Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/p2/1b

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DE LA MESURE.



217. La durée totale d’un morceau de musique est toujours fractionnée en courtes et égales portions de durée, marquées, à leur début, par un son plus accentué.  
xxCe fractionnement de la durée musicale en courtes et égales portions est ce qui constitue la mesure. Mesure (sens général).
xxSentir la mesure, jouer en mesure, c’est sentir et observer l’égalité de cette division, et marquer exactement l’accentuation qui la rend saisissable.
Le mot mesure, pris dans ce sens, est à peu près synonyme de rhythme[1].

218. Chacun de ces fragments de durée forme ce que l’on appelle une mesure. Ainsi on indique la longueur d’un morceau en signalant le nombre de mesures dont il se compose. Mesure
(sens restreint).
219. Pour figurer les mesures, dans l’écriture musicale, on divise la portée au moyen de lignes qui la traversent perpendiculairement. Ces lignes se nomment barres de mesure ou de séparation (Premières notions). Système graphique.
220. L’espace compris entre deux barres de mesure consécutives se nomme une mesure (Premières notions), tout comme le fragment de durée dont il sert à écrire les signes.
221. Ces signes, on le conçoit, doivent représenter une somme de valeurs égale pour chaque mesure (Premières notions).
222. Une mesure se divise elle-même en deux, trois ou quatre parties égales, qu’on appelle temps. Temps de la mesure.
223. On compte donc trois espèces de mesures : la mesure à deux temps, la mesure à trois temps et la mesure à quatre temps (Premières notions).
224. Cependant on peut dire qu’il n’y a en réalité que la mesure à deux temps ou binaire, et la mesure à trois temps ou ternaire ; car la mesure à quatre temps peut toujours être transformée en mesure à deux temps. Mesure binaire et mesure ternaire.
225. Le premier temps est appelé temps fort, parce qu’il porte l’accentuation qui marque la mesure. Les autres temps sont, par rapport à celui-ci, des temps faibles.
xxDans la mesure à quatre temps, le premier temps est fort, et le troisième est demi-fort. Le deuxième et le quatrième temps sont faibles[2].
Temps fort et temps faibles.
226. Chaque temps, fort ou faible, se divise et se subdivise lui-même en plusieurs parties. La première partie du chacune de ces divisions ou subdivisions, est toujours, par rapport aux autres, une partie forte. Division des temps.


227. On classe les mesures en mesures simples et en mesures composées. Classification
des mesures.
228. On nomme mesures simples celles dont les temps sont binaires, c’est-à-dire divisibles par deux. Mesures simples.
229. La somme des valeurs formant chaque temps d’une mesure simple égale toujours un signe de valeur simple : une ronde, une blanche, une noire ou une croche non pointées. (Voy. le tableau des mesures, pages 163 et 164.) Notation des
mesures simples.
230. On appelle mesures composées celles dont les temps sont ternaires, c’est-à-dire divisibles par trois. Mesures composées.
231. La somme des valeurs formant chaque temps d’une mesure composée égale toujours un signe de valeur pointé : ronde, blanche, noire ou croche pointées[3]. (Voy. le tableau des mesures, pages 163 et 164.) Notation des
mesures composées.
232. Chacun de ces quatre signes, la ronde, la blanche, la noire, la croche, pouvant, dans chaque espèce de mesure, représenter la valeur d’un temps, on aura quatre formes de notation pour exprimer de mêmes rapports rhythmiques[4]. Quatre formes de notation.
233. On indique les diverses mesures par des chiffres, sous forme de fractions dont l’unité est la ronde.
xxLe chiffre supérieur (le numérateur) indique la quantité de valeurs formant la mesure, et le chiffre inférieur (le dénominateur) marque la qualité de ces valeurs.
xxAinsi, ces chiffres      signifient que la mesure est formée de deux quarts de ronde, c’est-à-dire de deux noires. Ceux-ci      veulent dire que la mesure contient trois moitiés de ronde, c’est-à-dire trois blanches.
Comment on indique les mesures.
234. Dans les mesures simples, le chiffre supérieur est toujours 2, 3 ou 4 ; et ces chiffres marquent le nombre des temps. Chiffres distinctifs des mesures simples.


235. Dans les mesures composées, ces chiffres 2, 3 ou 4, sont remplacés par leur multiple 6, 9 et 12. Chiffres distinctifs des mesures composées.
236. Pour certaines mesures simples, les chiffres indicateurs sont remplacés, le plus souvent, par un signe de convention.
237. Les chiffres indicateurs de la mesure, ou les signes qui les remplacent, se posent en tête du morceau, sur la portée et immédiatement après l’armure de la clef (Premières notions). Position des chiffres indicateurs de la mesure.
238. On est dans l’usage de désigner les mesures par le nom des chiffres fractionnaires qui les représentent.
xxAinsi, la mesure formée de deux quarts de ronde (deux noires), et chiffrée en conséquence par   , s’appelle mesure à deux-quatre. Celle formée de trois demies (trois blanches), et représentée par   , se nomme mesure à trois-deux. La mesure contenant six huitièmes de ronde (six croches), et marquée par   , est appelée mesure à six-huit ; et ainsi des autres.
Par quels noms on désigne les diverses mesures.
239. À chaque mesure simple, correspond une mesure composée, et vice versâ. Correspondance entre les mesures simples et les mesures composées.
240. Une mesure simple étant donnée, il suffit, pour obtenir la mesure composée correspondante, d’ajouter un point à la valeur qui constitue un temps dans cette mesure simple, c’est-à-dire, de rendre la valeur du temps divisible par trois ; et, réciproquement, il n’y a qu’à supprimer le point à la valeur qui représente le temps dans une mesure composée, pour trouver la mesure simple correspondante.
241. En multipliant par trois le chiffre supérieur d’une mesure simple, et par deux le chiffre inférieur, on obtient les chiffres indicateurs de la mesure composée correspondante. Ainsi, à la mesure simple à    correspond la mesure composée à    ; la mesure simple à    a pour correspondante la mesure composée à   , etc.
xxSi, au contraire, on voulait connaître les chiffres indicateurs de la mesure simple au moyen de ceux de la mesure composée, il faudrait faire l’opération inverse, c’est-à-dire, diviser le chiffre supérieur par trois, et le chiffre inférieur par deux. De cette manière,    donnera    ou   ,   .
Comment par les chiffres indicateurs d’une mesure simple, on connaît ceux de la mesure composée correspondante. Et réciproquement.
242. Les diverses mesures, avec leurs quatre formes de notation, peuvent se formuler ainsi : Tableau des diverses mesures simples et composées.


MESURES SIMPLES
(TEMPS BINAIRES).
MESURES COMPOSÉES
(TEMPS TERNAIRES).
Pour chaque temps. 1° Une ronde. Pour chaque temps. 1° Une ronde pointée.
2° Une blanche 2° Une blanche pointée.
3° Une noire. 3° Une noire pointée.
4° Une croche. 4° Une croche pointée.
À DEUX TEMPS. À DEUX TEMPS,
À TROIS TEMPS. À TROIS TEMPS.
À QUATRE TEMPS. À QUATRE TEMPS.



xxToutes ces mesures, et les chiffres ou signes qui les indiquent, sont présentés dans le tableau suivant :  

TABLEAU GÉNÉRAL
DE TOUTES LES MESURES SIMPLES ET COMPOSÉES
(USITÉES OU INUSITÉES).



243. Les mesures simples les plus usitées dans la musique moderne, sont celles où la noire forme la valeur du temps. Mesures usitées dans la musique moderne.
xxOn emploie aussi très-souvent la mesure à deux temps, ayant une blanche par temps, c’est-à-dire la mesure à deux-deux.
xxEnfin, parmi les mesures où la croche est prise pour valeur du temps, on n’emploie généralement que la mesure à trois-huit.
xxQuant aux mesures composées à deux, à trois ou quatre temps, on ne fait guère usage que de celles où le temps est représenté par la valeur de la noire pointée.
244. Nous devons ajouter qu’on a fait quelques essais de mesure à cinq temps. Mais il est peu probable que l’emploi d’une telle mesure se généralise, à cause de la difficulté que l’oreille éprouve à apprécier le rhythme quinquennaire[5].
xxLes mesures à cinq temps se chiffreraient d’après les principes établis pour les autres mesures.
Mesure à cinq temps.


  1. Le rhythme (du grec rhythmos, nombre, mesure) signifie en général « les proportions qu’ont entre elles les parties d’un même tout ». En musique, ce terme désigne, comme nous l’avons vu, la durée proportionnelle du temps qui s’écoule entre l’articulation de chaque son. On peut donc dire du rhythme comme de la mesure, que c’est « l’ordre dans le temps ». (F. Halévy, Leçons de lecture musicale.)
    xxxLe rhythme se fait sentir et acquiert même un effet puissant par le retour périodique des mêmes formes symétriques, des mêmes combinaisons de durée. Supposons, par exemple, une noire suivie de deux croches, cette forme rhythmique est, par elle-même, insignifiante et associée à d’autres combinaisons, elle ne fera sur l’oreille aucune impression ; mais que cette même forme se reproduise sans interruption durant un certain temps, son action va s’accroître, et elle peut acquérir une grande puissance.
    xxxLe mot rhythme se prend aussi dans une acception plus large. Il s’applique alors aux proportions qui existent entre les diverses phrases ou portions de phrases musicales, c’est-à-dire, à la symétrie dans la ponctuation mélodique, ou phraséologie musicale, qu’on désigne sous le nom de carrure des phrases.
    xxxOn appelle phrase musicale une succession de sons, un groupe de mesures, dont l’ensemble constitue une idée mélodique.
  2. Cette distinction des temps dans la mesure à quatre temps n’infirme en rien ce que nous venons de dire au § 224, car les rapports d’intensité, dans les diverses parties de la mesure, seraient les mêmes si, au lieu de la partager en quatre temps, on ne la divisait qu’en deux. Le temps demi-fort, faible relativement au premier, deviendrait alors le second temps, et les temps faibles de la division en quatre temps ne figureraient plus dans la division en deux temps que comme partie faible de ces temps (§226).
  3. Bien que les temps de la mesure composée soient exprimés par un signe de valeur pointé, il ne s’ensuit pas qu’ils soient nécessairement plus longs que ceux de la mesure simple qui sont représentés par un signe de valeur simple.
    xxEn effet, la nature de la division du temps n’en détermine pas la durée : un temps se divisant par trois n’est pas plus grand qu’un temps se divisant par deux ; dans l’un et l’autre cas, sa durée est toujours essentiellement arbitraire.
    xxDans ce sens, on peut donc dire que le point d’augmentation servant à formuler la valeur ternaire du temps, dans les mesures composées, est une véritable fiction, et qu’il doit être considéré alors plutôt comme signe de division que comme signe d’augmentation.
    xxCette remarque est applicable à l’emploi du point d’augmentation servant à formuler la valeur totale d’une mesure ternaire.
  4. Ces quatre formes de notation avaient pour objet de marquer quatre degrés de mouvement, et elles étaient désignées par les noms de mesures doubles, de mesures longues, de mesures courantes et de mesures brèves.
    xxMaintenant qu’on a le moyen d’indiquer exactement la durée absolue d’une valeur, et en conséquence le degré de vitesse du mouvement, une seule de ces quatre manières d’écrire suffirait ; et, en effet, plusieurs ont été abandonnées. Mais cela ne s’est pas fait avec uniformité et méthode et l’usage de plusieurs de ces formes graphiques a été conservé pour certaines mesures, tandis qu’il a été abandonné pour d’autres.
  5. Il ne faut pas confondre le rhythme quinquennaire avec la mesure à cinq temps qui résulterait de la réunion d’une mesure à deux temps et d’une mesure à trois temps. Un tel assemblage présenterait deux temps forts à des intervalles inégaux, tandis que dans la mesure véritablement quinquennaire, comme dans la mesure binaire et dans la mesure ternaire, le premier temps seul est fort, les autres temps sont relativement faibles. Le temps fort fractionnant ainsi la durée en parties égales est, on l’a vu § 217, ce qui constitue la mesure.