Projets de trente fontaines pour l’embellissement de la ville de Paris/Planche III

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PLANCHE III.



FONTAINE DE LA PLACE DE L’HÔTEL-DE-VILLE.


Henri IV est le premier de nos rois qui se soit occupé de donner de la régularité aux places publiques de Paris ; les places Royale et Dauphine, bâties sous ce prince, nous montrent une volonté première qui a présidé à la disposition de leur plan et arrêté le caractère et la forme des bâtiments qui devaient en tracer les limites. Jusque là l’intérêt de la propriété particulière avait paru protégé au détriment de l’intérêt public, et les places de Paris semblaient être plutôt le produit de circonstances fortuites que nées d’une volonté supérieure. La place de l’Hôtel-de-Ville est du nombre de celles que l’autorité bienveillante des magistrats de la ville n’a pu encore, après des travaux aussi souvent repris qu’abandonnés, rendre digne du nom qu’elle porte. Le palais municipal de la première ville du royaume, pour ne pas dire du monde, demande impérieusement de nombreux abords, et, devant lui, une place spacieuse et régulière dont la décoration architecturale soit en harmonie avec la sienne. En attendant qu’un tel projet puisse s’exécuter, il conviendrait au moins de décorer la place actuelle d’une fontaine monumentale. Dans celle ici gravée pour cette destination, je me suis appliqué à ne pas trop m’écarter du style du bâtiment élevé sous François Ier, Henri II et Henri IV, et que J. Goujon décora d’admirables sculptures. À cet effet je l’ai enrichie de figures de ronde-bosse, de nombreux bas-reliefs et d’ornements variés.

Pour centre de ma composition, j’ai pris le groupe connu des Nymphes suspendant leurs vêtements humides autour d’une colonne dont Piranesi s’est servi avant moi pour un usage à peu près semblable ; seulement, au lieu de trois nymphes, j’en propose quatre, afin d’éviter la maigreur qui résulterait de la stricte copie du groupe antique. Ces nymphes, qui entourent une colonne cannelée, sont posées sur un piédestal circulaire, décoré de monstres marins, d’emblèmes et de mascarons qui jettent de l’eau dans un bassin également circulaire, autour duquel sont vingt-huit petits bas-reliefs dans lesquels pourraient être reproduits, en fer fondu, les mois de l’année sculptés en bois par J. Goujon sur les panneaux de l’une des salles de l’Hôtel-de-Ville, aussi bien que les délicieux bas-reliefs de Nymphes de la porte Saint-Antoine, dont tous les artistes conservent les plâtres, les quatre Saisons de l’hôtel Carnavalet, ou tous autres chefs-d’œuvre de notre sculpteur national. La vasque que les Nymphes sont censées soutenir au-dessus de leur tête, et du centre de laquelle s’élève un jet-d’eau qui, en retombant de la vasque dans le bassin du milieu, les enveloppe de vapeurs diaphanes, complète cette fontaine dont le soubassement naturel est la cuve lisse et circulaire élevée de deux marches et entourée de bornes protectrices, dans laquelle toutes les eaux jaillissant viennent se rendre, et où le peuple est appelé à s’approvisionner de celle qui est nécessaire à ses besoins.




FONTAINE DE LA PLACE DU CAIRE.


Pour une place aussi resserrée, aussi irrégulière, et située à l’embouchure de trois rues comme est celle du Caire, j’ai dû projeter une fontaine circulaire, cette forme étant celle qui, sous tel aspect qu’elle soit vue, produit toujours son effet. Un bassin, coupé dans sa circonférence par huit piédroits et précédé de trois marches, est alimenté par douze jets-d’eau qui s’échappent d’une vasque posée sur un piédestal octogone ; cette vasque reçoit son eau de quatre mascarons placés autour d’un piédestal circulaire portant une statue de Léda. Sur chacun des huit pans coupés du premier piédestal sont incrustés des bas-reliefs où seraient retracés les principaux traits de l’histoire de la fille de Thestius, si étrangement trompée par Jupiter transformé en cygne.




FONTAINE DE LA PLACE DE LA SORBONNE.


Comme la plupart des précédentes, cette fontaine est circulaire ; la forme ronde est tellement favorable à l’effet de l’eau, que j’ai dû lui donner la préférence toutes les fois que les localités m’ont laissé le choix du parti à prendre.

Dans celle-ci, trois Génies posés sur un piédouche maintiennent une première vasque, surmontée d’une plus petite posée sur une espèce de colonne servant de conducteur au jet qui alimente le monument et dont l’eau se répand en nappes jusque dans le bassin inférieur destiné au service public. Le bassin inférieur est précédé d’un trottoir surélevé de deux marches et entouré de bornes de défense. Comme, dans la nature des choses, une masse d’eau qui est toujours la même ne peut alimenter avec la progression voulue, des cuvettes de dimensions essentiellement différentes, je suppose qu’ici la nappe fournie par la grande vasque reçoit un complément d’alimentation à l’aide de conduits dont les bouches, établies au niveau de l’eau de la grande vasque, ne peuvent être aperçues de l’œil du spectateur.