Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/p1/5a

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V.
DES MODES.



LEUR CONSTITUTION. — DIFFÉRENTES MANIÈRES DE FAIRE LA GAMME MINEURE. — PROGRESSION DES TONS MINEURS.



142. Nous n’avons présenté jusqu’ici la gamme diatonique que sous une seule forme, c’est-à-dire avec deux demi-tons placés, l’un du 3e au 4e degré, et l’autre du 7e au 8e.  
xxCependant il y a, pour la gamme diatonique, une seconde manière d’être dans laquelle les demi-tons occupent d’autres positions.
143. On appelle mode la manière d’être de la gamme diatonique. Définition.
144. Il y a donc deux modes : l’un est qualifié de majeur, l’autre de mineur (nous verrons tout à l’heure la raison de ces expressions).
xxLa gamme diatonique que nous avons étudiée est de mode majeur. C’est la plus naturelle.
xxLa gamme de mode mineur est un produit plus artificiel et moins régulier[1].
Mode majeur et mode mineur.
145. Nous savons comment est formée l’échelle diatonique ; trois accords parfaits s’échelonnant par quintes justes en fournissent tocs les sons.
xxOr, dans le mode majeur, chacun de ces trois accords parfaits constitutifs est majeur, c’est-à-dire composé d’une tierce majeure et d’une quinte juste.
Constitution
des modes.

EXEMPLE :

Les trois triades constitutives d’ut majeur.


xxTandis que dans le mode mineur, les accords parfaits constitutifs sont mineurs, c’est-à-dire que le son qui forme la tierce de la note tonale est abaissée, et ne donne avec cette note qu’une tierce mineure, les quintes restent justes[2].  

EXEMPLE :

Les trois triades constitutives d’ut mineur.


146. La nature de la tierce des notes tonales constitue donc celle du mode, et les notes qui produisent cette tierce sont appelées notes modales. Notes modales.


EXEMPLE :


xxVoilà pourquoi les modes sont qualifiés, l’un de majeur, l’autre de mineur.
xx Ces deux formules donnent, la première, la gamme de mode majeur que nous connaissons,
 


 %p117s3
{
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\time 32/4
\clef F % fa 4
c1 d e f g a b c' 
\bar "||" 
}


et sur laquelle il est inutile de revenir ; la seconde, la gamme mineure, que nous allons étudier.  
147. Replaçons d’abord sous les yeux cette formule mineure :


xxVoici la gamme qui en résulterait :  

Ton d’UT.
 %p118s1
{
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\time 32/4
\clef F % fa 4
c1 
\once \override Slur #'outside-staff-priority = #500
d~( 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-5.0 . -0.5)
ees)^\markup { \fontsize #-2  {"1/2 ton"} } f
\once \override Slur #'outside-staff-priority = #500
g~( 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-5.0 . 0.5)
aes)^\markup { \fontsize #-2  {"1/2 ton"} }
bes c' 
\bar "||" 
}
Gamme de mode mineur, sans altérations accidentelles.

xxCette gamme a deux demi-tons placés du 2e au 3e degré, et du 5e au 6e.  
148. Dans cet état, la gamme mineure découle régulièrement de son principe, et elle est complétement diatonique. Mais on doit remarquer qu’elle est formée exactement des mêmes sons qui, dans le mode majeur, constituent une autre gamme (mi ♭ majeur, par rapport à l’exemple ci-dessus).

EXEMPLE :


xxCe double rôle des mêmes sons pourrait donc parfois rendre la tonalité équivoque, si un indice quelconque ne venait faire disparaître toute ambiguïté.  
149. Pour cela, on a imaginé d’appliquer une altération ascendante au septième degré de la gamme mineure, de manière à le placer à un demi-ton de la tonique. Altéré de la sorte, ce septième degré tend, dans son mouvement mélodique, à se porter sur la tonique (§§ 74 et 75) qu’il fait ainsi pressentir[3]; c’est pourquoi il prend alors le nom de note sensible (§ 123)[4]. Note sensible.
xxNOTA. — La note sensible, qui est artificielle dans le mode mineur, entre diatoniquement dans le mode majeur.
150. Par suite de cette altération, la gamme mineure prend trois demi-tons placés du 2e au 3e degré, du 5e au 6e, et du 7e au 8e. Gamme mineure avec note sensible.


EXEMPLE :
Ton d’Ut.

 %p118s3
{
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\time 32/4
\clef F % fa 4
\key c \minor
c1 
\once \override Slur #'outside-staff-priority = #500
d~( 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-5.0 . 0.5)
ees)^\markup { \fontsize #-2  {"1/2 ton"} } f
\once \override Slur #'outside-staff-priority = #500
g~( 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-5.0 . -0.5)
aes)^\markup { \fontsize #-2  {"1/2 ton"} }
\once \override Slur #'outside-staff-priority = #500
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(1.0 . 0.0)
b~(_\markup { \fontsize #-2  \center-column {note sensible} } 
\once \override TextScript #'extra-offset = #'(-5.0 . 0.3)
c')^\markup { \fontsize #-2  {"1/2 ton"} } 
\bar "||" 
}



151. Il n’y a plus maintenant de confusion possible : c’est bien ici la gamme d’ut, mode mineur ; l’équivoque avec l’autre gamme a disparu[5]. Mais cet avantage n’est acquis qu’au moyen d’une opération qui a amené dans la constitution de la gamme mineure une grave perturbation.
xxEn effet, l’altération qui fournit la note sensible portant sur une des trois notes modales, la place en désaccord avec les deux autres, et brise l’uniformité des rapports qui relient entre eux les éléments du mode.
 

EXEMPLE :

Éléments de la gamme mineure Éléments de la gamme mineure
état normal. avec note sensible.
Ton d’UT.


152. Il résulte de ce rapport contradictoire, de cette fausse relation, un intervalle défectueux dans la gamme[6], puisque, du sixième au septième degré, il faut compter maintenant une seconde augmentée, c’est-à-dire un intervalle formé d’un ton et d’un demi-ton chromatique, intervalle d’une intonation difficile, et dont la composition révèle d’ailleurs la présence d’une note chromatique ou étrangère à la tonalité. (N’oublions pas que le demi-ton chromatique a nécessairement une note chromatique, § 70.)
xxCette note étrangère à la tonalité est précisément l’altération que nous avons introduite, d’où il suit que la gamme mineure avec note sensible participe du genre chromatique.
 
153. Pour obvier à ce défaut, l’introduction d’un intervalle chromatique (la seconde augmentée) dans une gamme diatonique, et pour écarter la difficulté que présente à la vocalisation un tel intervalle, on apporte quelquefois à la gamme mineure une autre modification dont nous allons parler.
xxLa gamme doit être considérée sous deux aspects : comme gamme ascendante et comme gamme descendante. Or, nous avons vu, § 75, que les altérations ascendantes tendent à monter, et, comme nous venons de le faire remarquer, tel est le principe de la note sensible ; tandis que les altérations descendantes tendent à descendre.  
xxPartant de là, pour éviter, dans la gamme mineure ascendante, la seconde augmentée existant entre le sixième degré et le septième rendu note sensible, on a pris le parti de placer une altération ascendante au sixième degré, comme on l’avait fait à l’égard du septième ; puis d’enlever ces deux altérations dans la gamme descendante, en lui restituant alors tous les sons qui constituent le mode dans son intégrité. Gamme mineure avec deux altérations ascendantes.

EXEMPLE :
Ton d’UT.


154. Comme l’indique cet exemple, il n’y a plus ici que deux demi-tons.

L’un de ces demi-tons est placé du 2e au 3e degré, dans la gamme ascendante comme dans la gamme descendante. Mais l’autre demi-ton change de position. En montant, il est placé du 7e au 8e degré ; en descendant, du 6e au 5e.

 
155. La gamme mineure construite de la sorte procède constamment par tons et par demi-tons diatoniques ; elle offre donc une mélodie facile et parfaitement vocale.
xxLes altérations ascendantes introduites dans la gamme montante en favorisent le mouvement mélodique, tandis que, par la suppression de ces altérations, la gamme descendante recouvre, avec sa régularité native, une tendance conforme à son mouvement.
xxTels sont les avantages ; voyons maintenant les inconvénients.
156. On remarquera d’abord que, dans la gamme ascendante, la constitution du mode est ici profondément altérée ; car, sur trois notes modales, une seule indique le mineur, les deux autres rentrant dans le majeur, en vertu des altérations dont elles sont affectées.



xxxxEXEMPLE :

xxSous ce rapport, le mal s’est donc accru, et une telle gamme sera nécessairement mixte, son premier tétracorde donnant le mode mineur, et son second tétracorde, le mode majeur.  

EXEMPLE :


xxSi maintenant nous examinons la gamme descendante,  

 %p121s2
\relative c'{
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\time 32/4
\clef F % fa 4
\key c \minor
c1 bes aes g f ees d c
\bar "||" 
}



nous la trouvons entièrement conforme à son principe, mais retombant par là même (quoique d’une manière moins prononcée que cela aurait lieu pour la gamme ascendante)[7] dans l’équivoque que nous avons indiquée.  
xxMais il y a plus : si l’on oppose les sons de la gamme ascendante à ceux de la gamme descendante, on voit se produire, non plus seulement un, mais deux demi-tons chromatiques résultant des deux altérations étrangères à la constitution du mode.

EXEMPLE :


157. Résumons. Aucune manière de faire la gamme mineure n’est irréprochable :
xx1° La gamme mineure dépourvue de note sensible, tant en montant qu’en descendant, présente une équivoque qui l’a fait rejeter[8].
xx2° La gamme mineure, avec une seule altération produisant la note sensible, donne lieu à l’intervalle mélodique de seconde augmentée[9], et fait intervenir le genre chromatique dans une gamme diatonique.
 
xx3° Enfin, dans la gamme mineure, avec le sixième et le septième degré élevés d’un demi-ton en montant, la constitution du mode est gravement altérée.  
xxCette échelle, qui offre un mélange des deux modes, n’est admissible qu’en raison des avantages qu’elle présente sous le rapport mélodique, quand les sons doivent se succéder conjointement et avec rapidité.
158. De ces trois manières de faire la gamme mineure, la première n’est pas employée dans notre musique moderne. Les deux autres sont également pratiquées, selon les circonstances, et suivant le goût du compositeur.
159. Les notes modales occupent le 3e, le 6e et le 7e degré d’une gamme, et, considérées dans leur rapport avec la tonique, elles forment sur ce premier degré une tierce, une sixte et une septième, majeures ou mineures, selon la nature du mode qu’elles déterminent. Intervalles formés par les notes modales sur la tonique.
160. Dans le mode mineur, l’altération par laquelle le septième degré est rendu note sensible, vient souvent annuler le caractère modal de ce degré, ce qui réduit à deux (la tierce et la sixte) les notes distinctives du mode. Notes modales réduites à deux.
161. Il est évident que, comparés l’un à l’autre, les deux modes ne diffèrent que par les notes modales, et que les autres degrés correspondants sont formés de sons identiques. Parallèle entre les deux modes.

EXEMPLE :


xx* Les deux notes qui forment ici le septième degré ne sont identiques qu’en vertu de l’altération produisant la note sensible au mode mineur. Cette identité peut ne plus exister dans la gamme descendante, ainsi qu’on le voit dans notre exemple.

162. En raison de sa nature chromatique, l’altération qui produit la note sensible, dans le mode mineur, ne figure pas à l’armure de la clef ; mais on l’indique comme accident quand elle se présente (voyez l’exemple précédent). Pourquoi l’altération qui produit la note sensible, dans le mode mineur, n’est pas mise à la clef.
xxD’ailleurs, on conçoit que l’instabilité de cette altération s’oppose à ce qu’elle soit traitée à la manière des altérations constitutives. (À plus forte raison en est-il ainsi à l’égard de l’altération ascendante qui affecte quelquefois le sixième degré de la gamme mineure.)  
163. Privé de cette altération, le septième degré de la gamme mineure se trouve à un ton de la tonique ; alors il n’est plus note sensible, et il doit être désigné par le nom de sous-tonique (§ 123). Quand le septième degré n’est pas note sensible.
164. Le mode mineur différant du mode majeur par trois sons (les notes modales) plus bas d’un demi-ton, il y aura pour un même ton une différence de trois altérations constitutives, selon le mode dans lequel il est présenté. Ainsi, un ton prendra, dans le mode mineur, trois bémols en plus ou trois dièses en moins qu’il n’aurait dans le mode majeur. Comment l’armure de la clef diffère, pour le même ton, selon le mode.


EXEMPLES :


  Mode majeur. Mode mineur.
Ton d’Ut.
 %p123s1A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key c \major	
c1
\bar "|"
}
 %p123s1B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key c \minor	
c1
\bar "||"
}
  Rien à la clef. Trois bémols ajoutés.
(Trois notes abaissées).
Ton de La.
 %p123s2A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key a \major	
c1
\bar "|"
}
  xxxxTrois dièses. Les dièses supprimés.
(Trois notes abaissées).
Ton de .
 %p123s3A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key d \major	
c1
\bar "|"
}
  xxxxDeux dièses. Les deux ♯ supprimés. Un ♭ ajouté.
(Trois notes abaissées).
Ton de Sol.
 %p123s4A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key g \major	
c1
\bar "|"
}
  xxxxUn dièse. Le ♯ supprimé. Deux ♭ ajoutés.
(Trois notes abaissées).
etc., etc.


165. De même que la gamme majeure d’ut le modèle des tons majeurs, de même la gamme mineure de la est le type des gammes mineures. En effet, cette gamme de la ne prend aucune altération constitutive, et, pour elle, comme pour la gamme d’ut, la clef n’est pas armée. Modèle des tons mineurs.
166. Les tons et les altérations constitutives se succèdent et progressent pour le mode mineur, exactement comme pour le mode majeur : par dièses, de quinte en quinte en montant ; par bémols, de quinte en quinte en descendant. Rapports enharmoniques analogues, etc. Nous n’insisterons donc pas sur ce point. Progression des tons et des altérations constitutives pour le mode mineur.
TABLEAU

DE LA PROGRESSION DES TONS ET DE LEURS ALTÉRATIONS CONSTITUTIVES POUR LE MODE MINEUR.


Ton de La
 %p124s1
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key a \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton de 
 %p124s2A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key d \minor	
c1
\bar "||"
}
xx Ton de Mi
 %p124s2B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key e \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton de Sol
 %p124s3A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key g \minor	
c1
\bar "||"
}
  Ton de Si
 %p124s3B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key b \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton d’Ut
 %p124s4A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key c \minor	
c1
\bar "||"
}
  Ton de Fa ♯
 %p124s4B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key fis \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton de Fa
 %p124s5A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key f \minor	
c1
\bar "||"
}
  Ton d’Ut ♯
 %p124s5B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key cis \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton de Si ♭
 %p124s6A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key bes \minor	
c1
\bar "||"
}
  Ton de Sol ♯
 %p124s6B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key gis \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton de Mi ♭
 %p124s7A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key ees \minor	
c1
\bar "||"
}
  Ton de Ré ♯
 %p124s7B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key dis \minor	
c1
\bar "||"
}
Ton de La ♭
 %p124s8A
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key aes \minor	
c1
\bar "||"
}
  Ton de La ♯
 %p124s8B
\relative c''{
\hideNotes
\time 4/4
\override Staff.TimeSignature #'transparent = ##t
\clef G
\key ais \minor	
c1
\bar "||"
}



RÉSUMÉ.


A. Le mode est la manière d’être de la gamme diatonique.

B. Il y a pour la gamme diatonique deux manières d’être, c’est-à-dire deux modes.

C. L’un de ces modes est appelé majeur, et l’autre, mineur,

D. Le mode majeur est donné par trois accords parfaits majeurs établis sur les notes tonales.
xxx(On appelle accord parfait majeur la réunion de trois sons, à la tierce l’un de l’autre, et formant une tierce majeure et une quinte juste.)

E. La gamme née de ces trois accords présente deux demi-tons, placés du 3e au 4e degré, et du 7e au 8e.

F. Le mode mineur est donné par trois accords parfaits mineurs établis sur les notes tonales.
xxx(L’accord parfait mineur ne diffère de l’accord parfait majeur que par la tierce, qui est mineure.)

G. La tierce de chacun des trois accords constitutifs est donc, selon sa nature, ce qui distingue les deux modes.

H. Ces trois sons caractéristiques du mode sont appelés notes modales.

I. Les notes modales occupent les 3e, 6e et 7e degrés de la gamme.

J. Souvent, dans la gamme mineure, on élève d’un demi-ton le septième degré ; ce qui réduit à deux (la 3ce et la 6te de la tonique) le nombre des notes modales.

K. Ainsi altéré, le 7e degré se trouve à un demi-ton de la tonique, et tend impérieusement à s’y porter.

L. Le 7e degré, placé à un demi-ton de la tonique, prend le nom de note sensible.

M. Le propre de la note sensible est de faire pressentir la tonique ; de là lui vient ce nom de sensible (qui fait sentir le ton).

N. Par l’introduction d’une note sensible dans la gamme mineure, le sens tonal est caractérisé, et il n’est plus à craindre que le ton mineur se confonde avec un autre ton, formé des mêmes sons et appartenant à l’autre mode (le ton relatif majeur).

0. L’altération qui produit la note sensible dans le mode mineur n’est qu’accidentelle : on l’emploie dans la gamme ascendante, mais souvent on la supprime dans la gamme descendante.

P. Placé à un ton de la tonique, le 7e degré de la gamme mineure n’est plus note sensible ; il reçoit alors le nom de sous-tonique.

Q. La gamme mineure avec note sensible présente trois demi-tons. Ils sont placés du 2e au 3e degré, du 5e au 6e, et du 7e au 8e.

R. Dépourvue de note sensible, la gamme mineure ne contient que deux demi-tons, placés du 2e au 3e degré, et du 5e au 6e.

S. L’altération qui produit la note sensible dans le mode mineur, y apporte un élément chromatique, et la gamme où on l’introduit n’est plus complètement diatonique.

T. Par cette altération, la gamme mineure présente, du 6e au 7e degré, une seconde augmentée, intervalle défectueux sous le rapport de la succession mélodique.

U. Pour éviter la succession mélodique de seconde augmentée, résultant de l’altération ascendante du 7e degré, on a imaginé d’altérer pareillement le 6e degré dans la gamme ascendante.

V. Dans la gamme descendante, on fait disparaître ces deux altérations.

X. Mais, par l’altération du 6e degré, les deux modes se trouvent associés et confondus dans une même gamme, et le nombre des notes chromatiques est augmenté.

Y. La gamme mineure construite de la sorte n’offre plus que deux demi-tons, en montant comme en descendant.
xxxIls sont placés dans la gamme ascendante, du 2e au 3e degré, et du 7e au 8e ; et dans la gamme descendante, du 6e au 5e et du 3e au 2e.

Z. D’ailleurs, quelle que soit la manière dont on fasse la gamme mineure, on voit que le premier demi-ton est invariablement placé du 2e au 3e degré, c’est-à-dire que le premier tétracorde ne varie pas.

aa. L’altération qui produit la note sensible, ainsi que l’altération ascendante dont le 6e degré est parfois affecté, étant accidentelles, n’entrent pas dans l’armure de la clef.

bb. Cette armure diffère, pour un même ton, par trois altérations, selon que le mode est majeur ou mineur..
xxxLe mode étant mineur, il y aura trois bémols en plus, ou trois dièses en moins (c’est-à-dire trois sons plus bas d’un demi-ton) que si le mode était majeur.

cc. Le ton de la mineur, ne comportant aucune altération constitutive, est le modèle des tons mineurs.

dd. Les tons mineurs et les altérations constitutives se succèdent et progressent comme cela a lieu pour les tons majeurs : de quinte en quinte justes, en montant, pour les tons par dièses ; en descendant, pour les tons par bémols.

EXERCICES.


RÉPONDRE AUX QUESTIONS SUIVANTES :

(Sur les principes.)



Qu’est-ce que le MODE ? — A.
Combien y a-t-il de MODES ? — B.
Comment les désigne-t-on ? — C.
Quel est le principe du MODE MAJEUR ? — D.
Quelle est la situation des demi-tons dans le mode majeur ? — E.
Quel est le principe du MODE MINEUR ? — F.
Quel est, dans les accords constitutifs du mode, l’intervalle
Quelcaractéristique du
MAJEUR et du MINEUR ? — G.
Comment nomme-t-on les notes caractéristiques du mode ? — H.
Quel rang les notes modales occupent-elles dans la gamme ? — I.
Le 7e degré n’est pas mis habituellement au nombre des
QuelNOTES MODALES pourquoi cela ? — J.
Quel est le résultat de l’altération ascendante appliquée au
Quel7e degré de la gamme mineure
 ? — K.
Comment nomme-t-on le 7e degré quand il est placé à
Quelun demi-ton de la tonique ?
— L.
Que signifie cette expression de NOTE SENSIBLE ? — M.
Pourquoi introduit-on artificiellement une note sensible dans
Quella gamme mineure ?
— N.
L’altération qui produit la note sensible dans le mode mineur
Quelest-elle permanente ou accidentelle ?
— O.
Quel nom donne-t-on au 7e degré de la gamme mineure, quand il
Quelest à un ton de la tonique (ou 8e degré) ?
— P.
Combien la gamme mineure, avec note sensible, présente-t-elle
Quelde demi-tons ? où sont-ils placés
 ? — Q.

Combien la gamme mineure, dépourvue de note sensible,
Quelcontient-elle de demi-tons ? quelle place occupent-ils ?
— R.
La gamme mineure avec note sensible est-elle complétement
Queldiatonique ?
— S.
La gamme mineure, avec une altération formant la sensible,
Quelfournit-elle, entre tous les degrés, une succession
Quelmélodique régulière ?
— T.
À quel moyen a-t-on recours quelquefois pour éviter,
Queldans la gamme mineure avec note sensible,
Quella succession mélodique de seconde augmentée ?
— U.
La gamme mineure, avec deux altérations, se fait-elle de la même
Quelmanière en descendant qu’en montant ?
— V.
Cette manière de faire la gamme mineure, avec la 6te et la 7e
Quelmajeures en montant, et mineures en descendant,
Quelest-elle complétement satisfaisante ?
— X.
Quel est le nombre de demi-tons dans la gamme mineure,
Quelavec la 6te et la 7e majeures en montant, et mineures
Quelen descendant ? où sont-ils placés ?
— Y.
Qu’y a-t-il d’invariable et de caractéristique dans les manières
Queldiverses de pratiquer la gamme mineure ?
— Z.
Pourquoi ne fait-on pas figurer dans l’armure de la clef
Quell’altération qui produit la note sensible ?
aa.
Quelle est la différence d’armure de clef, pour un même ton,
Quelselon que le mode est majeur ou mineur ?
bb.
Quel est le modèle des tons mineurs ?cc.
Comment se succèdent les tons mineurs ? de quelle manière
Quelprogressent leurs altérations constitutives ?
dd.


(Sur l’application.)


Quelles sont les notes modales pour le ton de * ?
Étant donnée telle note pour tonique, et les sons * et * pour notes
Quelmodales, le mode sera-t-il majeur ou mineur ?

Quelles modifications faut-il apporter à la gamme majeure de *
Quelpour la rendre mineure ?

Quelles modifications faut-il apporter à la gamme mineure de *
Quelpour la rendre majeure ?

Quelle serait la note sensible dans tel ou tel ton de mode mineur ?
Telle note étant prise pour SENSIBLE d’un ton mineur,
Quelquel serait ce ton ?

Formez (selon les diverses manières de la pratiquer) une gamme
Quelmineure sur telle ou telle note prise pour tonique
.

Le ton (majeur ou mineur) de * offrant tel nombre de dièses
Quel(ou de bémols) à la clef, quelle sera l’armure pour
Quelle même ton
dans l’autre mode ?


  1. La gamme mineure, telle que nous la pratiquons, participe à la fois du genre diatonique et du genre chromatique (§ 152), et si elle est appelée diatonique, c’est à cause de la prédominance du genre diatonique.
  2. L’accord parfait est formé de deux tierces superposées. Dans l’accord majeur, la première tierce est majeure et la seconde tierce mineure ; dans l’accord mineur, la première tierce est mineure et la seconde tierce majeure. Ce n’est donc qu’une transposition dans l’ordre des tierces.
  3. Quand on étudiera l’harmonie, on reconnaîtra que cette tendance attractive résulte surtout des rapports harmoniques des sons. (Voyez Accord de septième de dominante, dans le Traité d’harmonie de Fétis, ou dans notre Cours complet d’harmonie.)
  4. On verra ci-après (§ 173) qu’indépendamment de la signification qu’apporte la présence de la note sensible du ton mineur, le sens tonal de la phrase résulte encore de la manière dont sont groupés les sons qui la composent.
  5. On remarquera que l’altération qui produit la note sensible détruit complètement tout sentiment de l’autre ton, car cette altération porte sur la note qui, dans cet autre ton, serait le 5e degré (la dominante, l’une des trois notes tonales, c’est-à-dire constitutives du ton).
    EXEMPLES :

  6. Pour ne parler que des intervalles donnés par la succession conjointe.
  7. Dans la gamme descendante, l’altération ascendante du 7e degré n’a plus de raison d’être, puisque ce degré ne va plus directement à la tonique, mais qu’il descend au 6e degré.
  8. Une telle gamme, qui, autrefois, constituait un des modes du plain-chant, serait d’ailleurs en dehors des lois de l’harmonie moderne. (Voyez notre Cours complet d’harmonie.)
  9. La seconde augmentée n’est pas le seul intervalle d’une intonation difficile qui résulte de l’introduction de cette altération dans le mode mineur : ainsi, sur la médiante, la note sensible forme l’intervalle de 5te augmentée, et celui de 4te augmentée sur la sous-dominante. Il y a de plus les intervalles diminués, renversement de ceux-ci.