Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres/3/5

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V.

Séance du 29 Janvier 1859.


Présidence de M. A. COMBES.

M. le ministre de l’instruction publique et des cultes remercie la Société de l’envoi de ses procès-verbaux, pour le comité des travaux historiques.

M. Laferrière, membre honoraire, remercie la Société de l’envoi de son second bulletin, et témoigne de l’intérêt avec lequel il suit les travaux d’un corps auquel il est associé.

M. Parayre offre à la Société une médaille en argent, frappée à l’occasion de l’achèvement de l’Arc de triomphe de l’Étoile.

M. Darolles, professeur à Sorèze, adresse à la Société deux exemplaires de ses Notions élémentaires de grammaire comparée. Il avait été rendu compte de ce livre destiné à l’enseignement, dans la séance du 23 juillet 1858. À cet envoi sont jointes deux pièces de monnaie en argent, à la date de 1677.


Le Congrès des délégués des Sociétés savantes doit tenir sa session, du 25 avril au 4 mai 1859. Les questions qui seront mises en discussion sont relatives aux sciences physiques et naturelles, à l’agriculture, à l’histoire, à l’archéologie, aux beaux arts, à la littérature. Le Congrès continuera ses recherches sur cette question : Quels sont les travaux dont les Sociétés académiques des provinces doivent particulièrement s’occuper et quel est le meilleur plan à suivre pour la réalisation de ces travaux.

Ainsi, le Congrès des délégués des Sociétés savantes poursuit son but, et, en fournissant tous les ans aux différents corps, le moyen de communiquer entre eux, de se faire part de leurs idées, de mettre en commun le résultat de leurs recherches, il contribue puissamment à l’entretien de cette vie intime qui féconde les efforts, en leur assurant une direction utile. Le but est le même pour tous ceux qui ont leur place dans les Sociétés savantes. Ils travaillent, parce que le travail est nécessaire à leur activité, et qu’il leur donne des satisfactions que d’autres dédaignent, parce qu’ils n’en ont jamais soupçonné la douceur ; ils travaillent, parce que leur exemple peut être bon, et, qu’indépendamment du résultat qu’il doit amener, dans les branches diverses auxquelles ils s’appliquent, il devient un encouragement et un sujet d’émulation.

Mais si le but est le même pour tous, les moyens diffèrent essentiellement. Voilà pourquoi il est bon, il est utile, de ne pas compter exclusivement sur sa propre expérience : voilà pourquoi des communications entre des sociétés réunies de toutes les parties de la France, doivent contribuer à effacer des préjugés, à détruire des erreurs, à donner plus de fermeté à la direction et plus d’efficacité aux travaux. Ces avantages joints à tous ceux que les Sociétés trouvent dans l’organisation nouvelle, et dans l’attention spéciale dont elles sont l’objet, de la part du ministère de l’instruction publique, amèneront des résultats dont se féliciteront tous ceux qui aiment leur pays, et qui comprennent ce qu’il peut gagner à cette activité et à ces efforts.

La Société désigne M. A. Cumenge pour la représenter au Congrès des délégués des sociétés savantes.


M. Armand GUIBAL communique à la Société une pièce de vers qui a pour titre : Pétition à M. le Maire, ou désespoir d’un homme altéré. C’est sous la forme légère d’une spirituelle plaisanterie, que M. A. Guibal présente une question depuis longtemps étudiée, et sur le point de recevoir enfin une solution. Les raisons qui font désirer à tous les habitants de Castres une eau abondante et pure, sont nombreuses : il en est de graves dont la discussion montre la portée : il en est de fines et de piquantes, que l’allure libre et rapide du vers peut faire ressortir avec plus d’éclat, et présenter avec plus d’intérêt. C’est à celles-là que s’est arrêté M. A. Guibal. Les poètes ont toujours le droit de tout oser, et si on ne le leur reconnaissait pas, ils ne se l’arrogeraient pas moins. M. A. Guibal use de ce privilège. L’originalité de l’expression et du ton relève les détails les plus vulgaires et permet de ne rien négliger, parce que tout s’ennoblit et se diversifie sous une louche habile, et grâce à d’inépuisables ressources. La Société a suivi avec intérêt cet esprit fin et délicat se jouant au milieu des difficultés, et en triomphant par des rapprochements inattendus, des souvenirs heureusement rappelés, et rendus avec une vivacité et un entrain qui en augmentent le charme et en agrandissent la portée.


M. V. CANET appelle l’attention de la Société sur la démolition du dernier bastion des fortifications de Castres, au boulevard Miredanes.

M. A. Combes, dans un travail rempli d’intéressantes recherches, a suivi le développement successif de la ville de Castres. Simple monastère autour duquel viennent se grouper quelques artisans, pour participer aux bienfaits des Bénédictins, ou s’abriter sous la vénération qui les environne, Castres s’accroît rapidement ; il se fortifie, et sa position facilement accessible, l’oblige de ne négliger aucun des ouvrages qui peuvent le mettre à l’abri d’un coup de main. Ses fortifications sont plusieurs fois rasées, non pas à la suite d’un assaut et d’une prise par les armes, mais de dessein arrêté, et dans les intervalles des luttes. Au milieu des guerres religieuses du xvie siècle, les murs de Castres reçoivent des augmentations considérables ; puis ils sont démolis. En 1569, Gaches constate que le prince de Condé ordonna, comme représailles, de détruire toutes les églises de la ville, et de consacrer à la reconstruction et au développement des murs, les matériaux qui en proviendraient. Cet ordre fut exécuté. Le couvent et l’église des religieuses de Ste-Claire, l’église de St-Jacques à Villegoudou, celles de la Platé et de St-Benoit, les couvents de la Trinité et des Cordeliers, furent entièrement rasés. Plus tard, à la suite de la paix d’Alais, Richelieu ordonna la démolition des fortifications de Castres, et l’évêque d’Albi, Alphonse d’Elbène II, fut commis pour veiller à la complète exécution d’un acte dans lequel le Cardinal voyait une garantie de paix locale, parce qu’il enlevait un refuge et un abri en cas de prise d’armes.

Cette démolition, suffisante en ce qu’elle ruina le système général de fortification, ne fut pas complète. La construction du palais et la création du jardin de l’évêché, firent disparaître tout ce qui s’étendait de la porte dite des Messourgues, à la rivière. De ce point, jusqu’au bastion d’Ardenne, un simple mur remplaça les remparts. La démolition de la porte de l’Albinque et la construction de maisons particulières, sur une grande partie de l’espace qu’elle occupait, entraîna l’enlèvement de quelques pans encore debout. Cependant, sur la ligne du ruisseau du Travet qui formait autrefois le fossé, jusqu’à l’avenue de Roquecourbe, quelques vestiges existent encore aujourd’hui : ils servent de terrasse ou de mur d’appui pour les maisons voisines. Sur la rive gauche de l’Agoût, depuis le moulin près duquel s’élevait la fameuse maison des Martin, seigneurs de Roquecourbe, jusqu’à la rue du Cimetière, on peut suivre la ligne des fortifications, mais il ne reste aucun vestige. Les habitants ont fait tout disparaître. C’est près de l’angle formé par cette rue, et celle qui la joint au boulevard Miredanes, que s’élevait à l’extrémité d’un jardin, le bastion que la nécessité d’un alignement vient de faire détruire. Il était presque complètement formé de débris appartenant à un édifice religieux. Il a été possible de reconnaître encore des fragments de colonne, des chapiteaux, des corniches. Le badigeon qui les couvrait était encore intact. Le plus grand nombre des pièces retrouvées appartient à des arcs de voûte, et ces arcs mesurés, ont paru tous se rapporter à une construction ogivale. Ce serait donc à l’Église de Saint-Jacques qu’appartiendraient ces débris. Il reste de l’ancienne Église le porche qui a pu servir de terme de comparaison, et permettre de se prononcer d’une manière positive. Ces matériaux ont été l’objet d’une attention spéciale, car il était important de ne pas perdre de vue des souvenirs, qui pourraient avoir été enfermés dans ces constructions depuis 1569. Rien de particulier n’a été découvert ; aucune inscription n’a été trouvée. Il résulte seulement de la réunion de tous ces matériaux appartenant à un même édifice et à un édifice religieux, la constatation du fait historique énoncé par Gaches, et la détermination exacte du caractère architectural de l’ancienne église de Saint-Jacques.


M. V. CANET fait un rapport sur l’Histoire des Comtes de Toulouse, par M. Marturé, avocat à Castres.

Cet ouvrage publié en 1827, cinq ans après l’Histoire du Pays Castrais, ne peut pas être considéré comme une de ces études qui se sont multipliées de nos jours, et que l’on trouve un peu sévères dans leur forme, parce qu’elles sont consciencieuses, mais toujours intéressantes, pour qu’elles portent l’empreinte de la réalité vivante. Il semble plutôt que le titre ne soit qu’un cadre dans lequel l’auteur a voulu faire entrer tout ce qui, de près ou de loin, pouvait se rattacher à l’objet principal. Ce n’est pas que l’histoire des Comtes de Toulouse ne se développe avec clarté, et ne se présente avec tous ces caractères de grandeur, de gloire, de puissance et de malheur, qui lui font, dans une période assez large, une place si importante, et l’entourent d’un si constant intérêt. Mais on regrette de voir trop souvent disparaître les comtes de Toulouse, pour se trouver en présence d’une étude sur les troubadours, d’un long récit des croisades, ou d’une dissertation passionnée sur l’inquisition. Sans doute, il n’est pas interdit à l’histoire qui a voulu attirer spécialement l’attention sur une période, ou peindre une épopée qui a pour héros une famille tout entière, de se laisser aller à des digressions qui lui permettent d’envisager de grands événements ou de puissantes révolutions : mais il ne faut pas que le sujet principal se perde sous des accessoires, quel que soit d’ailleurs l’intérêt qu’ils inspirent, et la place qu’ils occupent dans l’histoire générale.

Voilà le défaut capital de ce livre recommandable d’ailleurs sous plusieurs rapports. Il ne faut pas trop s’en prendre à l’auteur : la date de son ouvrage l’explique suffisamment. On sait quelle était l’agitation des esprits dans les années qui ont précédé la révolution de 1830. Tout ce qui touchait à l’histoire de France, était l’objet d’une attention passionnée, et servait plus souvent à la défense d’un parti, ou à l’attaque de ses adversaires, qu’à la démonstration de la vérité. Or, l’histoire et la vérité qui est sa lumière et sa vie, ne gagnent rien à ces procédés que l’intérêt du moment fait rechercher. Elles y prennent un caractère qui les dénature. Sans doute, il en résulte un intérêt plus vif ; l’accueil est plus enthousiaste ; mais il n’est pas de la dignité d’un écrivain de se contenter de ces triomphes de circonstance. Il y a des études et des travaux qui doivent toujours s’élever au-dessus des intérêts de parti, parce que, s’il est possible de donner satisfaction à des rancunes passagères, on est sûr d’aller se heurter dans la suite, contre des appréciations plus calmes et par conséquent plus justes et plus définitives.

L’Histoire des Comtes de Toulouse n’en est pas moins un ouvrage digne d’une attention sérieuse. C’est un récit animé d’événements considérables, c’est un tableau vivant d’une période qui met on relief toute la vie intime et publique du Midi. Des travaux postérieurs ont jeté une vive lumière sur plusieurs points obscurs ou embarrassés. Ils ont présenté dans leur simplicité, à la fois naïve et forte, des siècles que M. Marturé n’a pas toujours compris. Le moyen-âge est au premier aspect une grande confusion. Quand on l’étudie de près, les éléments qui le composent se dégagent peu à peu ; les grandes figures se détachent, les mobiles puissants qui les faisaient agir, y paraissent dans toute leur plénitude, avec cette multiplicité de ressorts qui faisaient mouvoir toutes les parties d’une société divisée, mais dont les différentes classes s’agrégeaient par des points de contact nombreux, et s’unissaient sous une forte étreinte. Voilà ce que M. Marturé n’a pas assez vu. Pour louer dignement une époque, ou lui infliger ce châtiment que l’histoire impartiale réserve infailliblement à tout ce qui a été hypocrite ou violent, il faut se dégager des idées du siècle où l’on vit, et se transporter au milieu des événements et des hommes que l’on veut peindre et juger. Sans doute, il y a des principes généraux qui ont toujours leur action, parce qu’ils se rattachent à ce qui est éternellement vrai ; sans doute, il n’y pas deux morales, et le bien, en quelque temps qu’il se produise et quelques caractères qu’il affecte, commande toujours notre sympathie, comme le mal, à quelque degré qu’il s’arrête ou qu’il s’étende, doit être poursuivi de cette haine vigoureuse qu’une âme indépendante et droite ressent en présence de l’injustice et de ses excès : mais combien de faits ne changent-ils pas de portée, sans cesser d’avoir le même caractère moral, suivant les circonstances où ils se produisent, et les mœurs, les institutions, les préjugés, les habitudes de l’époque où ils se sont accomplis !

Les travaux de l’érudition du XIXe siècle ont rendu, sous ce rapport, de grands services à l’histoire. On n’a plus refait un homme ou un événement à sa fantaisie ; on a cherché pour le peindre les témoignages les plus authentiques, on a mis en scène des contemporains. Il en est résulté une plus grande vérité, et par conséquent, à la fois un intérêt plus réel et une justice plus absolue.

Certainement, les recherches ne manquent pas dans le livre de M. Marturé : mais on n’aime plus à voir un historien se substituer sans cesse aux autorités sur lesquelles il a dû appuyer son récit, et tout ramener à un même caractère. Il résulte de ce procédé une espèce de défiance instinctive pour le lecteur. Il se demande si l’histoire n’est pas un roman, et dès qu’il a pu douter de la véracité de celui qui écrit, il le suit avec moins de satisfaction, et l’écoute avec une circonspection qui diminue l’intérêt.

Le style de M. Marturé est en général correct. Il manque de souplesse et de variété. Parfois il parait un peu trop solennel, et cesse d’être en proportion avec le sujet traité. Les longues phrases font peur, et l’on éprouve toujours un certain regret de se trouver en présence d’un rhéteur, lorsqu’on croyait écouter ou un grave historien, ou un causeur agréable. Malgré cette tendance trop marquée à un ton élevé, la forme est un peu lâche habituellement, et le trait est rare. On reconnaît cependant que M. Marturé était nourri des saines traditions littéraires, et qu’il avait formé son stylo dans le commerce intime de nos grands écrivains. Ce sont des mérites qui se perdent trop aujourd’hui, pour qu’on ne saisisse pas l’occasion de les louer, lorsqu’on se trouve en présence d’un écrivain qui, malgré ses défauts, connaissait ces sources pures et abondantes, et savait aller y puiser ses inspirations.


M. V. CANET, entretient la Société des droits et privilèges de la communauté de Castres, dont il avait donné le texte dans une séance précédente.

Cette pièce est du 9 juillet 1613. Elle est la reproduction de divers actes transcrits ou signalés sur ce qui reste des registres de la commune de Castres. Elle renferme les principaux privilèges reconnus ou octroyés à l’université de Castres, et dont les Seigneurs devaient jurer la stricte et complète observation. Lorsque l’autorité des rois de France fut substituée à celle des comtes, l’hommage était fait par les consuls, directement au roi, ou en présence d’un de ses officiers spécialement délégué. Cet hommage qui était la reconnaissance formelle des droits du roi sur la ville, était aussi la garantie que la ville jouirait paisiblement de tous les privilèges que des services rendus, des sacrifices faits, ou des accords mutuellement consentis, avaient établis en faveur de la généralité des habitants, ou des consuls qui étaient à leur tête.

Il est regrettable qu’il ne soit pas possible de suivre d’une manière complète l’histoire et la progression de ces privilèges. Ce serait un pas vers la reconstitution de l’histoire particulière de la commune de Castres. La vie de ces associations nées ou de la protection de la royauté qui se fortifiait de l’affaiblissement de la puissance féodale, ou de la volonté du Seigneur qui fesait acheter aux villes le droit de se gouverner elles-mêmes, ou enfin de l’initiative propre des habitants qui profitaient des croisades ou des guerres intérieures pour proclamer leur indépendance, n’est peut être, pas encore suffisamment connue. Sans doute, des travaux nombreux de comparaison, des études spéciales sur des villes qui ont joué un grand rôle, permettent de distinguer les éléments généraux qui entraient dans la constitution de ces corps si jaloux de leur pouvoir, et souvent si fiers dans leur langage. Mais la variété est si grande, la différence est si marquée, non pas seulement entre les communes du nord et du midi, mais encore entre des villes voisines, qu’il y aurait un intérêt véritable pour l’histoire, à dégager de leurs obscurités des origines trop souvent ignorées, ou des accroissements dont la trace est difficile à suivre et l’influence, dans bien des cas, impossible à pénétrer.

Les actes anciens faisaient mention pour la première fois des bourgeois de Castres en 1160. Cette date, en l’absence de l’acte primitif, doit donc être considérée comme celle de l’émancipation des habitants et de leur constitution en communauté. L’abbaye de Saint-Benoit avait étendu longtemps son pouvoir sur les habitations groupées autour d’elle. Plus tard, les vicomtes d’Albi, de Béziers et de Carcassonne, après avoir envahi successivement le territoire environnant, disposaient en pleine propriété de la ville de Castres. Elle avait prêté foi et hommage à Raymond Roger, vicomte d’Albi, qui succombe dans les guerres des Albigeois. Le 20 novembre 1209, sa veuve, Agnès de Montpellier, cède à Simon de Montfort tous ses droits sur les domaines de son mari. Une cession pareille est faite au mois de juin 1211, par son jeune fils. Enfin, en 1215, le concile de Latran dispose en faveur de Simon de Montfort, de tout ce qui avait appartenu au comte de Toulouse et aux seigneurs qui avaient suivi sa fortune. Le vainqueur ne jouit pas tranquillement de ses nouveaux domaines, et pendant qu’il va combattre pour faire reconnaître son autorité, et que, le 25 juin 1218, il va mourir sous les murs de Toulouse, Guy, son second frère, est investi de la seigneurie de Castres. En 1226, il cède ses droits à Louis VIII, roi de France. Philippe de Montfort son fils, les reçoit par inféodation de Saint-Louis, l’année suivante. En 1356, la seigneurie de Castres est érigée en comté, en faveur de Jean VI de Vendôme. Les comtes de Castres se continuent jusqu’en 1519. À cette époque, un arrêt du parlement de Paris réunit à la couronne le comté de Castres.

Simon de Montfort avait, en 1215, convoqué à Pamiers une grande assemblée, par laquelle il fit rédiger les constitutions qui devaient régir tous les états dont il venait de recevoir l’investiture. Ces constitutions, connues sous le nom de Charte de Pamiers, dont il est utile d’indiquer la pensée politique, en la signalant comme un pas vers l’unité, puisqu’elles soumettaient une grande étendue de territoire aux mêmes obligations politiques et aux mêmes formes judiciaires, eurent leur pleine exécution à Castres jusqu’en 1356. Elles furent alors remplacées par les coutumes d’Anjou.

Pendant que s’accomplissaient ces événements, la communauté de Castres maintenait son existence et voyait s’accroître ses privilèges par des concessions successives. Les seigneurs, les comtes et les rois de France récompensent sa fidélité par la confirmation ou l’extension des droits anciens, et par la création d’avantages nouveaux. C’est ainsi que se forma cet ensemble de libertés renfermé dans l’hommage de 1613.

En 1264, Philippe Ier, de Montfort : en 1270, Philippe II, de Montfort, reconnaissent les droits dont il n’est fait aucune mention expresse, mais qui sont évidemment consignés dans l’acte de 1160, et qui découlent de la charte de Pamiers. En 1330 et 1335, Éléonore de Montfort témoigne de sa sympathie et de son désir d’augmenter la prospérité de la communauté. En 1356, Jean II prisonnier des Anglais, la remercie des efforts qu’elle a faits pour contribuer à sa rançon, et, tout en érigeant la seigneurie en comté, il se montre préoccupé du maintien des avantages dont jouissent les bourgeois, et leur accorde certaines exemptions dont les villes voisines durent se montrer jalouses. Charles V, en 1365, tient à rester fidèle aux intentions de son père. En 1368, Bouchard de Vendôme ; en 1437, Bernard d’Armagnac ; en 1459, Jacques d’Armagnac ; en 1499, Alain sire d’Albret, soit de leur propre mouvement, soit sous l’empire d’exigences que devait légitimer l’importance toujours croissante de la ville et université, tiennent à se montrer aussi bienveillants que leurs prédécesseurs. Enfin, en 1517 et 1519, date de l’annexion à la couronne, François 1er ; en 1547, Henri II ; en 1559, François II ; en 1591, Henri IV, qui avait eu plus d’une fois à se louer du zèle et du dévouement d’une ville où il comptait de si nombreux défenseurs de ses droits, veulent confirmer authentiquement des privilèges que la communauté un peu ombrageuse et toujours jalouse, craignait de voir s’affaiblir ou se perdre, au milieu des agitations civiles et des guerres religieuses.

Ce sont des témoignages dont il importe de conserver le souvenir. Ils permettent d’entrevoir, sinon de, déterminer exactement la part qui revient aux comtes et à la royauté. Peut-être ne serait-il pas inutile de remarquer un fait, qui, du reste, n’est pas particulier à Castres. Les seigneurs immédiats sont moins généreux : ils semblent craindre de voir s’augmenter outre mesure une puissance si rapprochée d’eux, et dont les empiétements peuvent se reproduire tous les jours. Les rois, au contraire, se montrent d’une bonne volonté qui forme un contraste assez frappant avec l’hésitation constante des seigneurs. Ils n’avaient rien à craindre des communes, et en favorisant le développement de leurs immunités, ils continuaient la tradition politique de la 3e race, s’assuraient des partisans zélés, et minaient une puissance dont il était de leur devoir et de leur intérêt de poursuivre l’affaiblissement. Les communes ne pouvaient que gagner à cette lutte. Jalouses de leurs droits, elles en défendaient l’exercice jusque dans les plus petits détails, et l’on s’étonnerait de la persistance avec laquelle elles réclamaient ou sollicitaient des libertés en apparence indifférentes ou même onéreuses, si l’on ne savait combien tout était étroitement lié dans cette organisation, où tous les pouvoirs semblent confondus, et où chacun a pourtant sa raison d’existence, son action, sa vie propre.

C’est ce que démontrera d’une manière évidente l’étude des différents articles contenus à l’hommage de 1613.