Principes de la musique et méthode de transposition, 4e édition/préface

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PRÉFACE


Faire connaître les éléments d’un art qui occupe, de nos jours, une si grande place, est un travail d’une opportunité incontestable. Si la pratique de la musique se vulgarise, il faut qu’à cette pratique se joigne la connaissance des principes sur lesquels elle repose.

Et cependant, pour beaucoup de ceux qui cultivent la musique, il n’en est pas ainsi. Souvent, après de longues années consacrées exclusivement à l’étude du mécanisme de l’exécution, toute la science musicale se borne à la connaissance usuelle des signes de la notation.

Cette ignorante insouciance des principes et des saines traditions est funeste aux intérêts de l’art, car elle laisse le champ libre au charlatanisme et à toutes les cupides exploitations.

Ajoutons que si elle nuit à l’art, elle n’est pas moins préjudiciable à l’individu. C’est surtout quand l’élève veut s’initier à la science de l’harmonie et de la composition, que cette lacune laissée dans les premières études devient un malheur presque irréparable. L’éducation musicale a été manquée ; elle doit être reprise en sous-œuvre. Mais l’amour-propre ne veut pas s’avouer cela, ou bien le temps fait défaut. Le professeur est alors obligé d’avoir recours à des procédés empiriques, au lieu de s’adresser à l’intelligence ; l’élève pourra acquérir le métier, jamais le savoir.

Frappé de ces considérations, nous venons exposer les résultats de l’expérience que nous avons acquise pendant notre professorat. Ce travail, produit pour les besoins de notre enseignement, s’est trouvé fait et mis en œuvre avant de devenir le livre que nous éditons ; et ce n’est qu’après l’espèce de consécration qu’il a reçue de cette épreuve que nous osons le livrer à la publicité.

Ce n’est pas ici une œuvre d’imagination. Nous ne prétendons pas avoir inventé les principes de la musique. Notre tâche se bornait à apporter de l’ordre dans la classification des matériaux, de la précision et de la netteté dans la rédaction. Nous avons profité des travaux de nos devanciers, et nous leur payons un juste tribut de reconnaissance.

Mais nous avons essayé surtout de faire un ouvrage pratique, une véritable méthode ; et c’est par là, nous le croyons, que ce livre se distingue de ceux qui ont été publiés sur le même sujet.


Voici les idées qui nous ont dirigé :

Le plus souvent l’étude de la musique est commencée dès l’enfance ; or, pour cet âge particulièrement, il faut de la clarté et de la simplicité. L’enfant ne saisit guère que le côté sensible des choses ; il apprend vite à connaître les signes, il retient facilement les mots.

Le premier enseignement doit se borner à les présenter d’une manière simple et méthodique ; il ne peut tout dire, mais il doit préparer l’avenir.

On ne sait bien que ce que l’on a pratiqué. L’étude pratique de la musique doit donc accompagner ces premières notions, succinctes, mais générales.

L’élève, ainsi préparé à un enseignement plus substantiel, entreprendra avec succès une étude approfondie de la langue musicale qu’il commence à parler. Cette étude, que nous pourrions appeler grammaticale, trouvera plus tard son complément dans l’analyse raisonnée des chefs-d’œuvre de l’art. Alors, homme de goût, musicien instruit et éclairé, il possédera quelque chose de plus et de mieux que cette dextérité toute mécanique qui ne s’acquiert et ne se conserve que par un labeur incessant.


Voici le plan que nous avons suivi :

Un court exposé, intitulé : Premières Notions, donne, sous la forme la plus simple et qui nous a paru la mieux appropriée à un enseignement primaire, les rudiments de la langue des sons. Ce petit questionnaire pourra être appris par cœur, et il fournira au jeune élève les connaissances strictement nécessaires pour éclairer ses premiers pas.

Après cette sorte d’ABC, nous abordons pleinement notre sujet. Cette partie de notre travail, intitulée : Étude développée, forme un tout complet, indépendant ; elle est en réalité tout l’ouvrage. Nous y reprenons, sous une forme explicative, ce que les premières notions contenaient en germe, nous conformant ainsi à la marche de la nature.

Cependant, comme un voyageur qui, chaque jour, se rend compte de l’espace qu’il a franchi, nous nous arrêtons fréquemment, et, jetant les yeux sur le chemin parcouru depuis la dernière étape, nous donnons un résumé dont les courts paragraphes peuvent être retenus facilement. Chacun de ces résumés est suivi d’exercices qui permettent de s’assurer qu’on a bien compris ce qui a été dit, et fournissent le moyen d’en faire l’application.

Les élèves auxquels un enseignement explicatif ne saurait convenir, pourraient s’en tenir à ces résumés écrits en caractères plus gros que le reste du texte, et aux exercices qui les suivent.

Enfin, pour ne pas entraver la marche régulière de l’enseignement, nous avons rejeté dans des notes, à la fin du livre, les éclaircissements sur des faits qui se rattachent, soit aux origines, soit à la partie scientifique de l’art, et qu’il importe à un musicien de ne pas ignorer.

Nous avons multiplié les questions et les exercices sur la théorie et son application ; nous indiquons aussi un cours de dictées musicales, mais nous n’avons pas cru devoir y joindre des leçons de solfège. Les solfèges ne manquent pas, et c’eût été grossir inutilement ce livre déjà trop volumineux.

Ceux qui, après ce cours élémentaire, voudraient poursuivre leurs études, seront merveilleusement préparés à l’étude de l’harmonie[1]. Pour eux, les aspérités de la route se trouveront aplanies, et ces Principes répandront la lumière sur tout ce qui reste à apprendre.



  1. Nous indiquerons comme faisant suite à cet ouvrage notre Manuel d’harmonie et notre Cours complet d’harmonie