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Prose et Vers/Préface

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Prose et VersAlbert Messein (p. 7-36).

PRÉFACE

Personne n’échappe absolument à ses origines ni aux traditions de sa race. Stuart Merrill qui, arrivé en France dès son enfance première, n’est retourné dans son pays natal que durant un bref séjour, ayant achevé ses études à Paris, est né dans le Long-Island, à Hampstead, comme Walt Whitman, et a tiré, à son insu, des manières de penser, de sentir, de juger, particulières aux Américains, ou, si l’on préfère, à certains Américains, une part plus ou moins remarquable de sa personnalité.

Néanmoins, la plupart de ses biographes et de nombreux critiques se sont étonnés que ce poète, venu d’outre-Atlantique à la littérature française et appartenant, en dépit de lointaines parentés lyonnaises, à une famille anglo-saxonne, ait pu créer une œuvre, dans son expression comme dans ses tendances, si pure de tout élément étranger, si marquée au goût essentiel du lyrisme français, tel qu’il s’est transmis, de Ronsard à Hugo, de Chénier à Verlaine, parmi les symbolistes et parmi ceux qui, le voulant ou non, perpétuent de nos jours la saine et merveilleuse lignée.

C’est, en effet, le miracle de Merrill. Ingénument français, son art n’a rien ignoré des inépuisables ressources de notre langue ; il s’est plié aux souplesses d’un style à la fois musical et imagé, avec un tact toujours précis et sûr, tout pénétré de la culture et des idées françaises.

Au fonds commun il apportait cependant du nouveau ; non seulement mêlait-il l’apport d’une manière d’être individuelle ou d’une fantaisie particulière à l’attitude d’une époque, mais il y insinuait, dans une mesure extrêmement délicate, un parfum insoupçonné de sensibilité, une netteté neuve de conception, qui lui étaient innés, mais qui, auparavant, n’avaient pénétré aucune œuvre d’inspiration française.

Il y a, aux poèmes si clairs de Merrill, quelque chose qui les distingue des poèmes de tradition uniquement française. L’amalgame est si subtil et si nécessaire qu’on a pu ne pas s’en aviser ; il serait intéressant d’en dégager les éléments.

Le poète d’ici, qu’il soit Lamartine, ou plus anciennement, François Villon, ou, plus récemment, Baudelaire, Leconte de Lisle et jusqu’au Flamand Verhaeren, lorsqu’il chante sa douleur, son découragement, sa joie ou ses espoirs, lorsqu’il tend ses forces propres vers l’amertume des menaces ou vers la magie des promesses éparses dans l’avenir, se dresse en isolé sur le monde, s’offre, en exemple, en expiation, en holocauste, à la foule misérable, confuse, ignorante ; il fait appel à l’exaltation des autres ; il s’efforce de les entraîner, ou il les plaint en lui, ou il les maudit, ou il les enflamme ; mais toujours il en est distinct et séparé, qu’il descende vers ses frères pour les enrichir de la bonne parole, ou qu’il lamente leur ignorance et leur méchanceté.

Or, Walt Whitman n’est pas ainsi ; sa voix chante, dans ses maux propres, dans sa volonté, ses extases et ses élans, les maux, la volonté, les extases, les élans de tous les hommes ; tous les hommes sont semblables à lui ; il ne diffère d’eux en aucune façon. Stuart Merrill éprouve, sans doute, des deuils personnels, se réjouit de visions, d’exaltations personnelles, mais ces deuils, ces visions, ces exaltations ne forment que les faces, qui lui sont perceptibles, des impressions et des pensées de l’humanité environnante ; il ne croit pas être l’élu que désignent des facultés spéciales ; il ne s’exprime qu’au nom et en faveur de tous ; il est une âme dans la foule, une voix dans la foule, selon le titre de son recueil suprême.

Si l’on entrevoyait le poète dans les obscures intentions de son chant, si l’on sentait frémir, en ces semences qui s’ignorent, l’énergie latente et la fermentation secrète des ardeurs dernières, sa mort prématurée seule nous a dépossédés d’entendre, comme lui-même l’écrivait de son compatriote illustre et puissant, « le verbe qui plie à son rythme l’histoire de l’avenir, le chant lyrique de la Sainte Démocratie ». Merrill aussi serait devenu « le Prophète qui marche au-devant de sa race et au delà de son époque ». Il vouait à Walt Whitman une vénération pieuse et farouche, et ce lui avait été une émotion religieuse, écrivait-il encore, d’approcher, un jour, à New-York, le grand vieillard infirme qui l’accueillait avec bonté.

Bien que Walt Whitman lui fût apparu dans son identité avec son œuvre, il n’en a caractérisé la valeur que par des apparences éclatantes aux regards de tous, véridiques, mais incomplètes en ce qu’elles ne traduisent pas ce qui, précisément, de plus intime, de plus lié au profond de leurs deux natures, n’est pas aussi extérieur que ces visibles qualités, applicables peut-être à des poètes de génie fort différents, tel que fut Verhaeren, pour n’en citer aucun autre.

Walt Whitman, demeuré en Amérique toute sa vie, soutenu par sa langue maternelle et par l’usage familier des habitudes, des mœurs dont il glorifia l’enthousiaste grandeur et la beauté féconde, n’avait éprouvé aucune peine à se hausser d’emblée au rang de visionnaire sublime et de prophète des temps futurs. Merrill avait débuté par des tâches différentes. À une heure où se libéraient d’entraves stérilisantes l’harmonie et la cadence du vers français, en même temps qu’il avait à s’assurer d’une maîtrise sur l’idiome qu’il s’était conquis, ou par qui il avait été conquis, un noble et prodigieux devoir s’imposait à sa conscience d’artiste. Ne traînait-il pas, au trésor du lyrisme d’outre-Manche, si varié, si puissant, si sonore, des ressources dont nul, en France, ne s’était avisé, et n’en pourrait-il, avec bonheur, avec prudence, avec une science discrète et délicate, dédier l’apport et l’hommage au renouvellement tenté des formes poétiques auxquelles il saurait les adapter ?

Les premiers recueils de vers qu’il ait publiés, les admirables proses de son adolescence qu’on trouvera ici réunies aux écrits de ses dernières années, sont chargés, alourdis parfois et abondamment parés d’une sorte de ruissellement de joyaux sonores, étincelants, rubis, saphirs, émeraudes et diamants dont même la structure de son œuvre est composée, au point qu’on oublie un peu de découvrir l’âme qui habite au milieu de tant de splendeurs éblouissantes, et qu’on se délecte avec l’impeccable virtuose plus sans doute qu’on n’écoute chanter les sanglots intimes ou la ferveur émue de l’artiste.

Stuart Merrill, qui jamais, sans exercer un contrôle sur soi-même, ne s’abandonna aux fantaisies les plus passionnées de son métier rénovateur, pressentait la valeur de ses essais, lorsqu’il intitulait son premier volume (1887), Les Gammes ; il exerçait son doigté et il assouplissait ses moyens :

Le clair soleil d’avril ruisselle au long des bois.
Sous les blancs cerisiers et sous les lilas roses,
C’est l’heure de courir au rire des hautbois.

Vos lèvres et vos seins, ô les vierges moroses,
Vont éclore aux baisers zézayants du zephyr
Comme aux rosiers en fleur les corolles des roses.

Déjà par les sentiers où s’étouffe un soupir,
Au profond des taillis où l’eau pure murmure,
Dans le soir où l’on sent la terre s’assoupir,

Les couples d’amoureux dont la jeunesse mûre
Tressaille de désirs sous la sève d’été
S’arrêtent en voyant remuer la ramure,
Et hument dans l’air lourd la langueur du Léthé.

Je ne cite ce petit poème que pour situer un point de départ. Il n’est peut-être pas le meilleur du volume, mais il est caractéristique des tendances diverses dont Merrill, à ses débuts, se préoccupait. Les parfums de la nature n’ont jamais été absents de son inspiration, et c’est par là que, aux heures les plus factices de sa production, elle s’est relevée et préservée de n’être que de facture, d’habileté manuelle et de musique creuse. Sa sensibilité ne s’est jamais laissée étouffer sous les orfrois où elle s’est blottie, où elle se dissimule. Mais les ornements sont disposés avec une maîtrise vigoureuse ; la rime n’est ni hésitante ni faible ; elle éclate, juste et précise ; les images, gracieuses néanmoins, ne sont mièvres ni d’un dessin ou d’une couleur inexperte, et un jeu subtil allitérations, comme familier, quoique insistant, rapide, léger, souriant et d’autant mieux dominateur, traverse le poème, en détermine le rythme, l’allure, harmonie, se pliant aux nécessités les plus diverses, se resserrant, s’évaporant presque pour renaître soudain, où il est nécessaire, selon un art très nouveau dans la poésie française, très personnel à Merrill, adapté certes de l’anglais, mais fondu divinement aux exigences particulières de notre langue.

Au reste, des recherches d’une nature analogue occupent, à cette époque, le souci de maint poète adolescent. Éphraïm Mikhaël, son camarade de classe, l’ami d’enfance en qui Merrill, comme tous ceux qui le connurent, se complaisaient à pressentir le premier, le plus grand de tous, et qui n’eût certainement démenti aucune de nos espérances, son volume, hélas ! posthume, en demeure l’éternel garant, car il est mort à 24 ans, — Éphraïm Mikhaël, Pierre Quillard, et, autour d’eux Rodolphe Darzens, qui s’est laissé oublier, René Ghil qui groupait dans sa revue Les Écrits pour l’art les instrumentistes-symbolistes, et Henri de Régnier également, et Gustave Kahn, et Jean Moréas, et Émile Verhaeren, non moins que Albert Mockel, Albert Saint-Paul, Saint-Pol Roux ou des prosateurs même, tels que, à la suite de Villiers de l’Isle-Adam, cet étrange et fugace Francis Poictevin, s’intéressaient, d’une façon neuve, précédemment ignorée, à la valeur propre et au mariage des sons syllabiques en vue d’en extraire un élément puissant et certain, sinon d’expression, au moins de suggestion. Ils tendaient à systématiser la double révélation qu’avaient apportée, ingénu adorablement, en s’écoutant, Verlaine, et, plus raffiné, conscient, hautain et à soi-même impitoyable, le plus pur des esprits et des chanteurs, Mallarmé.

Heureusement, pour la plupart, la robustesse du tempérament l’emporta sur l’étude dogmatique des éléments de l’expression, et ce qui a été chanté par la génération admirable et si diverse des poètes symbolistes, a valu la peine d’être chanté, car ils sont, car, trop nombreux déjà, ils furent, de sincères poètes, des âmes aimantes, angoissées, ardentes, éprises de leurs douleurs profondes, ou d’espérance flamboyante, ou de foi. Verlaine, sans doute, fut, à la plupart, leur guide, et ils entendaient vibrer déjà, parmi eux, je pense, la lyre fraternelle, fraîche, presque impromptue et si sûre, la plus lumineuse, la plus naturelle, du plus ignorant des formules épaisses et des vaines complications, Francis Vielé-Griffin, originaire d’Amérique ainsi que Merrill.

Quoi qu’il en soit, dans son second volume, si bien nommé Les Fastes, Stuart Merrill poussait son système à l’extrême limite du possible. Et cependant si l’abondance de ces richesses excessives, accumulées sans réserve, toujours chatoyantes et toujours formidablement chantantes éblouit, fatigue même et détourne l’attention, que de merveilles par sonorités fines, fleuries, diaprées avec une élégance légère :

Les ramiers assoupis sur les balustres d’or…
Le long de l’eau lunaire des lagunes… »

se mêlent aux fanfares farouches ou étourdissantes de vers comme ceux-ci :

Des cadavres de rois aux casques de taureaux
Révulsent les yeux verts au passage de celle
Dont l’étreinte étrangla leur orgueil de héros…

ou bien :

Vers le Walhalla, heïaha ! les Walkyries
Dont la cohorte d’or heurte aux cieux les rafales,
Bondissent au galop des sabots des cavales.
Heïaha ! le nocturne hallali des furies !
.........................
Aux fanfares d’alarme éclatant par saccades
Des conques d’or des cors qui fulgurent au ras
D’un ciel de crépuscule où roux et nacarats,
Les étendards de Dieu buttent aux embuscades…

De tels vers sont empreints d’une sonore beauté, dont seule l’insistance déconcerte et lasse ; aussi le poète, en s’en servant, à l’avenir, y déploiera une subtilité mieux avertie, il n’en amortira plus les effets jusqu’à les rendre, comme parfois aux Fastes, monotones par la constante répétition ou par l’emploi systématique.

Il avait senti ce danger lorsque, faisant sur lui-même le retour nécessaire, il s’écriait déjà :

Je suis le fou de Pampelune :
Qui m’a vu, du haut des toits,
À califourchon sur la lune,
Et ma flute aux doigts ?


Mon âme est folle d’une étoile
Dont la chevelure est d’or
Et qui pour mes yeux seuls dévoile
Son astral essor.

C’est pourquoi, perché sur ta corne,
Ô Lune, pour y mieux voir,
Malgré le vent qui me flagorne,
Je souffle en le soir

Les trilles, les trilles, les trilles
De ma flûte aux treize trous,
Les trilles, les trilles, les trilles
Dont meurent les fous.

Quel effort de réflexion et de volonté pour passer, soudain et comme par enchantement, de ces coruscations un peu roides et infrangibles à la souplesse cadencée, balancée, suave, aérée, de ces Petits Poèmes d’Automne, qui virent le jour en 1895 ! Mais le rythme de la chanson qu’on vient de lire, prépare aux rythmes des chansons nouvelles, où Merrill se regarde sourire, souffrir un peu, vivre, et s’aperçoit enfin lui-même au fond des sonorités qui l’enchantent :

Mon front pâle est sur tes genoux
Que jonchent les débris de roses ;
Ô femme d’automne, aimons-nous
Avant le glas des temps moroses.


Oh ! des gestes doux de tes doigts
Pour calmer l’ennui qui me hante !
Je rêve à mes aïeux les rois.
Mais toi, lève les yeux, et chante.

Berce-moi des dolents refrains
De ces anciennes cantilènes
Où, casques d’or, les souverains
Mouraient aux pieds des châtelaines.

Et tandis que ta voix d’enfant
Ressuscitant les épopées,
Sonnera comme un olifant
Dans la danse âpre des épées,

Je penserai vouloir mourir
Parmi les roses de ta robe,
Trop lâche pour reconquérir
Le royaume qu’on me dérobe.

Peu de poèmes sur l’état d’esprit et sur la nature d’art d’un poète sont révélateurs au même point que celui-là. Au tournant climatérique, Merrill revoit son passé qu’il réprime en ces chanteuses, nostalgiques strophes d’images précises et dolentes ; il mesure la situation actuelle de son âme et se décourage un peu de l’avenir. « Avant le glas des temps moroses », il se complaît à réentendre encore des cantilènes d’autrefois, bruissantes du chant des épées, cependant que sonne l’olifant aux lèvres des héros, cependant que miroite l’éclat du soleil dans l’or ou le bronze des casques. Un geste doux de femme a ramené le poète à ces sensations familières et puériles ; il goûte, au déclin de ses rêves, la bonté réelle d’une caresse, et il défaille presque jusqu’à s’oublier dans cette langueur. De furtifs rappels d’épopées encore le troublent, et se fondent aux parfums de la chambre, aux splendeurs amorties des jardins automnaux. Quelque chose de la vie et des hommes le requiert, mais aura-t-il le courage de se déprendre de son passé, de se dresser aux offrandes de l’avenir ? Il sait bien ce qu’il pourrait ; il sait bien à quoi pourraient prétendre sa force abolie et son espoir enhardi. Mais n’est-il pas trop lâche, malgré le chant, les yeux levés de celle qui l’accueillit vers ses genoux, pour reconquérir, par un sursaut de volonté, « le royaume qu’on lui dérobe » ?

Et c’est alors que, dépris des artifices et des fictions où longtemps il s’est tenu exilé, il ouvre ses oreilles, il ouvre son cœur à ce dont il vit environné, aux courbes moelleuses et diverses des heures et des semaines, à tout ce qui chante, fleure, s’exalte dans la joie ou la tristesse des aubes, des jours et des soirs ; il surprend dans l’atmosphère de la France, où les enfants dansent et chantent des rondes, les éternels refrains de grâce et de bonté qui se mêlent aux mille lueurs des instants fugitifs ; Les Quatre Saisons se déroulent.

Le Printemps, sur le seuil

De la petite maison blanche au fond de la vallée,


apporte l’apaisement et le conseil d’amour. C’est le renouveau de la Nature, et c’est le renouveau dans l’esprit, le cœur du poète et de l’amant. Il semble qu’autour de lui la vie tendre, fraîche, jolie, s’éveille, et, si même la pluie étend une heure ses voiles de brume maussade, si, dans l’aurore qui sourit, tinte une cloche sur la tombe d’une fillette, la pluie, bénie de Dieu, rafraîchit la nuque du vagabond, féconde l’œuvre des travailleurs, et s’épanche, inlassable, comme un frais pardon ; déjà la route au soleil poudroie et aux jardinets chantent les floraisons prochaines ; — la fête de la mort, la parole solennelle du prêtre s’éploient sous un ciel sonore d’alouettes invisibles ; voici des corbeilles de violettes, des couronnes de primevères dans les mains des fillettes hésitantes qui, leur devoir accompli, seront encore « la vie que la jeunesse égaie » :

Quelque année, les garçons qui se cachent aujourd’hui
Viendront vous dire à toutes la douce douleur d’aimer,
Et l’on vous entendra, autour du mât de mai,
Chanter des rondes d’enfance pour saluer la nuit.

Nul n’a plus profondément porté en soi le sentiment de la dignité humaine en présence de la vie qui se perpétue ; nul n’a compris mieux que Merrill la nécessité de l’acceptation austère de la douleur, le devoir aussi de s’y tremper virilement, d’y puiser des forces neuves pour sourire à l’avenir et lui vouer son expérience confiante. N’est-ce lui qui, dans une lettre intime, datée du 31 août 1911, s’exprimait comme suit :

Le Destin est terrible et nous assomme parfois ; mais disons-nous que nous sommes plus fort que le Destin, et qu’il ne nous rendra ni lâche ni haineux. Je ne parle pas pour ne rien dire. Dès mon adolescence, j’ai été frappé dans mes plus chères affections, et de bonne heure j’ai connu parmi les miens des agonies atroces et des malheurs pires que la mort. Je ne parle jamais de ces choses, et si j’en parle (sans d’ailleurs vouloir préciser) c’est pour vous donner du courage. Je passe partout pour le joyeux Merrill. Oui, mais une mère admirable m’a enseigné par son exemple le courage du rire et du sourire. Je sais par quelles larmes et par quels deuils elle a dû payer les rayonnements de joie qu’elle a connus. Cependant, aux pires adversités elle a opposé son bon sourire…
Ayons donc ce courage dont font preuve tant de femmes. La gaité est un devoir, puisqu’elle est l’affirmation de la vie. Portons-en le masque, tout au moins par respect pour la jeunesse et la santé, et tout l’enthousiasme et tout l’espoir de l’homme.

Une pareille citation, j’imagine, établira mieux que l’analyse la plus poussée des mobiles et des idées de Merrill, que nous nous trouvons en présence d’un peu banal caractère moral, qui ne s’est point démenti une heure de son existence, et qui éclaire manifestement, dès qu’on en a découvert la clef, le sens mystérieux et profond de son œuvre.

Oui, que, sans oublier celle qui s’est abattue avant l’heure et dont elles porteront en leur cœur le deuil sincère et souriant, les fillettes s’adonnent à la vie ; la vie est belle, chaude, grande ; c’est une joie et c’est une fête : il faut savoir opposer son orgueil humain aux coups maudits du sort, on ne les surmonte que par le dédain ; il est des beautés assez puissantes à travers toutes les existences, dans la nature, dans l’œuvre de nos mains et de nos cerveaux, dans l’amour, pour exalter notre courage et pour justifier notre confiance et ses élans les plus enthousiastes.

Telle est la conquête qui se précise, lorsque, abandonnant ses rêves des temps jadis, Merrill s’interroge, ouvre les yeux sur la signification vivante de la vie, s’enrichit de tout ce qui le touche, de tout ce qui l’environne, et pénètre dans la contrée vraiment féerique, car elle est partout lumineuse et partout sonore et fleurie, de l’universel Amour. N’est-ce point trop peu dire, que par une pensée, que par une exaltation de ce genre, il rejoint et égale son grand compatriote Walt Whitman ?

L’Été débute par la délirante et pieuse Chanson de Pâques :

Mon âme est pleine de cloches,
Mon âme est pleine d’oiseaux !…

Une tempête menace ; au loin un refrain barbare : « On se bat au bout du monde » assure qu’il est, là-bas, des tueries, que les hommes font un usage sanguinaire et haineux des dons qui leur sont départis ; qu’il faudra peut-être (On se bat au bout du monde !) délaisser le paradis qu’on s’était créé, car le sang qui coule n’est-il point lustral ? N’est-ce point l’Amour enfin qui naîtra de la Haine ? Ne faut-il point qu’on prépare, fût-ce par sa mort, la joie universelle de l’Avenir ?

Il te faudra peut-être, dans la mêlée qui gronde,
Sacrifier, aveugle guerrier d’un divin idéal,
Loin du jardin béni où je t’aimais, ma sœur,
Ta vie pour que des enfants connaissent le bonheur !

Certes, le poète ne se paye point d’illusion ; il est inspiré, au contraire ; c’est, au vieux sens qu’on donnait à ce mot, un voyant. N’oublions pas que le poème parut en 1900 ; ne se révèle-t-il pas étrangement visionnaire des horreurs, des maux, des hontes, mais aussi des espoirs lucides, des sacrifices et des certitudes magnanimes dont le monde a regorgé durant de lourdes années ?

Mais néanmoins l’été où les abeilles butinent entre les fleurs des jardins clos, c’est la saison parfois lourde d’amour et de bonheur et de recueillement paisible : elle en est si riche que la vie même n’y suffit pas ; l’aspect ni l’attente de la mort n’en décourage ou n’en atténue la splendeur où « l’on sent battre le cœur de Dieu » ; les mains de la mort sont pleines de pavots ; elle seule sait l’heure où nous sommes las

Fût-ce de trop de joie et d’amour assouvie ;


il ne convient pas qu’on la blasphème ; elle est « la sœur secourable de la Vie ».

Le vrai temple de sérénité, de pensée austère, attendrie et réconfortante, il semble, aux yeux de Merrill, que ce fût, en son choix, l’Automne, dont la tristesse même lui semblait douce, presque câline. L’Amour est entré dans la maison où il fut accueilli et soigné, il y fera oublier la fuite furtive des jours, et on ne l’en laissera plus tard sortir que pour qu’il aille — notre ami, l’Amour — sur leurs lèvres et leurs yeux baiser les hommes,

Comme il nous baisa sur les nôtres, ce soir plein d’oraisons.

Les portes se ferment à l’Automne, dans les sanglots froids du vent : celles d’abord de l’étable, de l’écurie, celles de la grange et celles du logis où l’on écoute, le soir, à la veillée, les longues histoires du vieux pâtre, et celles enfin, silencieuses, du cœur où se renferment, dans la solitude et l’obscurité, toutes les vaines espérances. Et l’on attend la mort dans un rêve déjà désespéré ; la terre est délaissée ; des pauvres meurent de faim devant les portes qu’on n’ouvre plus. Mais non ! il faut croire à la vie ; il faut, avec un sourire, rouvrir les portes closes, et, calme, se vouer sereinement aux bienfaits vivaces encore de la foi, de l’esprit, de l’espoir et du désir ; aimer, espérer, trembler même, et prier ! car la Vie est partout présente, assoupie et divine ; que l’on fasse accueil, si elle accourt, à la Mort bienfaisante, elle n’est que le couronnement et une phase suprême de la Vie ; il faut vivre !

Et l’Hiver même, la Vie n’est point éteinte. Le souvenir des heures aisées et des travaux s’est perdu en la mémoire et sous le neige. Les enfants s’endorment dans leurs berceaux au chant des mères et des aïeules ; les hommes reviennent du cabaret dans la nuit. Mais quelqu’un veille et se souvient ; quelqu’un, dans l’inconscience où tous se sont assoupis, songe encore aux graines enfoncées, aux promesses futures du soleil, aux moissons qui vont revenir, et s’agenouille vers Dieu pour qu’il soit propice au mystère de la fécondation. Et puis, si les champs se recueillent, font silence et demeurent mornes, la ville n’offre-t-elle point ses plaisirs et ses ivresses, ses grandeurs, ou le lamentable spectacle de ses agonies ? Ne vaut-il point mieux encore aborder avec hardiesse les âpres émerveillements de la saison glacée, gravir aux sommets purs et divins, ou se fondre en le tumulte de l’Océan qui ne veut « obéir qu’aux vents et à la lune » ? On vit renfermé, au coin de son âtre, dans une sorte d’attente douillette, mais des poings frappent à la porte ; ne les entendra-t-on ? L’horloge s’est tue, la coupe est vide ; la lampe s’est éteinte. Qui frappe de la sorte parmi cette nuit de neige ? Les amis ? Je suis las de leurs danses et de leurs chants. Des vagabonds perdus dans les ténèbres et dans le froid ? Je les accueillerai auprès du foyer dont je ranimerai la flamme ; je leur servirai le pain et le vin, et j’implorerai d’eux, au Printemps, quelques fleurs sur mon seuil. Et si c’était Celui qui, vêtu de blanc, entouré de la foule des estropiés, des malades, des fous et des enfants, me sommera de le suivre vers les villes qu’on ne voit pas à l’horizon, par les routes éternelles, ah, je prendrais le bâton de voyage et je suivrais ardemment, parmi la multitude des pèlerins, les pas du Rédempteur vers les régions suprêmes ! Que sont donc ces poings qui frappent à la porte ?

Ainsi se clôt le livre d’inspiration si élevée sur une morale non tant de résignation que d’acceptation sereine, presque joyeuse, de l’universelle Destinée, sans pour cela maudire ou mépriser le frissonnement diapré de notre vie terrestre.

Neuf années de chagrin allègrement supporté, mêlé de réflexions amères, empreintes d’une expérience grave et illuminées enfin du sourire d’un amour tout fleuri, tout jeune, fin, parfumé et beau, transforment, non ! mais épurent, magnifient, en les affermissant, les pensées, l’essor généreux, la conscience fervente du poète. C’est à présent que l’homme en lui répudie le conteur, le fabuleux récitant des épopées, l’initiateur qu’il estima être, un temps, et se satisfait d’être, à l’égal des autres, avec tous et au nom de chacun, l’homme simple qui se souvient ou qui espère, qui s’attriste ou qui aime, qui vit, en un mot, de la vie commune de toute humanité.

Le Passé appelle encore ; il n’oublie pas le royaume séduisant et la vision des sept princesses dans le palais ou le jardin que les paons éblouissent de leurs plumages enflammés. Mais il y a des cris dans la nuit : le désespoir, l’angoisse de la mort, la folie, le remords, le doute céderont, sans doute, comme il convient, aux exhortations meilleures d’une foi exaltée :

Là-bas où sera douce l’aurore
Sous les arbres roses du verger,
Lorsqu’à l’heure où les nids vont éclore
Je sentirai sur mon front léger
Les baisers de celle que j’ignore,
Mais qui sera bonne à l’étranger.

Elle est venue, l’initiatrice et la révélatrice. Elle est venue poser ses doigts sur le front lourd de regrets, de doutes, d’amertumes. Et voici, à son adresse, que s’élève en gerbe radieuse la plus fraîche succession de romances, et que s’enflamment, graves et souriantes, à son los les Paroles de l’Amour. Malgré l’orage ou malgré la violence du vent sur la falaise, voici que, par un beau dimanche d’avril, le Soleil sur les Fleurs s’épanouit ; de toutes parts vibrent les Chants de la Nature parmi ce beau pays, mais où néanmoins dans l’enchantement d’un bonheur profond qu’il ne saurait même distinguer de la montée lente et parfumée du bienfaisant trépas, il se reconnaît tel qu’il a toujours été, le frère des hommes souffrants, révoltés, de ceux à qui fut dénié le rêve de toute félicité, et qui marchent, vagabonds toujours et indomptables, vers la conquête sans cesse différée des horizons insaisissables.

Nostalgies, anxiétés, émerveillements et certitudes de l’amour, éveil de la lumière dans le Printemps, plénitude de la sérénité, mais sans l’oubli des liens qui rattachent à tous, non point absorption égoïste dans une extase béate, mais force et vigueur puisées dans la bénédiction et le ravissement pour s’élancer, purifié et splendide, au secours enthousiaste, à l’exaltation de tout ce qui est grand, noble, pur et vrai, dans la Nature environnante et dans l’homme, fraternisation universelle.

Et cette conclusion à laquelle aboutissait, en 1909, l’œuvre publiée de Stuart Merrill ! Les dures épreuves que subit, dans les années suivantes, sa vie intime, parmi les inquiétudes incessamment renouvelées au sujet de la santé de Celle qui, désormais, était pour lui la conscience de sa pensée, de son cœur, de son art, et tandis que lui-même cédait, las de tant lutter, aux sournoises, continuelles agressions d’une maladie implacable, ne l’en firent jamais désespérer ni démordre : tel qu’il s’était reconnu, à travers les années actives d’investigations scrupuleuses et d’accroissement de soi-même, tels ses derniers essais, les fragments de son œuvre interrompue, telle aussi la merveille insoupçonnée, et qu’il faudra bien qu’on publie un jour, d’une correspondance ardente, familière, enjouée le plus souvent, et parfois étrangement pénétrée d’austère philosophie et d’une haute sagesse optimiste et personnelle, à tout lecteur non moins qu’à ceux qui goûtèrent le charme et l’honneur de son amitié, le révèleront jusqu’à son dernier souffle épris également de beauté, de clarté, d’amour et de justice.

Dans la belle étude si émue et si noblement pensée qu’Albert Mockel, au lendemain de la mort de Merrill, lui a consacrée (Mercure de France, 1er février 1916), il cite les strophes achevées de son dernier poème, qu’il ne lui a pas été accordé le loisir de terminer, et commente pour le surplus les notes et les indications laissées par le poète :

Tommy Atkins, ô Tommy Atkins ! le poète a rencontré, dans les rues de Versailles, le cortège funèbre d’un des premiers soldats anglais morts en France ; de compassion et de respect il a frissonné ; il regarde ; il se rend compte ; il imagine quel pouvait être ce malheureux, ses origines, sa famille, ses amours, aussi sa misère probable, sa loyauté, ses espérances sans cesse déjouées. Puis, par un retour sur soi-même, il retrouve l’image éternelle de la commune destinée, et il écrit ces lignes désenchantées, douloureuses et fraternelles :

Je finis mon pauvre poème comme le Destin a fini ta pauvre vie. Dédions-nous tous au néant, pour que nos rêves survivent. Ton nom n’est rien, le mien est encore moins. Tout ce que nous savons de toi, c’est que tu es venu mourir à Versailles, la ville du grand Roi.

Mais il s’agit de n’être point ici dupe d’une apparence, si l’on désire pénétrer la vraie pensée de Merrill. Il ne s’est pas incliné au pessimisme, bien au contraire : quelque chose existe, de plus vaste, de plus élevé, d’éternel, qui ne se confond point aux incidents quotidiens des existences individuelles, mais qui, sans s’altérer jamais, en émane et s’ajoute aux réserves de beauté, de grandeur, de bonté, dont se constitue le témoignage inépuisable de notre humaine dignité. C’est pour cela, par cela seul que l’humanité compte et dure. Nos élans, notre enthousiasme, l’idée, l’amour, la pensée, le rêve, ce sont les privilèges de notre race ; ils attestent que nous survivons par delà les courts sursauts de notre vie terrestre ; il créent l’atmosphère d’illusion féconde et réconfortante dont chacun de nous a soif et dissipe son ennui, ses doutes, ou sa fatigue.

Je copie dans une lettre, datée du 21 décembre 1907, le passage suivant :

En somme la vertu consiste à développer son être. Et par « être » j’entends aussi bien le non-moi que le moi, car je vous demande un peu ce que serait le sujet sans l’objet, le contenant sans le contenu ? Tout est moi, et je suis tout. Vous devinez déjà les conséquences de cette doctrine : je suis responsable pour ma part de toute injustice commise, de toute laideur imposée, de toute erreur répandue. Je ne crois qu’à une éternité à celle de nos pensées et de nos actions. Je ne puis élever le petit doigt sans affermir ou ébranler dans un degré infinitésimal l’harmonie des mondes.

Voilà comme ce haut esprit, ce cœur magnanime entendait la solidarité humaine, voilà l’idée qu’il se formait de la responsabilité de chacun. Tous ainsi se trouvaient liés à tous, éternellement, indivisiblement, et il pouvait encore, lorsque nous connûmes la tristesse de voir disparaître un de nos plus anciens, de nos plus fermes et chers compagnons, Pierre Quillard, exprimer ces pensées en les confirmant dans une conception plus serrée, plus précise et sensible :

Nous associâmes à notre souvenir et à notre deuil les noms de Mikhaël et de Lazare. Non ! nos disparus ne sont pas oubliés. Leur gloire renaîtra radieuse, grâce à nous qui restons, grâce à la force invincible de la Beauté et de la Justice. Tous les scepticismes auxquels se heurtaient ces héros, nous les réduirons à l’impuissance.
Ressentez-vous cette singulière impression que chaque mort nous laisse un peu de sa force, comme pour mieux accomplir dans le monde ce qu’il n’a pu complètement réaliser lui-même ? Cette force mystique de l’exemple et de l’élan, voilà ce qui, pour moi, constitue l’âme…

Ainsi dépendons-nous de la chaîne infinie de ceux qui nous précédèrent, de ceux qui nous montrèrent la voie, de ceux qui, à nos côtés, s’y engagèrent, y luttèrent avec nous, qu’ils aient succombé avant l’heure ou qu’ils persistent, et les plus jeunes qui nous auront compris ou entrevus, nous les aurons, à leur tour, nourris et encouragés d’âge en âge par la ferveur de notre exemple et de notre élan.

Nulle effusion de la pensée, au sentiment de Merrill, n’équivalait, fût-ce de loin, aux effusions sacrées de la poésie lyrique. Il n’ignorait rien des autres arts, il était attentif aux recherches de la philosophie, il s’intéressait à la science qu’il estimait très hautement ; les aspirations sociales des prolétaires ne lui étaient point indifférentes ; il se mêlait volontiers aux mouvements de la rue, à l’agitation des réunions publiques ; il appartenait activement à un groupement politique et ne dissimulait rien de ses opinions les plus hardies. Mais tout cela n’était pour lui que secondaire ; personne plus que lui n’a cultivé, aimé, exalté les poètes du monde antique et du nouveau, les Orientaux, ceux de la Bible, les divins Grecs, les Latins, les anciens Italiens et les plus récents, les Allemands, et principalement les Anglais. — Ah ! je me souviens comme, un soir, il me parla de Swinburne, comme il me présenta de judicieuses remarques au sujet d’une traduction de Rossetti que j’avais risquée ! — principalement les Anglais, certes, mais, par-dessus tout, les poètes de France, poètes suprêmes, interprètes omniprésents, émouvants, formidables ou délicats, de sa religion, de la seule religion, le lyrisme, la Poésie :

Toute la vie consiste pour nous à transformer le rêve en réalité, à rester fidèles à l’idéal, et par conséquent, supporter stoïquement les contrecoups des hommes et des choses. Notre trésor est en nous-mêmes.
N’est-ce pas là tout l’enseignement de notre Mallarmé ?
Cela revient à dire qu’il faut avoir confiance en soi-même et foi dans ses idées… D’ailleurs le but de la vie n’est pas le bonheur qui est impossible, mais l’exaltation et l’enrichissement de nous-mêmes et des autres.

Autre lettre :

Le poème lyrique est la fleur suprême de toute littérature et c’est la fleur suprême de la personnalité.

D’autres lignes, datées du 2 Novembre 1909, révèleront le culte et la grandeur de pureté dont l’âme de Merrill était emplie, mieux que n’importe quel commentaire :

Dès mon enfance j’ai voulu être un poète, et les psaumes de David me ravissaient… Que m’importe que je sois un mauvais poète, mettons un poète tout à fait négligeable dont le nom mourra avec lui ? J’ai dû à la poésie les plus hauts transports de ma vie ; j’ai aimé les poètes avec une passion toujours égale et fidèle. J’ai chanté à mon tour. J’ai mis dans mes vers toute mon âme. J’ai parfois ressenti à les écrire une douleur tellement intense que je ne la distinguais plus de la joie supérieure. S’exprimer, jaillir hors de soi-même en chants, voilà la seule raison vraie de la vie. Quand on est ainsi hanté, que voulez-vous que cela me fasse l’approbation de celui-ci, le blâme de celui-là ? Je sais que je suis aimé et approuvé par les divins lyriques, puisque c’est pour moi et mes pareils qu’ils ont écrit. Et je suis résigné à vivre sans renom, puisque j’aurai sans cesse communié avec les âmes les plus harmonieuses de l’humanité.

Nous trouvons-nous assez loin des mesquines vanités, des ambitions faciles et dérisoires qu’on se complaît généralement à prêter aux poètes ? En est-il, il est vrai, beaucoup qui soient allés aussi profondément au delà des préjugés vulgaires et des quotidiennes compromissions ?

Nous sommes des poètes » — lettre du 9 février 1913 — « Soyons fiers de savoir mieux souffrir que les autres. Savoir souffrir est la suprême manifestation de la volonté humaine, c’est peut-être l’unique preuve de notre libre-arbitre.
André Fontainas.