Promenades dans Rome/Avertissement

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Michel Lévy frères (p. 5-7).


AVERTISSEMENT


Ce n’est pas un grand mérite, assurément, que d’avoir été six fois à Rome. J’ose rappeler cette petite circonstance, parce qu’elle me vaudra peut-être un peu de confiance de la part du lecteur.

L’auteur de cet itinéraire a un grand désavantage ; rien, ou presque rien, ne lui semble valoir la peine qu’on en parle avec gravité. Le dix-neuvième siècle pense tout le contraire, et a ses raisons pour cela. La liberté, en appelant à donner leur avis une infinité de braves gens qui n’ont pas le temps de se former un avis, met tout parleur dans la nécessité de prendre un air grave qui en impose au vulgaire, et que les sages pardonnent, vu la nécessité des temps.

Cet itinéraire n’aura donc point le pédantisme nécessaire. À cela-près, pourquoi ne mériterait-il pas d’être lu par le voyageur qui va devers Rome ? À défaut du talent et de l’éloquence qui lui manquent, l’auteur a mis beaucoup d’attention à visiter les monuments de la ville éternelle. Il a commencé à écrire ses notes en 1817, et les a corrigées à chaque nouveau voyage.

L’auteur entra dans Rome, pour la première fois, en 1802. Trois ans auparavant, elle était république. Cette idée troublait encore toutes les têtes, et valut à notre petite société l’escorte de deux observateurs qui ne nous quittèrent pas durant tout notre séjour. Quand nous allions hors de Rome, par exemple, à la villa Madama ou à Saint-Paul hors des murs, nous leur faisions donner un bocal de vin, et ils nous souriaient. Ils vinrent nous baiser la main le jour de notre départ.

M’accusera-t-on d’égotisme pour avoir rapporté cette petite circonstance ? Tournée en style académique ou en style grave, elle aurait occupé toute une page. Voilà l’excuse de l’auteur pour le ton tranchant et pour l’égotisme.

Il revit Rome en 1811 ; il n’y avait plus de prêtres dans les rues, et le Code civil y régnait ; ce n’était plus Rome. En 1816, 1817 et 1825, l’aimable cardinal Consalvi cherchait à plaire à tout le monde, et même aux étrangers. Tout était changé en 1828. Le Romain qui s’arrêtait pour boire à une taverne était obligé de boire debout, sous peine de recevoir des coups de bâton sur un cavalletto.

M. Tambroni, M. Izimbardi, M. degli Antoni, M. le comte Paradisi, et plusieurs autres Italiens illustres que je nommerais s’ils étaient morts, auraient pu faire avec toutes sortes d’avantages ce livre que moi, pauvre étranger, j’entreprends. Sans doute il y aura des erreurs, mais jamais l’intention de tromper, de flatter, de dénigrer. Je dirai la vérité. Par le temps qui court, ce n’est pas un petit engagement, même à propos de colonnes et de statues.

Ce qui m’a déterminé à publier ce livre, c’est que souvent, étant à Rome, j’ai désiré qu’il existât. Chaque article est le résultat d’une promenade, il fut écrit sur les lieux ou le soir en rentrant.

Toutes les anecdotes contenues dans ces volumes sont vraies, ou, du moins, l’auteur les croit telles.