
en silences : | |||||||||
pause | demi- pause |
soupir | demi- soupir |
quart de soupir |
huitième de soupir |
seizième de soupir |
202. On emploie en outre, quelquefois, un signe de valeur emprunté à l’ancienne notation : c’est la carrée, note qui vaut deux rondes[2]. | |
À cette valeur correspond un silence appelé bâton de deux pauses | |
[3]. | Enfin, il y a le bâton de quatre pauses , silence pour lequel il y avait, dans l’ancienne notation, une note de valeur correspondante (la longue). Le bâton de quatre pauses équivaut à deux carrées ou quatre rondes
203. Nous savons que le point placé après une note en augmente la valeur de moitié : qu’ainsi une ronde pointée vaudra une ronde et demie, ou trois blanches ; qu’une blanche pointée vaudra une blanche et demie, ou trois noires. De même à l’égard des autres valeurs. Une note pointée est donc naturellement divisible par trois. | Le point d’augmentation. |
204. De plus, on se souvient qu’une note peut recevoir deux, et même trois points d’augmentation successifs ; que le deuxième point vaut la moitié du premier, et le troisième la moitié du second : qu’ainsi une ronde suivie de deux points vaut une ronde, une blanche et une noire. | |
205. Enfin, on a vu que le point d’augmentation était applicable aux signes de silence. | |
206. Outre les rapports de durée résultant de la division binaire, l’oreille apprécie très-bien encore ceux qui proviennent de la division ternaire. | Division ternaire. |
207. Nous avons vu (§203) comment le point d’augmentation pouvait devenir un signe de la division ternaire[5]; le tableau ci-dessus des valeurs pointées en fournit la démonstration. | Signes de la division ternaire. |
208. Mais il est des cas où une valeur simple (une note non pointée) doit elle-même subir la division ternaire[6]. | |
Un groupe de trois notes égales, occupant la durée d’une valeur simple, se nomme triolet. | |
209. On n’a pas créé de figures particulières pour écrire les triolets, mais on se sert à cet effet des figures de la division binaire, dont ordinairement la nouvelle signification est indiquée par le chiffre 3 placé au-dessus ou au-dessous du groupe. | Triolet. |
On voit, par cet exemple, que chaque croche du triolet ne vaut plus que le tiers de la noire. | |
210. Chacune des notes d’un triolet pouvant, comme toute autre valeur, se diviser en deux moitiés, il en résultera un groupe de six notes égales, auquel on donne le nom de sixain ou de sixtiolet. | Sixains ou sixtiolets. |
211. Le sixain s’indique au moyen du chiffre 6 placé au-dessus ou au-dessous du groupe, et signifiant : six notes pour quatre de la même figure. |
EXEMPLES : | ||
équivaut à : |
212. Il faut se garder de confondre le sixain avec le double triolet. Celui-ci serait également composé de six notes, mais groupées par trois, et non deux par deux comme celles du sixain. | Différence entre le sixain et le double triolet. |
En effet, le sixain résulte de la division binaire d’un produit ternaire ; et le double triolet, de la division ternaire d’un produit binaire. |
[7] |
On comprend qu’en raison de l’accentuation qui doit marquer ces divisions (voyez ci-après, § 226), l’effet rhythmique de ces deux groupes sera très-différent. |
213. Les silences peuvent entrer dans la formation des triolets et des sixains. Le silence est alors d’une valeur égale à celle de la note dont il tient la place. | Les silences peuvent entrer dans la formation des triolets et des sixains. |
214. On rencontre quelquefois des groupes composés de cinq notes, de sept, de neuf, ou d’autres nombres pairs ou impairs. Alors, comme pour le triolet et le sixain, le chiffre indicateur du nombre des notes dont se compose le groupe est écrit au-dessus. | Valeurs irrégulières. |
valant | valant | valant |
Dans le premier de ces trois exemples, la ronde liée à la blanche forme une valeur qui pourrait être plus simplement figurée par une ronde pointée ; mais les valeurs indiquées aux deux autres exemples ne pourraient être écrites sans le secours de la liaison. | |
216. Plusieurs valeurs consécutives pouvant être ainsi réunies par des liaisons, le compositeur aura le moyen d’indiquer telle prolongation de durée qu’il lui plaira de donner au son. | Tenues. |
║ |
Une semblable prolongation d’un même son se nomme une tenue. |
RÉSUMÉ.
A. La durée proportionnelle des sons s’indique au moyen de la figure qu’on donne aux notes.
B. Par leur position sur la portée, les notes marquent l’intonation ; par leurs formes diverses, elles marquent la durée.
C. Les noms que reçoivent les notes, comme signes de durée, se rapportent à leur forme. Ces noms sont :
Ronde, blanche, noire, croche, double croche, etc.
D. Les figures de notes, désignées par ces noms, indignent ordinairement des valeurs binaires : la ronde vaut deux blanches ; la blanche vaut deux noires, etc.
E. Il y a, pour chaque valeur de note, un signe de silence correspondant : la pause, qui équivaut à la ronde ; la demi-pause, à la blanche ; le soupir, à la noire ; le demi-soupir, à la croche, etc.
F. À ces signes de valeur (notes ou silences), on peut appliquer le point d’augmentation, lequel a pour effet d’accroître de moitié la durée de la note ou du silence dont il est précédé : une ronde valait deux blanches ; pointée, elle en vaudrait trois. Le point d’augmentation rend donc la valeur qui le reçoit divisible par trois.
G. On peut placer après une note deux et même trois points d’augmentation ; chacun de ces points égale la moitié de la valeur dont il est immédiatement précédé.
H. Les signes que nous venons de mentionner expriment des rapports binaires ; cependant la division ternaire de la durée est aussi fort naturelle.
I. Il n’y a pas de figure particulière pour noter les produits de cette division.
J. Le point d’augmentation est souvent employé comme moyen de division ternaire ; on pointe la note afin de la rendre divisible par trois.
K. Mais il y a des cas où une valeur simple doit recevoir la division ternaire. Pour exprimer cette division, il faut avoir recours au triolet.
L. Un triolet est donc un groupe de trois notes égales équivalant à une valeur simple (une note non pointée).
M. On écrit le triolet avec les figures de la division binaire, mais en marquant le groupe du chiffre 3.
N. Si l’on divise par deux chacune des notes d’un triolet, il en résulte un groupe de six notes qu’on nomme sixain ou sixtiolet.
0. Le sixain est indiqué par le chiffre 6 placé au-dessus du groupe.
P. Le sixain ne doit pas être confondu avec le double triolet, l’accentuation rhythmique groupant par deux les notes du sixain (trois fois deux notes), et par trois les six notes du double triolet (deux fois trois notes).
Q. On rencontre quelquefois des groupes de valeurs irrégulières. Comme pour le triolet et le sixain, on marque le groupe du chiffre indiquant le nombre de notes qu’il renferme, et dont l’ensemble doit égaler la durée d’une valeur régulière.
R. Par le signe nommé liaison, on réunit les différentes valeurs, et l’on obtient de nouvelles combinaisons de durée.
EXERCICES.
Comment indique-t-on la durée proportionnelle des sons ? — A.
Comment une même note marque-t-elle en même temps
l’intonation et la durée ? — B.
Quels noms donne-t-on aux diverses figures par lesquelles
on exprime la durée proportionnelle des sons ? — C.
Quels sont les rapports de durée indiqués par ces
divers signes ? — D.
Quels noms donne-t-on aux divers signes de silence ? — E.
Quels sont les rapports de durée indiqués par ces
divers silences ? — E.
Chacune des valeurs (notes ou silences) ne peut-elle
être augmentée de moitié ?
Quel est le signe de cette augmentation ? — F.
Peut-on placer plus d’un point d’augmentation
après une note ? — G.
Les sons n’ont-ils entre eux d’autres rapports de durée que ceux
qui proviennent de la division binaire ? — H.
Les notes reçoivent-elles une forme particulière pour marquer
la division ternaire ? — I.
Quel moyen emploie-t-on pour rendre une note divisible
par trois ? — J.
À quel moyen a-t-on recours pour écrire les valeurs résultant
de la division ternaire des notes simples
(notes non pointées) ? — K.
Définissez le TRIOLET. — L.
Comment marque-t-on le triolet ? — M.
Qu’est-ce qu’un SIXAIN ou SIXTIOLET ? — N.
Comment le marque-t-on ? — O.
En quoi le sixain diffère-t-il du DOUBLE TRIOLET ? — P.
Ne rencontre-t-on pas quelquefois d’autres valeurs que
les précédentes ? — Q.
De quel secours peut être la LIAISON dans la notation
de la DURÉE ? — R.
Combien faudrait-il de notes de telle figure pour égaler telle
valeur simple ? telle valeur pointée ? doublement pointée ?
Quel est le silence égal à telle valeur de note ?
(Ou la question inverse.)
Quel serait le triolet égalant une note de telle valeur ?
Combien faudrait-il de triolets de telle sorte pour égaler telle valeur ?
- ↑ La pause sert aussi à indiquer le silence d’une mesure quelconque, d’une valeur moindre que la ronde ou qui n’excède pas une ronde pointée.
- ↑ La carrée est la brève de l’ancienne notation.
Voici quels étaient les noms et les signes de valeurs dans l’ancienne notation musicale :
Maxime Longue Brève aujourd’hui la carrée, Semi-brève aujourd’hui la ronde. Minime aujourd’hui la blanche. On voit qu’alors les signes des valeurs tiraient leurs noms des rapports de durée qu’ils représentaient, tandis que, aujourd’hui, les dénominations se rapportent à la figure de la note. La raison en est que, dans notre notation moderne, une même figure de note peut représenter des valeurs différentes, résultant : les unes de la division binaire, et formant des demies comme dans le tableau précédent ; les autres de la division ternaire, et formant des tiers, ainsi que cela a lieu dans le triolet (voyez ci-après §§208 et 209).
- ↑ On indique un silence d’un grand nombre de mesures au moyen des signes précédents, ou plus simplement, par une double barre placée obliquement sur la portée, et surmontée du chiffre marquant le nombre de pauses à compter. Exemple:
Silence
de onze mesures. - ↑ Valeurs, pour signes des valeurs des notes ; locution usitée parmi les musiciens.
- ↑ Voyez ci-après la note 1, à la page 162.
- ↑ Quelquefois la valeur qui doit recevoir une division ternaire ne pourrait être figurée par une note pointée. C’est alors qu’il faut nécessairement avoir recours au triolet.
EXEMPLES :
* La blanche pointée, au lieu d’être divisée tout naturellement en trois noires, reçoit dans cet exemple une division binaire, ce qui donne deux noires pointées, élément ternaire. - ↑ Il n’y aurait pas de confusion possible, si les compositeurs avaient toujours la précaution d’écrire le double triolet ainsi que nous l’avons fait dans cet exemple. Mais trop souvent, par négligence, ils marquent également d’un 6 le groupe du sixain et celui du double triolet, laissant à la sagacité de l’exécutant le soin de deviner leur intention.