Promenade d’un Français dans l’Irlande/Ecosse
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’ACCENT Écossais me sembla en arrivant fort étrange quoique je l’eusse déja connu. Mais on ne saurait nier que la propreté et l’air d’industrie répandue dans toutes les classes ne préviennent extrêmement en faveur des habitans. Je passai par Stranraer et poursuivant mon chemin le long des côtes j’eus bientôt de la hauteur, la vue magnifique de la mer qui sépare l’Irlande de l’Ecosse, et le passage qu’elle s’ouvre dans l’Océan entre le Cap de Fair Head et le Mull de Cantyre, que l’on distinguent parfaitement. Il me semblait même que je pouvais appercevoir les piliers surprenans de Fair Head et, malgré la violente gelée et que je fusse obligé de conduire mon cheval par la bride à cause du verglas je prenais un plaisir singulier à les considérer . . . il est beaucoup de gens qui dans pareil cas, en trouveraient davantage à être au coin du feu.
Je traversai la jolie ville d’Ayr en payant des barrieres à tout pas, et m’informant de la maison de Mr. Reid à Adamton, tak the corner of the houfs, when ye’ll be to the end of the tounn, and ye will gang flrackt for it, me répondit on. Un Anglais entendant un pareil jargon pourrait s’imaginer qu’on lui parle Gréc, mais ayant déjà été deux ans en Écosse, j’entendis fort bien ce que cela voulait dire.
Un Anglais qui avait demeuré longtemps en Écosse prétendait entendre parfaitement l’Écossais. Une jeune personne assez gentille, pour qui il avait de l’attachement ayant pariée qu’elle lui dirait quelque chose qu’il ne pourrait entendre, lui dit, Ye’re a canty callen w’ll ye pree mee mou. Il ne put jamais en venir à bout et lorsqu’il sut ce que cela voulait dire ce lui fut double peine de perdre son pari et cette bonne occasion. Mais quand j’y pense, les Anglais ni les Irlandais ne sauraient entendre cette courte phrase : je ne prendrai pourtant pas la peine de l’expliquer. Mais s’ils veulent en connaitre le sens ; qu’ils disent à la premiere Écossaise qu’ils rencontreront — bonnie lassie, pree mee mou : si elle est gentille, cela fera rire et si elle ne l’est pas ils s’en rappelleront pour une autre fois.
En me rendant à Glasgow, la gelée était très violente : elle brise les pierres dit-on, ainsi je ne dus pas être étonné qu’elle fendit mes culottes d’une maniere épouvantable ; malgré les mouchoirs et du soin c’est tout ce que je pus faire de ne pas geler. Passant la nuit à Cathcart chez le Rd. Dowr, j’arrivai à Glasgow, où j’avais déjà été dans ma promenade Écossaise : j’en admirai la beauté autant et plus que j’avais fait à mon premier passage, et je revis avec plaisir les personnes qui m’y avaient accueillis, entre-autres la famille de Mr. Oswald chez qui je fus me présenter à Scotstown. Il n’est que juste de reconnaitre, que sans les bontés que lui et sa famille ont eu pour moi l’intéret passif que bien des gens m’avait témoigné a Edimbourg et ailleurs ne m’eut jamais mis à même de me tirer d’affaire. J’en reçus encore dans cette ville un nouveau témoignage d’amitié : voyant que la gelée continuait, je fis ferrer à glace mon pauvre compagnon de voyage : le Maréchal le piqua d’une maniere terrible ; ne sachant qu’en faire, la dépense à l’auberge étant très considérable, mon intention était de le laisser la, sans m’en plus embarrasser. J’en parlai à Mr. Alex. Oswald qui vint le voir et après l’avoir éxaminé, il me demanda ce qu’il valait : je lui dis, que blessé comme il était, il ne valait rien. Dans la situation ou il est, me dit il, would twelve guineas swit you ? " they would swit me perfectly well, répondis-je et le marché fut fait. Cette maniere franche et noble d’agir, m’a souvent fait désirer que mon pauvre bucephale, devint entre ses mains le meilleur coursier de l’Arabie.
Il me semble en vérité, que j’ai plus de plaisir a reconnaitre un bienfait, qu’à me moquer d’une impertinence : on peut quelques fois me trouver, mordant peutêtre ; on ne me trouvera pas ingrat.
Etant à Scotstown je passai la riviere sur la glace, quoiqu’elle fut presqu’entierement cachée sous l’eau et je fus voir les manufactures de Paisley ; elles sont vraiment surprenantes par leur immensité ; les instrumens seuls de la manufacture que je visitai, avaient coutés plus de vingt mille livres sterlings aux propriétaires. On conviendra qu’il faut diablement faire des cravattes et des jupons de mousseline pour payer de tels frais et encore n’est-ce rien en comparaison de celle de Lanark, dont je parlerai après.
Je quittai Glasgow encore seul et contre mon ordinaire, je pris une place dans le coche qui me conduisit jusqu’à Falkirk ; je fis le reste du chemin à pied et traversant le Forth malgré les glaces à Alloa, j’eus le plaisir de me retrouver dans le pays où j’avais d’abord reçu l’hospitalité et où je la reçus encore, chez Mr. Bruce of Kennet et chez le Major Mayne, chez qui j’avais demeuré très longtemps. Suivant de là, le cours du Forth, près des mines de fer où plutôt terre de fer, car dans certains endroits, le sol entier semble être de ce métal, je passai la riviere à Queen’s Ferry, et arrivai enfin à Edimbourg.
C’était bien la même ville les mêmes édifices, les mêmes places, mais les manières avaient bien changées depuis mon départ. Tout le monde était armé : les Médecins, les Avocats, les Procureurs, même les Ministres de l’Evangile et les Professeurs de Collège exerçaient, et suaient sous le harnois des grenadier. * Je ne dis pas que ce ne fut très honorable mais seulement qu’un tel changement de maniere devait en faire un grand dans la société.
- Un caporal qui se tuait à tacher de faire manœuvrer un Professeur, sans pouvoir réussir à lui rien faire entendre, se mit enfin fort en colere et lui dit en jurant, " j’aimerais mieux faire faire l’exercice à cinquante polissons qu’à un seul philosophe. " . . . Avait-il tort ?
On avait fait prendre les armes à tous les portefaix, les porteurs de chaise, les laquais et les artizans de toute espéce et on leur donnait deux shillings par semaine, comme une espèce de dédomagement pour le temps qu’il leur fallait perdre à l’éxercice.
Cette énergie singuliere fait certainement beaucoup d’honneur à la grande Bretagne mais cependant en me rappellant ce que l’on me disait souvent, lorsque j’arrivai d’abord dans le pays, je n’en pouvais guères concevoir la nécessité, car me disait-on alors, un Anglais est toujours sùr de battre à platte couture trois Français et quelquefois même, on me faisait, sentir qu’un Écossais avait souvent valu trois Anglais.
Il est vraiment singulier, quand on y pense, devoir la menace d’une invasion, renouvellée dans toutes les guerres avec la France et toujours avec le même succès. Ces menaces n’en imposent au gouvernement, qu’autant qu’elles l’obligent à avoir vingt vaisseaux de guerre dans la Manche, qui pourraient être employés ailleurs : mais après tout, elles rendent l’accès des bourses beaucoup plus faciles, par la terreur qu’elles donnent. Le secret, dit le Cardinal de Rets, est de savoir gouverner les gens par des frayeurs dont ils sont eux-mêmes les instrumens : on connait ce secret dans la grande Bretagne.
L’esprit qui regnait parmi les habitans d’Edimbourg lors de la formation des volontaires était en tout semblable à celui qui s’était emparé de nos gens à la formation de la Milice Nationale, quoique dans un sens different. Quelques gens m’ont souvent parlé de m’enroler dans les volontaires, j’avais beau dire que lorsque j’étais venu dans la grande Bretagne et en Écosse, c’était pour me soumettre à la police et non pour la faire, pour être protégé et non pour protéger moi-même ; ces raisons ne semblaient point bonnes ; on voulait absolument que je prisse parti, et on me reprochait sérieusement, d’avoir l’abomination de manger sans remords ni conscience, le bon diner des partisans de l’Opposition, avec tout autant d’appétit que celui des partisans du Ministere.
A moins d’avoir été dans la grande Bretagne dans un moment d’orage, il est impossible d’imaginer l’animosité avec laquelle les deux partis défendent leurs deux patrons. L’un a fait tout le mal, l’autre seul peut le réparer : si le Roi s’avisait de choisir quelqu’un autre que ces deux mortels précieux, je ne serais pas très étonné de voir les deux partis se réunir contre lui, et peutêtre même feraient ils une révolution .... si le nouveau premier, n’avait en ses mains le pouvoir de se gagner une majorité.
Ce n’est pas pour les Principes des Ministres que les gens se tracassent tellement, c’est tout simplement pour leurs personnes ; parce qu’on en a reçu quelques faveurs ou qu’on espere en recevoir. Il y a bien des gens aussi qui n’ont pas la moindre idée d’intéret, et sont quelques fois aussi violens que les autres, mais c’est rare. C’est le plus grand homme qui ait jamais été à la tête de la nation, disent les uns, pendant que les autres s’écrient, Oh ! le Monstre, le scélérat, il a entrainé la nation sur le bord de l’abyme : nous sommes ruinés, perdus : il n’y a qu’un moyen de nous sauver, c’est de pendre Monsieur Dupuit et de mettre Monsieur le Renard à sa place. ,
Pendant le cours de l’hiver (de 1797) les anti-ministeriels firent à Edimbourg comme par toute la grande Bretagne d’humbles pétitions au Roi pour renvoyer à jamais his weak and wicked Ministers. On recevait les signatures dans tous les cabarets et pour engager les gens du peuple, à venir y porter leur noms, on donnait à ce qu’on m’a dit, un verre de vin à tous ceux qui signaient ; on rapporte qu’il y a des gens qui ont signés si souvent dans le même jour, qu’ils étaient ivres le soir. Les partisans de l’opposition ne firent dans cette occasion que ce que les autres avaient fait avant, car lorsqu’on leva les corps de volontaires parmi les gens du peuple, on fit promener par la ville un grand tonneau rempli de porter et on donnait à boire à ceux qui se présentaient pour défendre leur pays.
On criait misere, mais cependant il y avait sept ou huit bals par jour, la Comédie, le Concert le Cirque, Panorama, les bêtes feroces, et tout était plein. Un certain Italien qui sut se procurer la protection des premiers personnages, fit courir tout le monde à ce qu’il appellait ses exhibitions littéraires, où il lizait, avec l’accent milanais, des tragédies de Corneille et des comédies de Moliere. Ce bon pays est vraiment la terre promise pour les Charlatans : celui-cy avait fait un petit compliment Italien, ou le nom seul était à changer suivant le pays où il se trouvait : en voici le sens: " Amoureux insensés, pourquoi allez vous toujours à Paphos, Venus n’y est plus ; elle a fixée son séjour parmi les aimables Ecossaises. " Après avoir lu cela, parbleu ! me dis je, j’en fuis charmé, je compte passer l’hiver à Edimbourg et ce ferait une assez bonne fortune que de rencontrer la belle Déesse sur mon chemin ! au milieu de ces diversions, on parlait d’envoyer une mission aux grandes Indes pour y prêcher l’Evangile, aux Gentous, aux Arabes et aux Chinois. Il y avait même eu une souscription assez nombreuse à ce sujet.
Le Cirque, où Astley faisait ses tours de force avec ses chevaux et ses paillasses était changé le Dimanche en une Eglise, où j’ai vu près de deux mille personnes, toutes les loges étaient remplies de monde (quoique cela sentit un peu le crottin) et le ministre prêchait de dessus le trou du Soufleur. Comme tout passe. et tout change : il y a vingt ans que le peuple d’Edimbourg, démolit et brula la comédie comme l’œuvre du diable et il y va à présent (assister au souper du seigneur) recevoir la communion ! encore vingt ans, et peut être on jouera la comédie dans les Eglises.
Plusieurs sectes s’étaient formées, depuis même mon départ : une entre-autres (dont j’ai oublié le nom) dédaignant le sombre du Presbyterianisme, prétendait qu’on ne saurait honorer Dieu que par la gaité : elle chantait, les psaumes sur le ton le plus gai et pour antienne eclatait de rire, fort sérieusement.
Plusieurs personnes qui n’étaient point dans les ordres, prêchaient souvent en public : on voyait des Marins dans la chaire parlant continuellement du feu d’enfer, et j’ai vu moi-même, chose étrange, un Procureur honnête-homme, edifier ses clients sur la morale de l’Evangile.
Je m’étonne fort, que les Ministres ne découragent pas cette methode, car c’est leur oter le pain : si par malheur pour eux, le peuple venait à s’appercevoir que l’on peut avoir un sermon de six à sept heures sans qu’ils s’en mêlent, et pour rien c’en serait fait des bénéfices, en Écosse au moins ou c’est l’audience qui paye ; mais enfin puisqu’il y avait des ministres dans les volontaires, il pouvait bien y avoir des volontaires dans la chaire.
On observait toujours le Dimanche avec la même régularité, c’est a dire que les dames le passaient au sermon et les hommes à leur bouteille : j’ai connu un ministre qui faisait sa barbe le samedy, parce que c’est un travail que l’on répugne à faire le dimanche. Il est fort heureux qu’il ne crut pas un travail de mettre ses culottes. Il n’y a pas longtemps qu’il y eut une ordonnance rendue pour empêcher les perruquiers de coëffer leur pratiques ce jour la. Cependant on ne dit rien aux porteurs de chaises, aux Fiacres, ni aux Cuisiniers, &c.
J’ai entendu dire qu’il y a une vingtaine d’années un Ministre enthousiaste, fit le voyage de Rome, dans la louable intention de convertir le Pape au Presbitérianisme. Lorsqu’à un certain moment le Pape leva ses doigts bénis et que l’audience se prosterna pour recevoir la bénédiction, au lieu d’en faire autant ; il s’écria en fureur, abomination de l’abomination ! voila la prostituée de Babylone prête à consommer son œuvre d’iniquité.
Tout le monde à ce cri resta confondu : on l’arrêta. Le pape, sachant que c’était un sujet de la grande Bretagne, (pour qui, quoiqu’il en soit rôti tous les ans, il conserve toujours une tendresse paternelle,) le fit venir et le questionna ; l’autre avoua le fait tout simplement et commença à prêcher : après que le pape l’eut entendu très patiemment. " Mon cher fils, lui dit il, que penseriez vous de moi et comment croyez vous que je serais reçu, si me transportant en Écosse, j’allais tout à coup paraitre au milieu de votre prêche, et vous dire que vous êtes tous des hérétiques damnés à tous les diables ? croyez-moi, soyez plus modéré dans votre zele, retournez dans votre pays : tachez d’y faire le plus bien que vous pourrez au troupeau qui vous a été confié et que vous avez laissé sans guide. J’ai donné des ordres pour que vous ne manquassiez de rien sur la route. " En conséquence, en sortant de son audience, le bon ministre trouva une personne qui se saisit de lui, le conduisit à Ostia, lui remit quelque argent et l’embarqua sur un vaisseau chargé pour Edimbourg.
J’ai vu célébrer (dans cette ville) le jour de la naissance du Roi avec une solémnité vraiment remarquable. Le lord Provost, (le maire de la ville) et les autres Magistrats avaient invités les Juges de la cour de session, les Officiers des differens corps et beaucoups d’autres personnes, à solemniser le jour de la naissance du Roi dans la grande salle du parlement. Il y avait quatre où cinq tables, une entre-autres autour de laquelle près de deux cent personnes pouvaient se tenir debout. Elles étaient couvertes de fruits secs, de bonbons, et surtout de bouteilles. Le lord Provost à la tête de la table en habit de cérémonie, (qui par parenthese est assez semblable à celui du Maire de Nantes) dit à haute voix Gentlemen fill your glasses ? Commandement que personne n’eut besoin de se faire répéter, et ensuite il dit, the King : que chacun répéta et but d’autant ; le lord provost ne fut pas longtemps sans dire encore Gentlemen fill your glasses et donna une autre toâst, ainsi de suite pendant trois heures. Je dois ajouter que quoique chacun ait bu froidement à-peu-près ses trois bouteilles je ne me rappelle pas avoir vu personne ivre ni même gris, ce qui prouve que les têtes Écossaises, ne sont pas aisément démontées.
Je n’avais point remarqué à mon dernier voyage une galanterie assez originalle pour la famille royale et pour faire entendre en même temps l’union des deux Royaumes. Elle consiste dans la distribution des cinq rues parallelles de la nouvelle ville. On a nommé celle du sud, Prince Street en honneur du Prince de Galles, celle du Nord, Queen Street, en l’honneur de la Reine, une des deux petites, près de celle de la Reine, Thissel Street parce que les armes de l’Ecosse sont un chardon ou du moins une ancienne devise : l’autre près celle du Prince, Rose Street parce que les roses blanches et rouges sont celle de l’Angleterre (quoique par le fait, il y ait peu de rues où l’on sente moins la Rose. ) Dans celle du milieu entre l’Angleterre et l’Ecosse on a placé le Roi, George Street qui touche d’un bout à la Reine, (Charlotte Square) et de l’autre au patron de l’Ecosse, (St. Andrews Square.) Derriere ce beau quartier et comme jetté de côté, on trouve le pauvre Jacques (James’s Square) ou l’on ne peut arriver, qu’après avoir fait un grand tour et par une montée et surtout une descente très rapide du coté de la Mer. Comme on voit les gens qui ont fait ce plan, étaient fort ingénieux.
Je fus voir un établissement qu’on ne saurait trop louer, c’est une institution pour le maintien des aveugles, qui par leur travail, en payent presque tous les frais. Il y a aussi des établissemens de charité qui fournissent de l’ouvrage à un shilling par jour aux pauvres et aux vieillards qui se présentent. Il y en a toujours une centaine et plus employés à casser les pierres et à les préparer pour le grand chemin ; on en a fait ainsi il est vrai un grand magazin, mais on trouvera toujours à l’employer et ces pauvres gens vivent. La plus grande sureté regne dans la ville à toutes heures, quoiqu’il n’y ait que tres peu de Watchmen, mais la bonne disposition des habitans les rend inutiles. Je ne me rapelle pas avoir entendu parler d’un vol pendant tout le temps que j’ai été en Écosse ; car quoique je me sois permis de faire quelques petites plaisanteries, dont j’espere qu’on ne me saura pas mauvais gré, Edimbourg est bien certainement la ville la plus instruite et la plus agréable à habiter de la Grande Bretagne : Elle a même à présent quelque chose de remarquable. Les professeurs du Collége sont non seulement tres savants, mais même presque tous, sont célébres par leurs ouvrages. * La plupart des auteurs fameux qui ont paru dans la Grande Bretagne depuis un demi siecle, étaient Écossais, il suffira seulement de les nommer, Hume, Robertson, Fielding, Smollet. J’ai souvent pensé que la classe la plus générallement instruite et en même temps la plus sociable, était parmi les gens de loi à Edimbourg. Un étranger qui aurait le désir de connaitre les habitans des trois royaumes et de voir ce qu’il y a de mieux, de plus instruit et les personnes dont il peut attendre plus d’attention, devrait tâcher de connaitre, de riches Marchands à Londres, des Avocats à Edimbourg et des Lords où des Propriétaires dans leur maison à la campagne en Irlande.
- On pourrait en preuve citer les ouvrages de plusieurs Professeurs, le discours sur l’histoire Romaine de Ferguson, la Philosophie Morale de Stuart, la Médecine du Docteur Munroe, la Chimie de Black, les Sermons de Blair, &c.
Monsieur, était magnifiquement logé dans le palais des Rois d’Ecosse, qu’on avait meublé pour lui d’une manière simple il est vrai mais tres noble : les gentils-hommes de sa suite étaient tous d’un age mûr. La conduite prudente du prince à Edimbourg, lui avait acquis l’estime et les respects d’un peuple qui ne les accorde pas aisément. Je me fis un devoir d’aller de temps en temps lui faire ma cour. Les malheurs de sa famille ne pouvaient qu’avoir augmenté les égards et les respects que je lui devais.
Je serais injuste si je ne profitais de cette occasion pour offrir mes remerciemens, à la famille aimable de Mr. Clerk of Eldin, au Baron Gordon, Lord Ankerville, Sir Harry Montcreiff, le lord Provost Mr. Elder et quelques autres personnes respectables qui m’ont traités avec beaucoup de bontés et m’ont par leurs honnêtetés, puissament aidé à ne pas prendre garde aux petites tracasseries qu’il m’a fallu essuyer et en dépit de qui, j’ai réussi à faire imprimer le premier volume de cet ouvrage et ai fait mes affaires aussi bien que je pouvais le désirer.
Après donc être resté aussi longtemps qu’elles l’éxigeaient : un beau jour je partis dans l’intention de retourner en Irlande, pour y achever ma promenade, et remplir les engagemens que j’y avais pris avec les personnes qui m’y avaient reçu, en publiant les réflexions et les détails qu’elle avait occasionée.
Comme à mon ordinaire, en quittant où en revenant en Écosse : je me disposai à aller rendre mes devoirs aux personnes qui m’y avaient d’abord accueillis. Je pris donc une place dans le coche de Sterling et appercevant une jeune personne assez bien mise, se huchant faute de place sur l’impériale : sans lui dire mot, je la pris par la main, je la fis s’asseoir à la mienne dans la voiture et je pris la sienne, au grand étonnement de mes compagnons de voyage qui s’étonnaient fort que l’on put être galant : cependant mon action à la longue les toucha et un deux s’offrit au premier relais de prendre ma place, car il y a vraiment de l’étoffe dans ces gens là, il ne s’agit que de les piquer, pour en faire quelque chose.
Le coche s’arrêta à Linthligow petite ville joliment située sur un petit lac ; après la bataille de Falkirk, les royalistes furent tellement effrayés, que, sans s’arrêter, quelques uns coururent jusqu’a Edimbourg, d’autres passerent la nuit dans cette ville et par négligence mirent le feu au Palais Royal, dont on voit encore les murailles. Sur la petite place vis-à-vis, il y a une fontaine, avec quelques figures grotesques une entre autres qui a la couronne en tête et qui ouvre des deux mains son Manteau royal, ne se rappellant apparentent pas qu’elle avait oubliée de mettre ses circonstances * comme on les appelle dans le pays. Dans le milieu de la rue on voit aussi un autre conduit avec cette inscription au dessous d’un Ange, St. Michel kind to strangers. Il est en effet very kind, quoique la denrée dont il fasse part au voyageur ne soit pas d’un grand usage dans le pays : mais au moins il l’offre généreusement et la donne à-tout venant pour rien, ce qui est une chose assez rare par tout pays et pas très commune en Écosse. Falkirk était comme quand j’y passai avant, un assez vilain trou et Caron work toujours très enfumé. Je revis avec bien du plaisir les personnes qui m’avaient d’abord, accueillis à Sterling. C’était à qui m’aurait à son eglise, mais je donnai la préférence à la réligion établie et j’eus le plaisir, d’être sermoné pendant trois heures dans la société des fidelles.
- Ses Culottes.
Ce fut pour moi un plaisir sensible de me promener dans tous les lieux que j’avais fréquenté deux ans avant ; l’inscription au dessus de la porte de l’hôpital de Sterling, qui m’était echappé, mérite bien bien d’être rapportée : un tailleur, il y a trois où quatre cents ans, ayant fait par son industrie une fortune assez considérable, en légua une partie à l’hôpital : l’inscription qui est autour d’une paire de ciseaux en marbre blanc se termine par ces mots remarquables. Remember you reader, that the scissors of this honest man, do more honor to human nature, than the sword of the conqueror.
La vue du chateau me sembla tout aussi belle et peutêtre plus que dans ce temps, je fis une petite course jusqu’au sommet de Craig-forth et je remarquai avec beaucoup de plaisir que les travaux immenses sur les mosses de Blair drummond, allaient, leur train et promettaient de découvrir entièrement dans peu ce terrain immense.
En passant le bateau à l’Abbaye, j’écoutai avec plaisir, la discussion des Bateliers sur la révolte des Matelots, qui était alors dans sa force et que l’on prétendait avoir pendu leur Amiral. " Weel mon, dit l’un, j’ se warrand ye mony a ane’ll swing for this. " — " But deer Mon, it’s no that they want, they’re only seeking bread and drink. " — " Weel a weel, Jock wi’ gie’ them that ;" répartit le premier. Dans le fait il raisonnait, fort juste car Jock a effectivement été le dernier acteur de la scêne et cela doit être ainsi dans tout gouvernement qui veut absolument maintenir l’ordre établi. Les révolutions n’arrivent jamais que parce que le gouvernement se croit plus puissant qu’il n’est, et est bien aise de profiter de l’effervescence du peuple pour renverser les gens qui s’opposent à ses désseins. Dans ce moment-cy, l’éxemple de la France était trop récent, pour qu’on put s’y fier et les chefs de l’insurrection ont été pendus : si le gouvernement eut voulu Machiavéliser avec eux, comme on a fait en France, ils l’eussent vraisemblablement traité comme celui de ce pays l’a été.
Je fus visiter mon ancien hôte, le Major Mayne, chez qui j’avais passe tant de temps, eloigné du tumulte. Dans les journées suivantes je parcourus le pays d’alentour. C’est toujours avec un certain plaisir que l’on revoit les lieux où l’on a passé du temps : c’est une espèce de reconnaissance, dont on fait hommage à la Nature !
Les montagnes adjacentes, sont remplies de veines de cuivre : il n’y à cependant qu’une seule mine ouverte et depuis très peu de temps. A quelque distance du pont du Diable, on trouva, du temps de Charles II, un massif d’argent qui produisit à ce qu’on m’a dit, près de cinquante mille livres sterlings, un million tournois : mais ce n’était que ce que les minéralogistes appellent un Nid d’argent, il n’y avait point de veine.
Cette partie du pays est cultivée dans la plus grande perfection ; pour encourager l’émulation parmi les laboureurs, les propriétaires ont tous les ans a ploughing match, c’est a dire qu’ils choisissent un champ sur lequel ils sont venir tous les laboureurs du canton, avec leurs charrues qui sont souvent ornées de rubans aussi bien que le cheval. On les met en ligne et on les fait partir tous à la fois : celui dont le sillon est le mieux fini et le plus droit, au jugement des autres laboureurs et des propriétaires, reçoit un prix de quelque valeur, des complimens, et est sur de ne jamais manquer de place. On se fait aisément une idée de l’émulation que cette cérémonie a jetté parmi les habitans de la campagne, et des bons effets qu’elle doit produire ; aussi je n’ai point vu de champs mieux cultivés et plus fertiles. Qu’on s’imagine d’apres cela, comment dut être reçu certain riche Anglais, qui, il y a quelques années, voulant profiter de sa jeunesse pour voir le monde, y parut tout à coup suivi d’un chariot bien cadenassé et rempli de viandes salées, de pain, de vin et de légumes de toutes espèces. Il croyait vraiment que ses victùailles allaient lui faire une réputation et qu’il pourait régaler les malheureux Anglais que la nécessité obligeait à vivre sur ces parages maudits. Il fut tout étonné de voir, que non seulement, on ne fit pas d’usage de ses provisions, mais qu’encore on se moquat de lui. On m’a assuré que dans sa rage il tourna bride sur le champ, et s’en fut à Londres, ou vraisemblablement il s’amuse à répéter toutes les histoires qu’il tient de sa nourice, ainsi que l’ont fait la plupart des ecrivains judicieux, qui ont quitté les rives fortunées d’Albion, pour visiter la Gaule affamée, superstitieuse, esclave et petite maitresse.
Durant les troubles de l’invasion du Prince Charles en 1745, une Dame du pays, empêcha (m’at-t-on dit) son mari d’y prendre part d’une maniere très singuliere. Le mari était un partizan de la maison de Stwart et il avait annoncé son intention de rejoindre le lendemain, le dernier Prince de cette maison qui ait paru dans la grande Bretagne. Après avoir épuisé toute sa rhétorique pour l’en dissuader, sa femme à la fin lui demanda pour toute grace, de déjeuner avec elle avant de partir : l’autre ne crut pas pouvoir lui refuser cette légere faveur. Il était botté, prêt à partir, son cheval était à la porte. La bonne Dame, sous le prétexte de faire le thé, prit la bouilloire qui était sur le feu et tout d’un coup remplit sa botte * d’un torrent d’eau bouillante. On peut aisément juger de la fureur, que la douleur causa au brave homme : " tues moi si tu veus " lui dit sa Femme, " mais je n’ai trouvé que ce moyen de te sauver de la rage des deux partis. Qui, pourrait trouver mauvais que tu ne te montras pas, puisque j’espere, que d’ici à longtemps, tu ne saurais bouger "… Il y a bien des gens, qui ne seraient pas très fachés, d’avoir été echaudés de la sorte.
- Une botte à chaudron, comme on les portait alors.
Les tremblemens de terre accompagnés d’un bruit souterrain, se faisaient toujours sentir de temps en temps près du Camp Romain d’Ardoch, a peu près comme je l’ai decrit page 232 du second volume. Ce phénomène devrait bien exciter l’attention des savans dans ce pays et les engager à s’occupper d’en découvrir la cause : j’en ai moimême ressenti la seousse dans les montagnes du voisinage ; l’eau des lacs est tres visiblement agitée pendant qu’elle a lieu : il est aussi plusieurs fois arrivé, qu’elle a baissé ou haussé de plusieurs pieds dans le même temps. J’ai souvent souhaité pour le pays, qu’un beau Volcan vint tout-à-coup à paraitre au milieu de ces montagnes désertes : il y attirerait les curieux de toute la terre.
Les habitans des montagnes sont réputés avoir une petite maladie, que par politesse on appelle violon Écossais, (Scotch Fiddle.} Un de leur Roy, qui vraisemblablement en savait jouer l’appréciait à tel point, qu’il prétendait que c’était une jouissance trop grande pour un sujet de se frotter le dos contre une pierre : je dois dire que je n’ai pas vu beaucoup plus de ces instrumens de musique en Écosse qu’ailleurs et que malgré le long espace de temps, que j’y ai passe et même dans les montagnes, j’ai quitté le pays sans en savoir jouer.
Il n’y a gueres que quarante ans, que le thé fut introduit en Écosse ; une personne à Londres qui revenait de la Chine, en envoya quatre où cinq livres à une dame de ses amies comme une rareté : celle-cy, à ce qu’on m’a dit, le fit bouillir une grande heure, puis jetta l’eau et présenta les feuilles sur la table avec une sauce au beurre.
On fait par toute la grande Bretagne, fort peu d’usage des légumes, en hyver surtout : l’on m’a conté cependant, qu’un certain homme près de Montrose ne pouvant s’en passer, en demandait tous les jours à sa femme, qui lui répondait qu’il n’y en avait point. " Give me something green, repliquait toujours le mari d’un air d’humeur, quoique ce soit. " La bonne dame à la fin, pour tâcher de le satisfaire, avisa une vieille paire de culotte de velours verd, qu’elle fit bouillir et plaça autour du bœuf.
Mais je crois à propos pour moi, de ne pas plaisanter davantage, car la bile des honnêtes gens dont je parle, est fort aisée à émouvoir ; un d’eux qui s’entendait appeller a true Scot par un perroquet dans Hollborn à Londres, lui dit qu’il était bien heureux de n’être qu’une oie verte, car autrement il lui apprendrait à vivre : un des chefs de la ligue Amériquaine, ayant dit en riant à un Écossais qui dinait chez lui, " j’espere Monsieur, que vous ne vous offenserez pas de m’entendre dire du mal des Écossais quand je serai gris, car c’est ma coutume et je ne saurais m’en empêcher. " — " J’espere " aussi Monsieur, lui dit l’autre, que vous voudrez bien excuser une mauvaise coutume que j’ai prise, et dont je ne puis absolument me défaire, c’est d’assommer toute personne à qui j’entends dire du mal des Écossais, " la mauvaise coutume de l’Écossais fit que l’Amériquain sut trouver le moyen de perdre l’habitude de la sienne.
Je partis donc enfin, après avoir passé quelque temps dans ce beau et bon pays et y avoir gouté un repos, qui m’était bien nécéssaire après le travail de mon hyver. Bien reçu, bien traité de personnes dont j’avais eu le bonheur de gagner l’estime et l’amitié depuis mon arrivée en Écosse, mon séjour m’eut semblé très agréable sans cette division cruelle, entre les partizans de Mr. Pitt et ceux de Mr. Fox. Toujours Mr. Pitt et Mr. Fox, à qui comme étranger il m’est impossible de prendre plus d’intérêt qu’à Mahomet ou Aly. Comme ces deux Prophetes rivaux, je les crois tous deux fort habiles, mais, je dois l’avouer, l’ennui que ces folies m’ont donné, me les a (je leur en demande bien pardon) souvent fait envoyer à tous les diables de compagnie.
Il est assez singulier, que je n’aye jamais entendu prononcer le nom du Roi dans toutes ces disputes ; le Roi s’est allé promener sur la terrasse de Windsor, le Roi mange, le Roi boit, le Roi se léve, le Roi se couche, et pour tout le reste Mr. Pitt, et Mr. Fox.
J’eus occasion à Glasgow d’être présenté à Mr. Dale qui est un des caracteres les plus extraordinaires que j’aye connu. Il a commencé par être simple Tislerand et par une longue industrie, il est parvenu à se faire une fortune brillante. Il eut la complaisance de me conduire, avec un Marchand de Glasgow, à ses Moulins de Cotton à Lanark près de la chûte de la Clyde. En passant à Hamilton, il montra une maison en disant, here is a house, where I have been many a year at the loom. Ses moulins consistent de quatre grands batimens de quatre étages et de dix sept ou dix huit fenêtres de front à chaque. J’y ai vu plus de Machines, de roues, et de cotton que dans aucun endroit. * Toutes les roues sont mises en mouvement par un courant considérable qu’on a tiré de la Clyde et amené à grands frais au travers d’un rocher qui a plus de deux cents pas d’épaisseur. Avant qu’il n’y eut de Manufacture dans cet endroit, il était sauvage et désert : on y compte à présent plus de deux mille habitans.
- Les gens de Manchester font bien des simagrées pour montrer leurs Moulins et souvent même le refusent absolument. Que sont cependant leurs Moulins, eu comparaison de ceux de Lanark.
Mr. Dale maintient à ses frais, près de cinq cents enfants qui travaillent à son compte et à qui il fait enseigner à lire, à ecrire et l’arithmétique. Ils sont tenus dans le meilleur ordre, proprement vêtus et assez bien nourris. Lorsqu’ils ont atteint l’age de quinze à seize ans, après avoir acquis le gout du travail et de l’industrie ils se retirent et trouvent aisément à se placer. C’est plus particulièrement pour cet objet, que je regarde les Moulins de Lanark comme tres intéréssants. C’est là, la véritable gloire du Marchand ; Mr. Dale a ainsi l’avantage de maintenir plus de deux mille personnes, et de rendre utilles à la société, un nombre prodigieux de petits infortunés sans parens, ni amis, et qui communément ne lui sont qu’à charge.
Plusieurs personnes en Irlande, m’ayant paru désirer former quelque établissement, pour occuper les enfans de leur voisinage ; je me suis permis de questionner Mr. Dale sur la maniere dont on pourrait se servir de ses plans en petit. Il m’a bien assuré que c’était impraticable et que la meilleure maniere d’employer les enfans du pauvre en filant le cotton, était tout bonnement, pour un simple particulier, de suivre l’ancienne méthode, a moins d’en pouvoir rassembler un grand nombre et de faire de leur travail sa seule affaire. On ne saurait former le plus petit établissement de ce genre à moins de sept à huit mille livres sterlings ; celui des moulins de Lanark en a couté plus de cent mille.
La chute de la Clyde est à deux milles de ces moulins : on y arrive par une promenade charmante coupée dans un bois, qui se trouve dans le parc de Lady Ross, — J’ai vu des chûtes d’eau beaucoup plus considérables, mais jamais d’aussi romanesque. En m’y rendant, je trouvai une petite clef : " Oh ! vous serez heureux, me dit mon conducteur, that is the sign of good luck. " " Good or bad lui répondis-je, it is certainly the sign of a lock."
En revenant à Glasgow, mes compagnons de voyage m’accablerent, à la mode de cette bonne ville, de leur Money, Bank, Cotton, Goods, Bills, sans commisération : j’avais beau boucher mes oreilles, Money, Money, y entrait toujours : si au lieu de prendre ce chemin là, il se fut rendu dans ma poche, peutêtre aurais je pu m’y accoutumer à la longue.
Je fus encore passer deux ou trois jours charmans chez Mr. Oswald à Scotstown. Je puis dire sans vanité que j’ai bien profité de mon émigration, il n’est pas de coin en Écosse et en Irlande où je n’aye recù des politesses, et souvent même des marques de bonté bien remarquables. En outre de la famille aimable de Scotstown, le Docteur Wright et Mr. Brown, m’ont traité avec beaucoup d’amitié ; si jamais les beaux jours de la France reviennent et que je puisse enfin retourner dans mes pénates, je me suis ainsi ménagé des souvenirs bien agréables.
Le commerce de Glasgow était assez vivant malgré la guerre ; les spectacles étaient pleins comme à l’ordinaire, et j’eus le plaisir de voir l’audience eclater de rire aux agonies de Beverley et pleurer presque, à la farce. Ce doit être désolant pour un Acteur de voir ses efforts sentis de la sorte. Je voyageai le lendemain, dans le coche d’Ayr, avec les Comédiennes qui avaient joué ce jour la ; elles en étaient encore toutes étourdies. Elles trouverent à Ayr, un vaisseau qui les transporta sur le champ à Dublin où l’on peut arriver de cette maniere dans un ou deux jours et à un prix tres modique ; mais comme je voulais finir ma promenade, je les laissai partir et je me rendis à Port Patrick, et après avoir été balloté sur la mer pendant treize où quatorze heures, je me retrouvai sur la terre de St. Patrice.