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Progrès accomplis en France depuis 1870 dans l’étude et l’enseignement de la géographie

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PROGRÈS ACCOMPLIS EN FRANCE
DEPUIS 1870
DANS L’ÉTUDE ET L’ENSEIGNEMENT DE LA GÉOGRAPHIE


Dans les substantielles et intéressantes études que M. H. Wagner de Gotha consacre, tous les deux ans, au mouvement géographique qui se produit en Europe, il reconnaît les progrès accomplis en France depuis la guerre de 1870-1871. Le jugement qu’il porte, dans l’Année géographique de 1880, sur nos efforts et les résultats déjà obtenus, mérite d’être signalé[1].

« Aucune nation, dit-il, n’a plus fait pour relever et populariser l’étude de la géographie que la France, depuis la guerre franco-allemande de 1870. Avant cette époque, chacun le sait, la géographie s’y était pour ainsi dire complètement endormie[2], alors qu’au siècle précédent, sous l’énergique impulsion de mathématiciens et de savants de premier ordre, elle avait été en grand honneur. »

M. Wagner aurait pu ajouter que, pendant près de deux siècles, du commencement de Louis XIII à la Révolution, la France avait tenu en Europe le premier rang, tant par l’importance et le nombre de ses travaux géographiques que par l’éclat des grands noms qui s’y étaient illustrés. Après avoir recueilli la succession des Flamands et des Hollandais, d’Ortelius et de Mercator notamment, elle l’avait en effet considérablement augmentée ; et personne, en Allemagne, ne pouvait alors être comparé à Cassini de Thury ni à d’Anville. Ce que le savant géographe de Gotha n’a pu dire, nous devons le constater ici, avant d’aborder la question qui fait l’objet même de cette étude. Il y a intérêt, croyons-nous, à ce que tout le monde, nos instituteurs et nos maîtres surtout, sache ce qu’était la France à ce point de vue, ce qu’elle a fait, et ce que la science contemporaine lui doit. Le sachant, chacun travaillera d’autant mieux à lui rendre la place qu’elle a perdue. Or, dans ce relèvement complet du pays, que nous poursuivons depuis tantôt treize ans, l’étude de la géographie doit être une de nos principales préoccupations.

I

La science géographique est en quelque sorte née avec le xvie siècle, alors que se continuaient avec les Français et les Hollandais les grandes découvertes maritimes, inaugurées par les Dieppois, les Portugais et les Espagnols. Au fur et à mesure que s’étendait le domaine de l’homme civilisé, on devait chercher à connaître les possessions nouvellement acquises, à se rendre compte de leur étendue et de leur configuration. Mais l’étude qui s’imposait avant toute autre aux esprits cultivés et chercheurs, que la Renaissance avait nourris de fortes études classiques, était la comparaison de la partie du globe alors explorée avec les territoires restreints qu’avaient habités les anciens. De là ce caractère que présente, à la fin du xvie siècle, la science géographique avec l’Italien Riccioli, les Allemands Munster et Cellarius. Ce sont des érudits et des lettrés plutôt que de véritables géographes. Mais Mercator[3] et Ortelius[4] reprennent les grandes traditions de Ptolémée et de Strabon. De nouvelles et intéressantes cartes sont dressées, bien supérieures aux portulans des Génois, des Pisans et des autres nations maritimes du moyen âge.

Bientôt s’ouvre le xviie siècle. La France s’initie à son tour à ce grand mouvement scientifique, auquel elle ne pouvait rester étrangère, pas plus qu’elle ne s’était désintéressée des longs voyages de découvertes accomplis aux siècles précédents. Les frères Parmentier et Jacques Cartier, à l’époque de François Ier, Laudonnière et beaucoup d’autres, sous l’énergique impulsion de l’amiral Coligny, méritent d’être rappelés. Bientôt même elle arrive à diriger elle-même ce mouvement, d’abord avec Nicolas Sanson[5], d’Abbeville, et ses fils, auteurs de cartes beaucoup plus précises et même plus estimées que celles d’Ortélius ; puis avec la brillante dynastie des Cassini[6] originaire d’Italie, naturalisée française en 1673, et qui nous conduit de la féconde administration de Colbert aux belles réformes de la Constituante.

Jacques Cassini est connu pour ses travaux relatifs à la détermination de la figure de la terre. Cassini de Thury a commencé cette merveilleuse Carte de France, de 11 mètres de hauteur sur 11 m. 33 c. de large, et composée de 180 feuilles, que son fils devait achever : œuvre grandiose et qui ne devait jamais être surpassée, ni comme science ni comme exécution.

Dans la même période de temps, une autre dynastie poursuivait les mêmes études et s’y faisait un renom, sinon aussi grand, du moins des plus honorables : c’était celle des Delisle[7], à laquelle on peut rattacher Ph. Buache[8], gendre de Guillaume Delisle. Ce dernier avait, dès 1700, commencé la publication d’un atlas pour rectifier, à l’aide des observations de voyageurs et d’astronomes, les erreurs commises par ses devanciers. Quant à Buache, il attache son nom à un système dont l’influence s’est fait sentir chez nous, dans l’enseignement de la géographie, à peu près jusqu’à nos jours. Partant de l’idée vraie que le relief du sol détermine la pente des eaux et leur direction dans les différents bassins qui les reçoivent, il l’exagérait, en voulant diviser la surface entière du globe en cavités, ou bassins fluviaux et maritimes, que devaient nécessairement délimiter les uns des autres de hautes crêtes montagneuses. La grande ligne de partage des eaux de la Russie lui doit son origine, ainsi que les monts Olonets, et l’arête qui sépare la Loire de la Seine, entre Orléans et Paris. Mais Buache a rendu beaucoup d’autres services, dont il faut lui tenir compte.

Nous ne citerons que pour mémoire un auteur dont nous devons cependant reconnaître le mérite : Nicolle de Lacroix[9], dont la Géographie moderne, pendant plus de cinquante années, fut la seule suivie pour l’enseignement dans les collèges. Mais au-dessus de Delisle, et à côté des Cassini, se place Bourguignon d’Anville[10], qui semble résumer en lui toute la science de son époque, à la fois érudit et cartographe. Il n’a pas exécuté moins de 211 cartes ou plans avec 78 mémoires à l’appui, et son nom jouit encore de la plus haute autorité.

Le dernier venu de cette période si féconde est Gosselin[11], connu par ses travaux sur Ptolémée et Strabon, et qui marque comme la transition entre l’école essentiellement scientifique du xviiie siècle et l’école plutôt littéraire de la première moitié du xixs. En effet, depuis quelque temps déjà s’opérait une grande transformation dans la façon d’entendre l’étude de la géographie. Celle-ci tendait à devenir une question d’érudition pure, où la recherche des textes et des documents primait tout le reste. Nous devons la signaler en passant, pour comprendre la cause même de ce long assoupissement, dans lequel, au dire de M. H. Wagner, tomba chez nous la géographie.

L’opinion du critique allemand peut être contestée et nous essaierons de le montrer. Mais disons-le encore et répétons-le très haut : La géographie est une science d’origine essentiellement française ; ayons sans cesse présents à la mémoire les noms de ces premiers géographes, dont nous avons essayé de caractériser l’œuvre en quelques mots ; pénétrons-nous profondément de cette idée qu’ils ont été les véritables créateurs d’une science à peu près inconnue jusque-là. C’est en nous inspirant de leurs exemples et de leurs travaux, c’est en renouant la chaîne de ces traditions du passé, et non plus en imitant les étrangers nos voisins de gauche et de droite, que nous relèverons notre enseignement et parviendrons à recouvrer notre réputation. De tout temps nous avons su la géographie ; nous l’avons même apprise aux autres : pourquoi ne la saurions-nous pas encre aussi bien qu’eux ?

II

On a tort, croyons-nous, de faire remonter aux érudits allemands seuls, à Gatterer, à Mannert, à Ukert, à Spiegel même et à d’autres, que M. Müllendorf aujourd’hui continue si dignement, l’origine première de cette évolution remarquable qui donna naissance à la géographie historique, et de voir dans ces écrivains, quelque grands qu’ils soient, les seuls maîtres de cette science toute moderne. Déjà au xviiie siècle, chez nous, le mouvement s’était prononcé en ce sens. En même temps que de savants géographes nous donnaient des œuvres remarquables, l’Académie des inscriptions et belles-lettres voyait se former dans son sein une association d’érudits qui, remontant aux sources et aux documents de la géographie ancienne et du moyen âge, en faisaient une étude souvent approfondie. Déjà Fréret, Gibert, Bonamy, Mentelle, Sainte-Croix, pour ne prendre que les plus connus, compulsaient et discutaient, alors que l’Allemagne ne comptait guère que Gatterer[12], versé du reste beaucoup plus dans les études historiques que géographiques. Plus tard, sous la Restauration et le gouvernement de Juillet, nous voyons Letronne, Bardié du Bocage, Daunou, Walkenaer, Guigniaut, d’Avezac, et le dernier survivant de cette belle pléiade, M. Vivien de Saint-Martin, continuer à creuser et à élargir le sillon tracé par leurs prédécesseurs. Certes, notre renom, en ce sens, n’avait pas à souffrir de la comparaison avec les savants d’outre-Rhin.

Mais ici, nous avons à constater un fait d’une importance considérable. En Allemagne, cette évolution suit, pour ainsi dire, son cours régulier, ne perd jamais de vue son point de départ, c’est-à-dire la science géographique, et tous ses efforts tendent à assurer son étude sur une base solide et irréprochable. Rien ne la distrait de ce travail, auquel elle s’est mise résolument, avec l’intention de le mener jusqu’au bout : et nous savons si jamais nation a jamais mieux justifié le mot de Buffon : « La patience, c’est le génie. »

En France, au contraire, cette évolution aboutit à bien d’autres résultats. La pensée des érudits s’éloigne peu à peu de ce qui a fait l’objet premier de ses recherches et de ses travaux ; elle ne se souvient plus que de loin en loin des intérêts véritables de la géographie ; elle semble se désintéresser de sa cause et l’abandonne dans son isolement. Sans doute la géographie ne « sommeille » pas encore, elle essaie de reprendre vie par quelques belles œuvres auxquelles s’attachent quelques grands noms. Mais l’attention publique, chez nous, est ailleurs : elle est à la tribune, elle est à la lutte des romantiques et des classiques, elle est surtout à l’éclosion de ces œuvres nouvelles qui transforment l’histoire et passionnent les esprits éclairés. L’histoire absorbe alors, en grande partie, l’attention du public, écrivains et lecteurs. Elle raconte, du reste, la vie nationale, fait revivre le passé, et trouve dans quelques-uns de ceux qui la cultivent de véritables hommes de génie. — Pour la géographie, que devient-elle ? y pense-t-on encore ? Oui, sans doute ; mais personne ne songe à protester contre la sujétion étroite à laquelle veut la soumettre l’histoire. L’habitude se prend de ne la considérer que comme une étude accessoire, et non indispensable. À qui viendrait-il à l’esprit de protester contre cette définition que déjà, en 1807, un savant écossais, géographe à ses moments perdus, Pinkerton[13], donnait dans la préface d’un ouvrage justement renommé : « La géographie comme la chronologie n’a pour but que d'éclairer l’histoire[14]. » Notons-le : jusqu’à nos jours, c’est-à-dire jusqu’après 1870, nous avons vécu en France sur cette idée-là. La géographie historique était née et prenait place dans les programmes de notre enseignement. Le plus grand nombre des œuvres que nous aurons à mentionner chez nous dans cette période n’auront désormais d’autre but que celui « de se faire l’auxiliaire de l’histoire[15] ».

Jusqu’à la seconde moitié du xviiie siècle, l’Allemagne n’avait pas eu, pour ainsi dire, de littérature nationale. Le monde officiel, élégant, mondain et lettré, cultivait la littérature française et ne parlait guère que le français. Mais quand la langue se fut définitivement formée avec de grands écrivains en prose et en poésie, dont le premier en date fut Lessing, elle se trouva en possession d’un puissant instrument de travail. Alors elle se jeta dans tous les genres, dans l’érudition surtout, vers laquelle la portait la pente même de l’esprit allemand. Elle trouva dans la géographie historique un terrain à défricher en beaucoup de parties, car la France était loin de l’avoir épuisé : elle comprit de suite importance de cette science, en devina la force et la portée, et, initiée un peu tard aux questions qu’elle soulevait, elle s’y livra tout entière. Elle aiguisa et fortifia sa critique, approfondit et scruta tous les détails, accumula une masse de matériaux où chacun pouvait venir puiser avec la certitude de trouver toujours ce qu’il cherchait. Mais en même temps elle se faisait à son tour voyageuse et exploratrice. Déjà le Danois Carsten Niebuhr[16] avait ouvert l’ère des voyages véritablement scientifiques. Bientôt Gmelin et Pallas[17], au service de Catherine Il, : attachaient leurs noms aux plus brillantes découvertes. Alex. de Humboldt arrivait, qui partait pour l’Amérique du Sud[18], au moment où, Burckhardt[19] nous révélait pour ainsi dire une Syrie nouvelle, mêmes après Volney ; et plus tard Alex. de Humboldt accomplissait au cœur de l’Asie un grand voyage d’étude qu’il rêvait depuis vingt ans[20]. Érudits et voyageurs travaillaient donc de concert à accumuler les matériaux qui n’attendaient que la main de l’ouvrier. Vienne un esprit d’élite et capable, de les mettre en œuvre, qui joigne à une connaissance approfondie des textes et des documents des vues larges et élevées, qui ramène à quelques lois générales précises l’ensemble si varié des faits géographiques, quelle influence féconde ne pourra-t-il pas exercer sur son pays et son temps ! Ce fut là le rôle de Ch. Ritter[21], auquel les Allemands attribuent justement l’honneur d’avoir compris, étudié, et enseigné la géographie comme jamais elle ne l’avait été jusque-là. À ce titre, Ch. Ritter fut un véritable créateur.

Ce fut pour lui qu’Alexandre de Humboldt, son maître et son ami, fit créer à l’Université de Berlin, en 1820, la chaire de géographie. Il l’occupa pendant plus de trente ans. On peut deviner ou comprendre <e que dut être un enseignement donné de si haut,’et pendant un si long espace de temps, par un des plus puissants esprits du siècle, qui non seulement était un géographe dans la pure et large acception du mot, mais qui unissait à une science profonde la critique la plus sûre, et à un talent de généralisation des plus remarquables un esprit éminemment philosophique. L’influence exercée par Ch. Ritter fut double. D’une part il exposa et popularisa la nouvelle doctrine scientifique, sur laquelle allaient. dès lors reposer et l’étude et l’enseignement de la géographie, en Allemagne, comme dans toute l’Europe savante ; de l’autre, il groupa autour de sa chaire une foule de disciples, dont quelques-uns furent ses dignes continuateurs.

Au point de vue de la doctrine, Ch. Ritter reprend, mais pour l’agrandir, l’idée d’Alex. de Humboldt. Il interroge la terre elle-même, et lui demande quelles relations étroites existent centre l’histoire des peuples et la nature même des pays où ils se sont développés. Il trouve dans les conditions du sol et du climat la cause principale du développement des nations, et fait ainsi de la géographie la science maîtresse, sans laquelle l’histoire reste obscure ou ne nous dit rien de précis. « C’est partout, écrit-il dans l’introduction de sa Géographie comparée, dans toutes les plaines et sur toutes les hauteurs, chez tous les peuples et dans tous les États, que se manifestent les relations intimes de la nature avec l’histoire, depuis l’origine du monde jusqu’à nos jours. Tous les peuples sont sous l’influence de la nature. » Toutefois il n’arrive à montrer comment Je sol peut agir sur l’homme qui l’habile qu’après avoir exposé l’ensemble des phénomènes apparents ou cachés, météorologiques et souterrains, qui ont modifié la face des continents. Ce n’est donc pas sans raison qu’il a intitulé son grand ouvrage de géographie comparée : La Connaissance de la terre dans ses rapports avec la nature et l’histoire de l’homme[22]. Sans doute il est parfois longet diffus, et nous nous perdons à sa suite dans des discussions sans fin, qui nous font oublier l’objet même qui est en question. Mais suivons-le jusqu’au bout, et les larges aperçu s dans lesquels il exposera la synthèse même de sa doctrine feront plus que compenser les fatigues du chemin.

On a fait un autre reproche à Ritter : celui d’avoir introduit l’élément religieux ou théologique dans la discussion de faits purement scientifiques, en insistant sur l’action d’une Providence toujours vigilante, qui préside aux transformations continues du globe. II y a du vrai dans cette critique, et le grand géographe de Berlin, aux yeux d’un certain nombre de critiques, ne passe point pour un véritable savant. Léopold de Buch et Osc. Peschel notamment prétendent qu’il n’a pas fait de la géographie véritablement scientifique, car à leurs yeux celle-ci doit s’appuyer sur la géologie, ou la connaissance précise des lois qui ont présidé non pas à la configuration générale, mais à la formation même de la croûte Lerrestre. Toutelois il faut le dire : la géologie, à cette époque, ne faisait que de naître, en Allemagne avec A. de Humboldt et Léopold de Buch, en Angleterre avec Ch. Lyell, en France avec Dufrénoy et Élie de Beaumont. Ce n’était que beaucoup plus tard qu’un autre grand géologue pouvait avec raison poser ce principe « que sans la géologie, la topographie et la géographie sont comme lettres closes ou des corps sans ânes ; qu’elles restent en quelque sorte silencieuses et mortes, tant que l’induction de l’observateur ne les a pas ranimées et fait parler de manière à en arracher les pages précises de leur histoire[23]. »

Quoiqu’il en soit, la géographie en elle-même ne pouvait que gagner à cette lutte de deux écoles[24] qui se posaient en face l’une de l’autre, la première se rattachant aux traditions de Ritter, la seconde suivant l’impulsion nouvelle que Peschel voulait imprimer à la science. De ces discussions fécondes devait sortir en définitive un système plus complet et plus sûr, car il reposait sur un principe contre lequel rien ne pouvait dès lors prévaloir. Ritter n’en est pas moins le chef incontesté de ce grand mouvement qui poussa l’Allemagne au premier rang des nations savantes de l’Europe. Ceux-là mêmes qui se sont faits plus tard les adversaires de ses doctrines ont toujours été plus ou moins pénétrés de son esprit ; et tous les grands noms que la science géographique compte au delà du Rhin, dans la seconde moitié du xixe siècle, se rattachent plus ou moins directement au maître de l’Université de Berlin, depuis Berghaus, Petermann, Kiepert et Sydow, ses disciples immédiats, jusqu’à Wappœus, Behm, Kirchhoff, Wagner et Osc. Peschel lui-même. Nous avons nommé les sommités dont s’honore l’Allemagne, à juste titre : nous ne pouvons que nous incliner devant ces savants de premier ordre qui ont mis hors de pair en Europe la science géographique allemande.

Nous nous reprocherions, en présentant ce tableau sommaire, de ne pas mentionner l’Institut géographique de Justus Perthes, fondé à Gotha par le Dr Petermann, et qui tient une grande place dans ce mouvement géographique accompli au centre de l’Europe. On lui doit une des plus belles œuvres cartographiques des temps modernes. au moins en ce qui concerne la représentation des pays européens, l’Atlas de Stieler, et une revue de premier ordre, qui reste encore sans rivale, les Mittheilungen[25]. Se rend-on compte de la somme d’efforts, de talent et de science qu’il a fallu dépenser pour exécuter ces cartes, monuments uniques en leur genre et qui sollicitent l’admiration du plus ignorant en matière géographique : car on ne sait ce que l’on doit le plus louer, de l’abondance ou de la précision des détails, de la beauté de l’exécution ou de la science consommée des auteurs. Ce n’est que petit à petit, et grâce à une amélioration constante apportée dans le détail, qu’une œuvre de ce genre peut se composer et arriver à une telle perfection ; et il lui a fallu le concours des professeurs les plus érudits et les plus savants.

Devrons-nous nous étonner de la grande place que s’est faite aujourd’hui l’Allemagne dans l’étude et l’enseignement de la géographie ? N’y a-t-il pas pour nous tous un devoir impérieux et pressant de sortir définitivement de ce : long assoupissement que nous reprochait H. Wagner, pour reprendre nos belles traditions d’autrefois ?

Nous aurions cependant scrupule à accepter ce terme d'assoupissement ou de sommeil : car ce serait trop dire, ce serait aussi nous calomnier. Il faut être juste, même et surtout en ce qui nous concerne. Si nous voulons jeter un rapide coup d’œil sur ce qui se passait en France dans la première moitié de ce siècle, nous verrons que ce ne sont ni les hommes ni les œuvres qui nous ont manqué. Pourquoi n’ont-ils pas exercé cette influence féconde et durable que l’on pouvait en attendre ? Il y a là une question à résoudre et qui ne manque pas d’un certain intérêt.

Le premier géographe en date que nous trouvions, comme aussi le premier en mérite ou en valeur, est un Danois, exilé de son pays pour affaires politiques et religieuses, réfugié d’abord en Suède, puis en France vers 1800, Malte-Brun[26]. Frappé dès cette époque, sinon du discrédit dans lequel était tombée la géographie, du moins de l’absence de toute œuvre sérieuse en ce genre, il voulut donner à sa patrie d’adoption ce qui lui manquait, et s’acquitter ainsi envers elle de la dette de reconnaissance qu’il avait contractée. D’abord en collaboration avec Mentelle, il publia en seize volumes une géographie mathématique, physique et politique des cinq parties du monde. C’était une œuvre un peu hâtive[27] ; mais peu après il commençait son grand ouvrage ou précis de Géographie universelle, qui devait fonder sa réputation, et pour ainsi dire identifier son nom avec celui même de la géographie. Le premier volume paraissait en 1810 ; le huitième et dernier en 1829, mais rédigé, en grande partie sur ses notes, par l’abbé Huot, son disciple, car Malte-Brun était mort en 1827, en travaillant au septième[28]. C’était un véritable monument élevé à la science, géographique, dans lequel il y aurait sans doute aujourd’hui beaucoup à dire ou à contredire, au point de vue de la critique, de l’ordonnance des parties et des idées générales ; mais, à cette époque, il défiait toute comparaison avec n’importe quelle œuvre savante de l’Europe. Humboldt n’avait encore fait paraître que quelques ouvrages de second ordre, et Ritter commençait seulement en 1817 la publication de sa Géographie comparée. Il pouvait prendre place à côté du chef-d’œuvre que Laplace venait d’écrire dans l’Exposition du système du monde.

Au moment où disparaissait Malte-Brun s’élevait un autre géographe, de moins grande envergure, il est vrai, et plus modeste dans ses prétentions, mais qui allait vouer à l’enseignement même et à la vulgarisation de la géographie une vie laborieuse et souvent féconde. C’était Eug. Cortambert[29], d’une intelligence à la fois vive et nette, et dont les charmantes qualités d’esprit se retrouvent dans les livres composés par lui à l’usage de la jeunesse. Le premier en France, « il rassembla les données éparses d’une science qui se complète chaque jour et qui n’est jamais achevée, les groupa d’une façon méthodique, et les présenta sous l’aspect le plus instructif pour les rendre accessibles aux divers degrés de l’enseignement et profitables à toutes les intelligences[30] ». Il avait d’abord travaillé à une révision complète du dictionnaire de Picquet. De 1826 à 1834 il fit paraître ses Éléments de géographie, et peu après sa Physiographie. Jusqu’aux derniers moments de sa vie il corrigeait et améliorait ses œuvres pour les rendre irréprochables. Il fut même considéré comme chef d’école ; et de nos jours c’était sa méthode, improprement dite cosmographique ou abstraite, que ses partisans opposaient avec plus ou moins de raison à la méthode physique ou concrète de M. Levasseur[31].

Contemporain de l’un et de l’autre de ces deux géographes, M. Vivien de Saint-Martin entreprenait alors ces travaux multiples qu’il devait poursuivre jusqu’à ce jour avec la patience la plus soutenue et un talent hors ligne. Nous avons mains en vue les études de linguistique et d’érudition pure, qui le placent à côté de Letronne, de Klaproth et de Rémusat, que les ouvrages de longue haleine consacrés exclusivement à la géographie. Quelques-uns sont achevés, d’autres se poursuivent encore aujourd’hui. Il en commençait alors la longue et laborieuse préparation ; c’est dire le soin et la conscience mis par l’auteur à élever ces véritables monuments qui seront l’honneur de la science française tout autant que celui du géographe : nous voulons parler notamment de l’Histoire de la géographie, et du Dictionnaire géographique, la plus vaste publication de ce genre qui ait été faite, et digne de figurer à côté du Dictionnaire de la langue française de Littré.

En outre, M. Vivien de Saint-Martin nourrissait depuis longtemps le rêve de doter la France d’un Atlas, qui fût le complément naturel de ses travaux et de ceux de son maître et ami, Malte-Brun ; qui soutint aussi la comparaison avec celui que Justus Perthes élaborait et publiait à Gotha. Quand ce rêve sera-t-il réalisé ? La maison Hachette a entrepris la publication de cette œuvre de premier ordre. Elle y travaille depuis de longues années avec une persévérance et un goût qu’on ne saurait trop louer : quelques feuilles seulement ont paru : nous y reviendrons plus loin pour en apprécier toute la valeur.

Cependant nous n’étions pas, à ce moment, tout à fait deshérités en ce genre d’ouvrages. Nous possédions déjà quelques atlas de réel mérite, et qui, comme cartographie, ont mérité de ne pas tomber tout à fait dans l’oubli : ceux de Delamarche, de Lapie et de Brué méritent à cet égard une mention spéciale[32].

Du reste nous avions à cette époque ce qui menace, paraît-il, de nous manquer bientôt complètement : c’étaient de véritables artistes en gravure et des dessinateurs hors ligne, formés, il faut le dire aussi, par la Carte d’État-major, que le Dépôt de la guerre faisait commencer en 1895. Aujourd’hui, beaucoup de savants, et des plus soucieux de la cartographie française, se plaignent de la décadence complète dans laquelle elle est tombée, et constatent que depuis la guerre de 1850, « bien loin d’avoir fait du progrès à ce point de vue, nous sommes restés en arrière ». Le témoignage de M. Hennequin, le fils même d’un des plus habiles graveurs qui ont attaché leur nom à la publication des travaux du ministère de la guerre, trouve ici sa place. « Au commencement de ce siècle, la gravure sur cuivre était à son apogée : nous devons aux graveurs et aux dessinateurs de cette époque la carte de France au 1/80 000, avec ses 174 feuilles. Il s’y trouve une telle homogénéité qu’il est impossible de signaler aucune différence entre des travaux de mains si diverses. Le Dépôt de la guerre entreprenait des œuvres qui survivront, et les éditeurs publiaient de très beaux atlas, comme ceux de Lapie et de Delamarche. Or toutes les cartes, à ce moment, étaient exécutées par des graveurs du Dépôt de la guerre : et jusqu’en 1870, les éditeurs français ont vécu sur l’école de 1830. Que l’on compare les cartes de nos jours avec celles de ce temps ; on jugera de la différence. »

Ainsi donc, à ce point de vue encore, nous pouvions tenir en Europe un rang des plus honorables ; et notre Carte d’État-major restera une des plus belles œuvres du siècle.

Enfin nous devons ajouter qu’en 1821 se fondait à Paris la première Société de géographie qui existât encore[33], avec quelques-uns des maîtres les plus connus de cette époque, Jomard, Malte-Brun, d’Avezac, Barbié du Bocage, Walkenaer et Vivien de Saint-Martin. Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/331 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/332 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/333 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/334 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/335 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/336 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/337 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/338 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/339 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/340 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/341 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/342 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/343 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/344 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/345 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/346 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/347 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/348 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/349 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/350 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/351 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/352 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/353 désert, en même temps que le professeur lui donne les explications nécessaires qui ne s’oublieront plus jamais. La carte ainsi faite aura de plus l’avantage de ne présenter que les points saillants, les détails indispensables à la leçon. Débarrassée de tout ce qui pourrait nuire a sa clarté, elle se gravera bien mieux dans l’esprit et la mémoire ; elle stimulera le goût et l’intelligence de l’élève, qui voudra la reproduire avec la plus rigoureuse exactitude. Que le professeur complète alors son enseignement par la carte murale, ou, ce qui vaudrait mieux encore, par la carte en relief, comme pour la France, par exemple, rien de mieux. Il arrivera ainsi à la synthèse complète, qui n’aura son utilité propre qu’après avoir été préparée par une analyse consciencieuse des points sur lesquels l’attention de la classe devra être appelée, et maintenue pendant un temps plus ou moins long.

En un mot, c’est par les yeux que doit s’enseigner la géographie. Volontiers même nous en ferions, pour parler à l’américaine, une leçon de lieux, qui n’aurait ni moins d’utilité, ni moins d’intérêt qu’une leçon de choses.

Mais ici nous touchons à une rénovation plus complète qui tenta de se produire dans l’étude et l’enseignement de la géographie. Nous allons nous trouver en présence d’autres noms que mit en lumière le congrès international de 1875, et d’autres créations non moins intéressantes à étudier que celles dont nous avons parlé.

V

L’ensemble des progrès réalisés jusqu’à ce jour pouvait se ramener aux trois points suivants : géographie physique prise comme base de tout l’enseignement ; ordre méthodique adopté dans l’exposition des différentes parties de la géographie générale, historique, politique, économique et commerciale ; emploi constant de la carte murale appuyé sur l’usage fréquent du tableau noir. — Tout au moins c’étaient bien là les principales réformes prêchées par les maîtres, insérées dans les programmes, et mises en pratique dans les manuels. C’était beaucoup, et cependant ce n’était pas assez, au dire de quelques esprits ardents, soucieux avant tout des résultats à obtenir, et qui ne croyaient pas que l’on eût assez profité. Un d’eux allait entreprendre ce que l’on pourrait appeler « une nouvelle campagne réformiste », et la mener avec un entrain et une verve, une confiance dans la bonté de sa cause et une bonne humeur qui tout d’abord lui concilièrent les sympathies et le concours d’un grand nombre d’adhérents. Nous parlons de M. Drapeyron, le directeur actuel de la Revue de géographie. Lui surtout n’était pas satisfait des efforts accomplis, ni des résultats auxquels on était arrivé. Mais peut-être allait-il trop loin en écrivant : « Après nos désastres, on comprit bien qu’il fallait étudier la géographie ; mais en dépit de quelques bons exemples, on le fit sans méthode, accordant beaucoup trop à la nomenclature, à la cartographie, à l’économie politique ; pas assez à la géologie, à la structure du sol, aux rapports de la géographie et de l’histoire[34]. » C’était, croyons-nous, être par trop pessimiste ; et l’enquête à laquelle nous nous sommes livré précédemment nous a laissé une bien meilleure impression.

Cependant il y avait encore à faire ; il y avait des lacunes à combler. Le congrès international de Paris se réunit comme à point nommé, en 1875, pour les signaler. Son principal avantage fut, non pas de substituer, mais d’ajouter pour ainsi dire aux efforts individuels d’un réformateur, éminent entre tous, mais le plus souvent isolé dans sa lutte, les efforts combinés d’une association d’élite inspirée par une même pensée et subissant une direction unique.

Le 6e groupe du congrès (groupe didactique) réunissait quelque-unes des sommités de la science géographique en Europe, parmi lesquelles nous remarquons MM. Dodonoif et Giwatowski de Saint-Pétersbourg, H. Kiepert de Berlin, Erslev de Copenhague, Du Fief et Lequarre de Bruxelles et de Liège, Coello de Madrid, De la Barre du Parcq, Eug. Cortambert, Drapeyron, Dupaigne, et Maze de Paris. Le questionnaire soumis à ses délibérations portait sur l’enseignement et la diffusion de la géographie ; les résolutions qu’il adopta concernaient les méthodes, et la fondation d’une revue spéciale de géographie, destinée à répandre et à faire accepter les idées qu’avait émises le congrès.

C’est donc encore la question de la méthode que nous voyons sur le tapis : tout est là, en effet. La science a beau faire des progrès, les efforts ont beau se multiplier pour hausser le niveau des études, « il ne suffit pas d’accumuler les matériaux, sans s’inquiéter le moins du monde d’un ordre quelconque, logique ou chronologique[35]. » Le 6e groupe demandait trois choses : établir une concordance rigoureuse entre les cours d’histoire et de géographie ; — faire de la topographie le point de départ de l’enseignement de la géographie ; — constituer dans toutes les écoles des musées pédagogiques, dans lesquels la géographie aurait sa large part. C’est ce que M. Drapeyron résumait dans cet axiome : « Pas d’histoire sans géographie, pas de géographie sans topographie. » — Pas d’histoire sans géographie, c’était une fière réponse aux doctrines et aux prétentions de l’ancienne école qui, pendant si longtemps, avait dit : Pas de géographie sans histoire ; et l’auteur précisait ainsi sa pensée : « Désormais il faudra considérer dans leur succession chronologique toutes les grandes questions historiques, et les résoudre par les procédés de la géographie scientifique, telle que l’ont comprise Humboldt, Ritter et Élie de Beaumont. » Mais pour que la géographie puisse véritablement éclairer, ou plutôt expliquer l’histoire, il faut qu’il y ait unité complète dans leur enseignement, ou pour mieux dire un parallélisme étroit entre les matières que l’une et l’autre ont pour mission d’étudier et d’approfondir. Ce sont deux programmes, essentiellement différents jusqu’à ce jour, qui doivent être réduits ou ramenés à un seul : de là un grand allègement pour le travail de l’élève. M. Drapeyron même va beaucoup plus loin. « Qu’on me dise, par exemple : En quatrième, faire connaître le monde romain. Aussitôt je dresse le programme suivant : Prendre les auteurs latins et grecs qui parlent de Rome et de ses conquêtes ; — en allemand et en anglais, choix de lectures sur le même objet ; — histoire romaine ; — géographie du bassin de la Méditerranée, c’est-à-dire de l’empire romain. On le voit, au lieu de quatre programmes divergents, il n’y en a plus qu’un seul. L’élève que l’on invite à examiner le même objet sous ses différentes faces n’est plus déconcerté et ahuri, il est édifié. »

On ne saurait le nier : l’idée est séduisante, et, en apparence, d’une application très simple. Chaque année, l’élève se promènera en quelque sorte dans une des parties du monde habité, où l’humanité a joué un rôle et vécu une partie de sa vie, et ses études s’achèveraient avec le dernier cycle de l’histoire générale. Il y a bien cependant des objections à faire à cette façon d’envisager l’étude simultanée des deux sciences. On ne voit pas trop quelle partie spéciale de l’Europe ou du monde pourrait exactement correspondre à l’étude du moyen âge, de la Renaissance, des temps modernes ou contemporains, alors que l’homme prend possession du globe tout entier, et que l’histoire étend son champ d’action sur tous les continents à la fois. Et la géographie spéciale de la France, à quel moment viendra-t-elle se placer ? M. Drapeyron aurait rencontré de graves difficultés, croyons-nous, à dresser un programme d’ensemble pour justifier sa manière de voir. Mais il y a, nous devons le reconnaître, de grands progrès à réaliser sous ce point de vue. Il faut établir la concordance du cours d’histoire et de géographie toutes les fois qu’elle pourra se faire ; et déjà quelques parties des programmes élaborés par le Conseil supérieur, en 1880, ont donné jusqu’à un certain point satisfaction aux légitimes demandes du congrès. Les aperçus tout nouveaux que le professeur pourra tirer de ce rapprochement de l’histoire et de la géographie intéresseront vivement les élèves. Nous n’en voulons comme preuve que le plan dressé par M. Drapeyron dans sa brochure la Géographie et la Politique[36], et intitulé : « Les applications de la géographie à l’étude de l’histoire ». C’est une manière originale et neuve, nous dirons même lumineuse, d’interpréter l’histoire. Elle témoigne tout à la fois d’un grand sens critique et d’un esprit élevé.

Nous avons aussi des réserves à faire en ce qui concerne la seconde réforme proposée : Prendre toujours la topographie pour point de départ de la géographie. Nous touchons là à une question de méthode qui nous paraît fondamentale. Plus loin nous y reviendrons en justifiant notre manière de voir[37]. Mais nous devons reconnaître ici que l’idée en elle-même était des plus justes, formulée ainsi : « La topographie est l’ABC de la géographie : on ne saurait se passer Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/523 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/524 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/525 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/526 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/527 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/528 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/529 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/530 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/531 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/532 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/533 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/534 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/535 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/536 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/537 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/538 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/539 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/540 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/541 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/542 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/543 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/544 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/545 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/546 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/547 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/548 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/549 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/550 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/551 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/552 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/553 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/554 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/555 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1884.djvu/556

Telle est l’idée que nous nous faisons de l’étude et de l’enseignement de la géographie. Nous croyons échapper au grave reproche qu’on lui a si souvent adressé, de vouloir empiéter sans motif sur le domaine des autres connaissances et d’aspirer à jouer « un rôle qui n’allait pas à sa taille ». Dans la fièvre du premier entraînement, on avait rêvé pour elle une mission beaucoup trop vaste, et par cela même exagérée. Les uns l’appelaient la coalition, les autres la fusion de toutes les sciences. On était allé jusqu’à prétendre qu’il fallait lui donner la direction du mouvement scientifique[38]. C’était dépasser le but et manquer de raison. Soyons plus modestes et nous serons mieux écoutés. Dans le champ limité où doit se renfermer son action, la géographie rendra d’assez grands services pour être appréciée de tous ceux qui se soucient réellement de la grandeur intellectuelle du pays. Elle ne méritera plus d’être appelée ironiquement par ses adversaires « une science encombrée et encombrante ».

J.-B. Paquier,
Professeur au Lycée Saint-Louis
et à l’École normale primaire supérieure de Saint-Cloud.
  1. Geographisches Jahrbuch, VIII. Band, 880, p. 566.
  2. « Vollkommen geschlafen habe ».
  3. Mercator (1512-1594), géographe de Charles-Quint. Il a donné son nom à la projection employée dans les cartes marines.
  4. Ortelius (1527-1598), géographe de Philippe II. Il est l’auteur d’un atlas intitulé : Theatrum orbis terrarum.
  5. Nicolas Sanson, né à Abbeville (1600-1665), géographe de Louis XI.
  6. Jean-Dominique Cassini, astronome, né dans le comté de Nice (1625-1712), fonda l’observatoire de Paris. — Jacques Cassini (1669-1756). — Cassini de Thury (1714-1784). — Jacques-Dominique Cassini (1747-1845) prend part, sous la Constituante, à la division de la France en départements.
  7. Claude Delisle (1644-1720), auteur d’une Introduction à la géographie. — Guillaume Delisle (1675-1726), disciple de Jacques Cassini. — Joseph-Nicolas Delisle (1686-1768), le maître de Lalande.
  8. Phil. Buache, né à Paris (1700-1773).
  9. Nicolle de Lacroix (1704-1760).
  10. Bourguignon d’Anville, né à Paris (1697-1782).
  11. F.-J. Gosselin, né à Lille (1751-1830).
  12. J. Ch. Gatterer (1727-1799).
  13. Géographie moderne, rédigée d’après un nouveau plan, 3 vol., ouvrage qui fut traduit dans toutes les langues.
  14. « To illustrate history ».
  15. Barberet et Magin, Précis de géographie historique (Introduction).
  16. Son voyage en Arabie se place de 1761 à 1767.
  17. De 1768 à 1774, ils parcoururent la Russie et la Sibérie.
  18. De 1800 à 1805.
  19. De 1799 à 1805.
  20. 1824-1829.
  21. Né à Quedlinbourg en 1779, et mort à Berlin, la même année que Humboldt, en 1859.
  22. Die Erdkunde im Verhältniss zur Natur und zur Geschichte der Menschen.
  23. Daubrée, Études expérimentales pour expliquer les déformations et les cassures qu’a subies l’écorce terrestre.
  24. Rob Mayr : Zeitschrift für Geographie, Wien, I, 1880. — H. Wagner Geographisches Jahrbuch, VIII. Band, 1860.
  25. Fondée en 1855.
  26. Conrad Malte-Brun, né dans le Jutland et mort à Paris (1775-1826).
  27. De 1803 à 1805.
  28. Son fils, M. Malte-Brun, un des géographes les plus estimés de nos jours, a repris pour la compléter et la mettre au niveau des découvertes récentes la Géographie universelle. C’est sans contredit la meilleure des révisions qui en aient été faites, car elle respecte l’esprit même et le plan de l’ouvrage.
  29. 1805-1881.
  30. Allocution prononcée par M. E. Levasseur aux funérailles d’Eug. Cortambert.
  31. La réputation comme l’œuvre d’Eugène Cortambert a été continuée de nos jours par son fils, M. Richard Cortambert, chez lequel on retrouve les mêmes qualités d’esprit et les mêmes soucis de l’exactitude scientifique. M. Richard Cortembert vient de mourir (janvier 1884).
  32. Nous ne pouvons passer sous silence les noms de quelques autres écrivains qui se sont aussi occupés de géographie, mais à un point de vue exclusivement historique : MM. Barberet et Magin, H. Wallon et Duruy.
  33. C’est en 1681 que parait la première société de ce genre, à Venise, sous le nom de Société des Argonautes. — En France, c’est en 1785, croit-on, que J. Buache eut le premier l’idée de fonder une Société française de géographie. Il adressa en ce sens un mémoire au roi Louis XVI, dont le goût pour la géographie et la cartographie surtout était très vif, nous le savons.
  34. Nouvelle méthode d’enseignement géographique, par L. Drapeyron Introduction. (Lib. Demaine, 1876).
  35. Nouvelle méthode d’enseignement géographique, par L. Drapeyron (Introduction.)
  36. Ch. Delagrave, 1880.
  37. Voir pages 541 et 542.
  38. Löffler, Quelques réflexions sur les études géographiques, leur but et leur situation actuelle (Copenhague, 1879).