Projet de déporter dans la Louisiane cinq ou six cents bohémiens

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Projet de déporter dans la Louisiane (alors française) cinq ou six cents bohémiens :


Marine à justice


Paris, le 23 pluviôse an XI.

Je réponds, citoyen grand-juge, à vos deux lettres, dont l’une du 5 de ce mois et l’autre sans date de jour.

Vous m’y prévenez des ordres du gouvernement pour la déportation à la Louisiane d’environ 600 bohémiens de tout sexe et de tout âge, qui ont été arrêtés dans le département des Basses-Pyrénées.

C’est à Bayonne que vous avez fixé le point de réunion de ces individus, et c’est là que vous désirez qu’ils soient conduits et gardés à Rochefort, jusqu’à leur départs ; comme vous vous réservez de prendre les ordres du premier consul pour les frais de conduite, de subsistance et d’entretien, je juge que je n’ai pas à m’occuper de leur transport à Rochefort, qui, dans cette saison, ne serait pas sans embarras par mer.

Mais quant à leur garde, je vous observerai que la seule maison d’arrêt dont je puisse disposer à Rochefort, est hors d’état de recevoir les nouveaux détenus que vous m’annoncez ; le bagne lui-même est rempli hors de mesure.

Il en est de même dans tous les ports de mer, dont les prisons et dépôts ont peine à contenir les nègres déportés qui arrivent journellement des colonies.

Peut-être le département de la guerre possède-t-il en ce moment plus de moyens que moi pour remplir l’objet que vous vous proposez. Je n’ai, toutefois, aucune certitude à cet égard.

À quelque parti que vous jugiez à propos de vous arrêter, relativement à la translation à Rochefort et à la garde des 600 bohémiens, jusqu’à leur embarquement, je vous prie de m’adresser le plus tôt possible l’état nominatif de ceux-ci, accompagné d’apostilles que vous m’avez annoncées sur chacun d’eux.

Je n’attends que cet envoi pour prendre de mon côté les mesures que comporteront les détails que j’aurai reçus de vous.

Marine à justice


25 ventôse an XI.

… Votre seconde lettre (16 de ce mois) relative aux 600 bohémiens destinés à la déportation, m’informe de la demande que vous avez faite au ministre de la guerre, d’un local à Rochefort, propre à recevoir ces détenus. Vous ajoutez qu’aussitôt l’envoi, par le préfet des Basses-Pyrénées, de l’état nominatif et apostillé de ces bohémiens, vous m’en transmettrez ampliation…


Je néglige plusieurs autres projets dont je trouve la trace, particulièrement les projets relatifs aux chouans que l’on se propose d’envoyer aux colonies. Ces divers projets furent tous abandonnés devant les objections du ministère de la marine, qui, généralement, répond qu’il ne dispose pas des ressources nécessaires pour effectuer ces transports, surtout au moment où les croiseurs ennemis parcourent les mers en tous sens.

Détail remarquable : il y avait alors dans les diverses prisons de l’empire un certain nombre d’individus condamnés régulièrement par les tribunaux à la déportation pour des crimes de droit commun que la loi punissait de cette peine. Pas un de ces individus ne se vit en réalité appliquer cette peine ; elle fut dans la pratique réservée aux seuls proscrits politiques qui, eux, n’avaient, on le sait, été l’objet d’aucun jugement d’aucune sorte. En ce qui concerne les condamnés de droit commun, voici une lettre du ministre de la marine au ministre de la justice (19 floréal an XI) qui nous dispense de faire connaître les autres :


19 floréal an XI.

J’ai reçu, citoyen ministre, votre lettre du 26 germinal, par laquelle vous m’invitez à prendre des mesures pour la déportation d’individus condamnés à cette peine et dont le nombre s’augmente considérablement dans les prisons de l’Isle de Ré.

Je me réfère à la réponse que j’ai eu l’honneur de vous adresser le 4 pluviôse dernier sur une semblable question ; le gouvernement, depuis que la peine de la déportation existe, n’a point déterminé le lieu où seront transférés les individus qui doivent la subir, et jusqu’à ce que ses intentions soient fixées à cet égard, les condamnés doivent nécessairement rester dans des dépôts qui sont placés sous les ordres du ministre de l’intérieur.


Le public connaît maintenant tout le dossier des déportations consulaires et impériales.