Propos japonais/19

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Imprimerie franciscaine missionnaire (p. 147-160).

APERÇU GÉNÉRAL
DU CATHOLICISME


Peu de peuples ont été réfractaires à l’Évangile comme ceux de la Chine et du Japon. Autant que pouvait le permettre leur éloignement, ils n’ont pas été négligés par les propagateurs de notre foi. Mais, accueillant d’abord les missionnaires avec bienveillance, bientôt, dans leur farouche patriotisme, ils ont cru voir en eux de perfides ennemis de leur race et de leurs plus chères traditions. Alors ce fut la persécution et le massacre ; c’est ainsi que les siècles de leur histoire sont marqués du sang des martyrs chrétiens.

Au Japon surtout, ce patriotisme aveugle suffit seul à expliquer tous les faits. L’empereur y possédant à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, et même ce dernier à plus juste titre, semble-t-il, puisqu’on le croit fils des dieux, dieu lui-même et père de la nation, le simple exposé d’une doctrine qui prétend saper par la base cette croyance idolâtrique, devait nécessairement donner lieu à un problème extrêmement grave, susceptible de recevoir vite une solution sanglante.

De là, dans l’histoire du catholicisme au Japon, après la courte période de la bonne nouvelle, la longue nuit de la persécution, nuit enfin dissipée par une nouvelle aurore.

La bonne nouvelle du saint Évangile se répandit tout d’abord très rapidement au Japon. Le bon grain tomba à cette époque en une terre féconde. Aussi la moisson y fut-elle abondante et considérable.

Le premier semeur évangélique du Japon fut saint François-Xavier. Le vaillant apôtre des Indes y avait été appelé manifestement par Dieu lui-même. Il se trouvait alors à Malacca, lorsque, un soir, il reçut la visite d’un Japonais. Cet homme, appelé Anjiro, dont la conscience était chargée de crimes, avait entendu dire à certains Portugais venus à Kagoshima, sa ville natale, qu’aux Indes se trouvait un homme merveilleux, partout reconnu comme un guérisseur d’âmes. Sans tarder, il était venu à Malacca prier ce sage de chasser de son âme les terribles remords qui la torturaient. Ravi de joie, Xavier rétablit la paix dans ce cœur désemparé, en instruisant et en baptisant Anjiro et les deux serviteurs qui l’avaient suivi. Enfin, sur les instances de ses trois néophytes, obéissant d’ailleurs au grand désir qu’il en avait lui-même, il fit voile pour le Japon et aborda à Kagoshima, l’an 1549, en la fête de l’Assomption de Marie. Il avait aussi avec lui deux autres religieux de la Compagnie de Jésus : le Père Côme de Torrès et le Frère Jean-Fernandez.

Sans retard, Xavier se livre à l’étude de la langue, et au bout d’un mois et demi il ne craint pas de s’adresser publiquement aux foules. On l’accueille d’abord avec indifférence, mépris, insultes même. Mais son invincible courage le porte au contraire à pénétrer jusque dans les pagodes pour y discuter avec les bonzes, appuyant son raisonnement par d’éclatants miracles. Bien loin de se rendre, les bonzes irrités obtinrent du Daimyo de Kagoshima un décret de bannissement.

Xavier se rend alors à Hirado avec ses deux compagnons. Là, la conquête est plus facile. Autorisé par le Daimyo de cette ville, il fait, en moins de vingt jours, un grand nombre de conversions, et ce nombre ne cessa plus de s’accroître.

Encouragé par ce succès, il part pour la capitale, alors Myako ou Kyôto, dans le dessein de frapper au cœur le paganisme. Ce voyage lui est fort pénible, et de plus, à Myako, on lui refuse l’audience impériale qu’il était venu solliciter. Il doit donc revenir à Hirado. En route, il s’arrête à Yamaguchi, où le Daimyo lui permet de répandre le christianisme dans son territoire. Alors son apostolat obtint un plein succès : au bout d’un an il a converti près de 3 000 personnes.

Sur ces entrefaites, Xavier apprend qu’il a été nommé supérieur de la province des Indes, fondée récemment par saint Ignace. Le saint apôtre dut donc quitter cette terre du Japon, qu’il appelait « les délices de son cœur ».

Cependant, la semence jetée en terre allait porter une abondante moisson. Les frères de la Compagnie qu’il laissait après lui, ainsi que les missionnaires qui vinrent par la suite, continuèrent dignement son œuvre et virent leur apostolat couronné de succès.

Appelés par saint François-Xavier, de nombreux missionnaires ne tardèrent pas à arriver au Japon. En 1613, la Compagnie de Jésus comptait cent trente membres, dont la moitié étaient prêtres. Il vint aussi d’autres ouvriers apostoliques, tels que les Franciscains, les Dominicains et les Augustins, ainsi que quelques prêtres séculiers.

Tous ces apôtres, animés du même zèle, travaillaient avec activité à étendre de plus en plus sur cette terre le règne de Jésus-Christ. Or, durant cette première période qui va de 1549 à 1640, le résultat des travaux apostoliques fut considérable. À un moment, on comptait environ un million de fidèles. Parmi ces nouveaux convertis se trouvaient même des personnages importants, illustres, comme ces deux bonzes célèbres de Myako, venus pour discuter avec les missionnaires et qui, gagnés à Jésus-Christ, répandirent ensuite la foi chrétienne à travers villes et bourgades. Les maisons des nobles abritaient aussi des chrétiens tels que le Daimyo d’Omura, celui d’Amakuso, celui des îles Goto ; c’est encore Takayama, célèbre homme de guerre et son fils, le prince Justo, maréchal de la garde impériale, et aussi plus de cent autres seigneurs convertis par Takayama lui-même.

Cependant, la plupart des bonzes ne désarmaient pas. Au contraire, leur colère grandissait à mesure que le christianisme se propageait. D’autre part, le pays, longtemps livré à l’anarchie, allait retrouver une certaine unité nationale. Or, la réunion de ces deux causes allait déchaîner la plus terrible persécution que l’Église ait jamais consignée dans les annales de son histoire.

Cette persécution, en effet, fut si violente qu’on pourrait plutôt l’appeler une destruction. Cependant, si féroce qu’elle fût, elle n’allait pas parvenir à tout ruiner, à tout anéantir. Un petit nombre de chrétiens allaient se terrer et continuer à travers les siècles une indissoluble tradition.

Pourtant, on n’épargna rien pour empêcher cette survivance.

La haine des bonzes était alors à son comble. À tout moment, ils assiégeaient les cours des princes, revendiquant l’honneur de leurs divinités, outragées, disaient-ils, par la diffusion du christianisme, et leur prophétisant la ruine totale du pays, s’ils ne répondaient pas au devoir d’exterminer complètement cette religion perverse. Ils cherchaient même à soulever le peuple, comme autrefois les pharisiens, le poussant à massacrer ces missionnaires dont la puissance mystérieuse les écrasait.

Au fond, leur zèle apparent n’était qu’une grossière et brutale jalousie. Grâce à l’atmosphère sacrée des temples dans lesquels ils vivaient, grâce aussi à la réputation d’austérité qu’ils savaient habilement se ménager aux yeux du peuple, ils avaient conquis sur celui-ci un prestige merveilleux, à l’abri duquel ils cachaient leur odieuse mauvaise foi et leurs incroyables turpitudes.

Cependant, les missionnaires eurent vite fait de démasquer cette hypocrisie pharisaïque. De plus, les bonzes déjà convertis dévoilaient impitoyablement aux foules l’immoralité secrète de leurs anciens collègues. De là la colère de ces derniers, de là aussi leurs intrigues acharnées.

D’autre part, la réalisation de l’unité nationale à cette époque, si elle fut salutaire au pays, fut par contre, fatale au christianisme. Cette unité fut réalisée par la contribution successive de trois hommes de génie : Nobunaga, Hideyoshi et Yeyasu, qui, en écrasant par les armes la puissance des seigneurs, relevèrent aux yeux de tous l’autorité de l’empereur et rétablirent partout la paix dans l’empire.

Mais cette situation devenait plus critique pour le christianisme. Dans une certaine mesure, l’état d’anarchie lui avait offert sinon plus de sécurité, du moins plus de liberté : chassés par un daimyo ombrageux, les missionnaires se réfugiaient chez un autre moins intolérant. Mais l’autorité suprême étant exercée par un seul despote, il allait suffire d’un seul soupçon ou d’un caprice de ce dernier pour compromettre leur existence personnelle et celle de toute la chrétienté japonaise.

Nobunaga cependant fut toujours favorable au christianisme. Il s’en disait souvent l’admirateur, sans toutefois, à cause de ses passions, qui le rendaient très dissolu, se décider à l’embrasser. D’autre part, il était l’ennemi déclaré des bonzes, dont il s’appliquait systématiquement à ruiner la puissance et dont il fit même des massacres à plusieurs reprises.

Moins constant fut Hideyoshi. D’abord, comme son prédécesseur, favorable au christianisme et ennemi des bonzes, il finit par croire aux perfides instigations de ceux-ci, qui ne cessaient de lui rappeler le danger national, encouru par l’influence des missionnaires étrangers. De là un édit de bannissement, qui, cependant, n’est exécuté que dix années plus tard, en 1597, avec, comme sanglant prélude, le crucifiement des vingt-six martyrs de Nagasaki.

Mais ce fut sous le règne de Yeyasu qu’allait éclater la plus terrible des persécutions. Arrivé au pouvoir comme tuteur du fils de Hideyoshi, ce prince se préoccupa d’abord d’affermir son autorité et laissa les chrétiens se multiplier de nouveau. Puis, prêtant l’oreille aux intrigues haineuses de protestants hollandais et anglais, qui représentaient au prince les missionnaires catholiques comme des émissaires du roi d’Espagne, chargés de soumettre en secret le Japon au roi espagnol, Yeyasu saisit cette occasion de se défaire de certains princes chrétiens qui se préparaient à lui opposer le fils Hideyoshi, parvenu à sa majorité, et leur fit prendre le chemin de l’exil.

Enfin, l’année suivante, 1614, il entreprit ouvertement la destruction du christianisme. Alors un édit d’extermination est publié, qui ordonne le bannissement de tous les missionnaires, la destruction des églises et, pour les chrétiens, le choix entre l’apostasie et la mort. Aussitôt commencèrent les exécutions, qui se continuèrent jusqu’en 1640, sous le règne de Hidetada et de Yemitsu. Ce dernier surtout se montra d’une férocité indicible. Par ses ordres, on fit endurer aux chrétiens les tortures les plus monstrueuses, dont le récit fait frémir. Le sang coula dans toutes les provinces de l’empire, de telle sorte que, si l’on en croit l’historien japonais Takegoshi, cette persécution fit 250 000 victimes.

Néanmoins, il resta encore de nombreux survivants. Ni l’interdiction formelle à tout étranger de pénétrer désormais au Japon, ni le recensement religieux annuel qui obligeait chaque famille à s’attacher à une pagode et à recevoir du bonze un certificat de foi bouddhique, ni l’apostasie qui, hélas ! a décimé considérablement cette phalange infortunée, privée de ses chefs et de ses meilleurs héros, n’ont réussi à éteindre tout à fait la religion catholique en ce pays. Un petit nombre de fervents sont parvenus malgré tout à conserver leurs saintes croyances et à pratiquer en secret leurs exercices de piété. Or, ce fut, en grande partie, grâce à une petite organisation simple mais forte, établie par les missionnaires dans tous les postes qu’ils avaient desservis. Cette organisation consistait dans l’exercice d’une certaine autorité confiée à un chef de groupe qui remplissait à la fois les fonctions de catéchiste, de baptiseur et de surveillant. Les divers groupes formaient ainsi les petites sociétés, dont la parfaite union et la prodigieuse vitalité furent à même de perpétuer à travers les siècles une tradition ininterrompue, jusqu’au jour où il fut donné de voir briller sur le sol du Japon une aurore nouvelle.

Rien n’est touchant comme l’apparition et la progression de cette aurore !

C’est en 1844. Plus de deux siècles s’étaient donc écoulés depuis que le Japon s’était enfermé dans un farouche isolement. Or cette année-là, le Père Forcade, des Missions Étrangères, accompagné d’un catéchiste chinois, débarqua à Okinawa, sous la protection du drapeau français. Il fut tellement surveillé par la police japonaise, que son existence était moins celle d’un missionnaire, que celle d’un prisonnier. Nommé en 1848, premier vicaire apostolique du Japon, il y demeura encore six ans, au bout desquels, pour cause de maladie et de tristesse, il dut rentrer en France, sans avoir pu réaliser ses espérances. Cependant, en 1858, la France ayant obtenu libre accès aux trois ports de Yokohama, Nagasaki et Hakodate, les missionnaires s’empressèrent d’y pénétrer aussi, et, à la fin de 1864, ils construisaient leur petite église, connue sous le nom de Chapelle des Vingt-six Martyrs.

Cette chapelle est aussi appelée Chapelle de la Découverte, parce que c’est dans ses murs que l’on constata la survivance du christianisme au Japon.

C’était le 17 mars 1865, un vendredi. M. Petit Jean, un des missionnaires, — plus tard vicaire apostolique du Japon, — ayant remarqué devant l’église un groupe de personnes dont la curiosité lui paraissait significative, se rendit auprès d’elles, ouvrit l’église et y entra pour prier. Ces gens y pénétrèrent à sa suite. Au bout de quelques instants, une femme se détacha du groupe et, s’approchant du missionnaire, lui dit : « Notre cœur à nous tous qui sommes ici, est le même que le vôtre ». — « Vraiment, répondit le Père, mais d’où êtes-vous donc ? » — « Nous sommes tous d’Urakami. À Urakami, presque tous ont le même cœur que nous. Où est, ajouta aussitôt la femme, l’image de Marie : Santa Maria no go zô wa doko ? »

Ce seul nom de Marie suffit à M. Petit Jean pour lui faire reconnaître des chrétiens dans les personnes qui l’entouraient. Quant à ces chrétiens eux-mêmes, ils n’étaient pas encore tout à fait assurés sur la religion des missionnaires. Mais deux autres signes qu’ils remarquèrent les confirmèrent infailliblement. Ce furent la croyance de ces étrangers à la primauté du Saint-Siège et leur vie de célibat.

« Votre royaume et celui de Rome ont-ils le même cœur ? Est-ce le grand chef du royaume de Rome qui vous envoie ? » demandaient les notables de Shittsu. — « N’avez-vous point d’enfants ? » demandait un autre timidement. Et sur la réponse négative du prêtre à cette dernière question, il s’écriait : « Ils sont vierges ! merci, merci ! birgen de gozaru ! O arigatô, o arigatô ! »

Cette dernière question et cette joie extraordinaire accompagnant la réponse s’expliquent davantage, lorsqu’on sait que, quelque temps auparavant, des protestants, ayant construit un petit temple à Nagasaki, de nombreux chrétiens vinrent le visiter. Le ministre les accueillit avec empressement et les invita à revenir encore avec leurs femmes et leurs enfants pour causer avec sa propre épouse. Or, cette déclaration avait suffi pout désabuser les visiteurs ; ils ne revinrent plus.

Telles sont donc les circonstances dans lesquelles l’aurore de l’Évangile réapparut au Japon. Cette aurore allait désormais grandir et monter en continuelle progression.

Cependant, dès le début, un nuage inquiétant parut à l’horizon. La nouvelle que les missionnaires catholiques étaient revenus au pays s’étant répandue rapidement parmi les anciens chrétiens, la généreuse émulation que ceux-ci montrèrent pour leur instruction religieuse, mit les autorités civiles en éveil ; et bientôt, éclata une nouvelle persécution. Le 22 avril 1868, un édit fut publié ; et le 1er janvier 1870, trois mille cinq cents chrétiens d’Urakami furent déportés et dispersés à travers les diverses provinces de l’empire. Il n’y eut pas cependant d’exécution ; et bientôt même, devant la réprobation générale des nations civilisées, on remit en liberté tous les chrétiens prisonniers. Peu à peu la tolérance religieuse permit au christianisme de se raffermir et de gagner de nombreux adeptes. De dix mille environ qu’il était à l’époque de la découverte, le nombre des chrétiens japonais est monté actuellement à près de 75 000 ; et si l’on comprend aussi avec le Japon, les acquisitions récentes telles que Formose, la Corée et les Îles Mariannes, ce nombre s’élève à 200 000.

Le territoire est divisé en quatre diocèses et quatre préfectures. Les diocèses de Tôkyô, Nagasaki, Osaka et Hakodate sont confiés à la Société des Missions Étrangères de Paris. L’une des quatre préfectures appartient aux Missionnaires du Verbe divin de Style et comprend les provinces détachées des diocèses de Hakodate, Tokyô et Osaka. Une autre, qui comprend presque tout le Hokkaido et la partie sud de l’île Saghalien, est administrée par les Franciscains. Les deux autres, celles des îles de Shikoku et Formose, appartiennent aux Dominicains.

Dans ces divers cadres, nombre d’instituts religieux se sont établis, qui coopèrent avec zèle à l’œuvre des missionnaires. Ainsi à Hakodate, les Trappistes et les Trappistines ont des maisons considérables, où ils donnent l’exemple de la prière et du travail. À Tôkyô, les Jésuites, arrivés depuis peu, ont déjà une université florissante, appelée sans aucun doute à faire pénétrer peu à peu l’esprit catholique dans la classe intellectuelle. À Tôkyô aussi et ailleurs, les Marianites donnent à la jeunesse un enseignement qui, à coup sûr, ne restera pas sans efficacité pour la diffusion de la foi chrétienne.

Il y a encore plusieurs communautés de femmes qui se dévouent à diverses œuvres d’apostolat et de charité. Ce sont les Dames de Saint Maur, les Religieuses de l’Enfant-Jésus de Chauffailles, les Religieuses de Saint Paul de Chartres, les Dames du Sacré-Cœur, les Franciscaines Missionnaires de Marie et enfin les Franciscaines dites de Saint Georges, récemment venues d’Allemagne.

Malgré les efforts réunis de tous ces ouvriers, il faut reconnaître, hélas ! que le lever du soleil de Justice et de Vérité sur ce pays n’en est encore qu’à son aurore. Le Japon seul, sans ses possessions extérieures, comptant une population de plus de cinquante millions, il n’y a guère qu’une proportion d’un millième de catholiques.

Néanmoins, la situation du catholicisme au Japon n’est pas désespérée. Si l’on consulte les pages éloquentes de l’histoire, on constate jusqu’à l’évidence que les nations comme les individus sont tour à tour l’objet de la justice ou de la miséricorde divine. Les grandes fautes sont suivies de grands châtiments, puis la grâce du pardon est de nouveau offerte. Il en est ainsi du peuple japonais. En faisant couler le sang chrétien, et en s’isolant dans son île, il s’est condamné lui-même, et s’est plongé dans une nuit de deux siècles, végétant dans l’ignorance et s’abrutissant dans l’immoralité. Enfin, Dieu a eu une seconde fois pitié de lui, en lui envoyant de nouveau des missionnaires, pour sauver les âmes droites et les cœurs purs.

L’aurore se lève donc, lentement, lentement, il est vrai, presque imperceptiblement même ; mais elle se lève belle, pure et rayonnante. Il ne pouvait pas en être autrement d’ailleurs. Les prières du Séraphique saint François Xavier et celles de ses nombreuses phalanges de néophytes qui ont illustré de leurs vertus les premières années de l’Église naissante en ce pays ; surtout le sang de ces milliers de martyrs qui ont écrit une des plus belles pages de l’histoire de l’Église ; enfin le dévouement de tant de nouveaux missionnaires qui consacrent leur vie au salut de ce peuple, devaient forcément fléchir la justice de Dieu et lui faire ouvrir les bras de sa divine miséricorde.

Bientôt, espérons-le, le Divin Soleil de Justice, celui « qui illumine tout homme venant en ce monde » apparaîtra en ce pays, plus brillant que jamais ; et alors, il nous sera donné de voir sa gloire et sa splendeur faire rayonner la foi dans toutes les âmes et germer les vertus dans tous les cœurs !…